A qui fera-t-oo croire qu'un ministère qui refuse
toute extension du suffrage, rnêrne a la commune; qui
méconnait le droit de ('intelligence a la capacité élec-
torale et lui préfère le eens même illettréqui refuse
a la commune le droit d'élire ses administrateurs, qui
maintient la loterie militaire el le remplacement,
méme lorsqu'il est poussé dans Ia voie de la réforme
par ceux qu'il appelle des rétrogrades, a qui fera-t-on
croire qu'un pareil ministère est animé de sentiments
libéraux et progressistes et que ses actes répondent
au sentiment public?
Non, non, quoiqu'en dise le parti doctrinaire, ce
n'est pas ainsi que doit êlre compris et pratiqué le
libéralisme en 1868, ce n'est pas de eet esprit étroit
qu'était animé leCongrès liberal du 14 juin 1846, ce
n'est pas cette politique-la qu'il proclamerait aujour-
d'hui s'il était appele a se prononcer I Aussi, tanl que
régnera la politique doctrinaire, elle s'opposera a la
réunion d'un nouveau congres, oü elle serait a coup
sur désavouée par l'immense majorité.
Si des membres du Congrèsde 1846, fidêles a leurs
principes, ont marche avec le progrès des idéés,
d'autres, et M. Frère-Orban tout le premier, sont
restés stationnaires et sont devenus les alliés de ceux
qui, comme MM. Dolez et H. De Brouckere, étaient
en 1846, les plus implacables adversaires de la mani
festation patriotique dont l'hötel de ville de Bruxelles
a été le théatre.
Qu'est devenue la vitalité, I'ardeur du parti libéral
de ces temps de lutte et d'abnégation? Depuis, nos
ex-amis satisfaits s'endorment dans leur inaction,
toute excitation a marcher en avant les irrite et les
indigne, et pour justifier leur affaissement, ils en
sont réduits a répéter a tout propos Heureux
les peuples qui n'ont pas d hisloire!
Non, non, cette torpeur, eet engourdissement, n'est
pas la vie naturelle d'un peuple en marche dans la
voie de la civilisation, cette negation de la vie poli
tique n'est pas l'état normal, et la satisfaction des
appétits n'est pas de nature a grandir l'esprit, a dé-
velopper les forces vitales d'une jeune nation.
G'est bien plutót, si nous laissons faire, une prepa
ration a l'absorption, et encore une fois M. Gouvreur
a fait uu acte de courage, de patriotisme, dont nous
le félicitons de tout cceur, en ne dissimulant pas au t
pays les dangers de cette politique égoïste.
D'après Ie compte-rendu du meeting de la Renom-
mée, Liége, M. Coomans s'est prononcé contre les
exemptions accordées aux prêtres, de la manière
suivante
Je ne comprends pas que les séminaristes soient
exempts du service militaire, quand on n'en exempte
pas les étudiants en droit et en médecine. Que les
calholiques disent qu'il est malséant que l'étudiant
en théologie porte Ie sac (hilarité), je le concoismais
que le gouvernement dise que le capucin rend plus
de services que le médecin et l'avocat, voila ce que
je me refuse a admettre. (Bruyante hilarité.) Je con
cois encore qu'au point de vue doctrinaire, les curés
et les vicaires qui sont payés par l'Etat soient
exemptés du service militaire, mais les capucins l
Quand je demanderai a Ia Chambre l'abolition de
toutes les exemptions, je suis curieux de voir com
ment on me prouvera que la vie contemplative a des
titres plus sérieux a I'exemption que la vie laborieuse
des autres ciloyens. Je sais d'avance ce qu'on me rè-
pondra on me demandera si je veux enrégimenter
les capucins; eh bien, je répondrai oui. ^Rires et
applaudissements.) Je veux fourrer le capucin dans
le tambour (hilariie) pour qu'il crève (hilarité), non
pas le capucin, mais le tambour.
Cette appreciation est juste et le cabinet libéral
devrail s'empresser de mettre a exéculion ('excellent
programme du représentant de Turnhout.
Armements et famine.
Le Times consacre un article très-remarquable
l'examen de la situation désastreuse que font a l'Eu-
r°pe les armements de toutes les puissances. Nous
extrayons de eet article les lignes qui suivent
Toutes les horreurs de la campagne de Russie,
concentrées dans une seule saison, n'ont pas eu sur
le bien-être de l'humanité une influence aussi désas
treuse et aussi prolongée que le système qui soumet
actuellemeut toute la population virile de l'Europe a
des annees de vie de garnison sans gloire et sans pro-
fit, pendant que les femmes et les iufirmes restent
seuls pour labourer le sol, pendant que de larges
portions de territoiré sont imparfaitement cultivées
ou restent en friche faute de capital et de bras, pen
dant que l'incertitude et la defiance plaoenl sur le
commerce et l'industrie, pendant qu'il s'entasse dans
une banqué jusqu'a un milliard d'espèces et que le
genre humain semble frappé de Ia malédiction de
Midas. b
Singulier rapprochement.
L'article 9 de Ia loi sur la presse qui se discute en
ce moment au Corps-Législalif, interdit l'accès des
journaux francais aux personnes auxquelles le ter-
ritoire de la France est interdit. A l'epoque oü
le territoire de la France était interdit Napoléon III,
celui-ci écrivait dans ses Idéés napoléoniennes une page
éloquente sur les malheurs de l'exilé, auquel il s'a-
dressait en ces termes
Ne le laisse jamais aller a un épanchenient de
cceura desentrainements sympathiques qui tendraient
a te rappeler au souvenir de les compalriotesils vien-
draient, l'injure a la bouche, te demander de quel
droit, toi exilé, iu oses venir exprimer une opinion
sur les affaires de ton pays; de quel droit iu oses pleu-
rer ou té réjouir avec tes concitoyens I
d Prends garde, a chaque pas que tu fais, a chaque
mot que tu prononces, a chaque soupir qui s'échappe
de ta poitrine, car il y a des gens payés pour dena-
turer tes actions, pour défigurer tes paroles, pour
donner un sens a tes soupirs I
SI L'ON* TE CALOMNIE, NE RÉPONDS PASsi
Ion t'offense, garde le silence, car LES ORGANES DE
LA PUBLIC1TE SONT FEB MÉS POUR TOI, ils riac-
cueillent pas les reclamations des hommes qui sont
bannis. L'exilé doit étre calomnié sans répondre, il
doit souffrir sans se plaindre; LA JUSTICE N'EXISTE
PAS POUR LUI.
Heureux ceux dont la vie s'écoule au milieu de
leurs concitoyens, et qui, après avoir servi leur pa-
trie avec gloire, meurent a cóté du berceau qui les a
vu naitreMais malheur a ceux qui, ballottés par les
flots de la fortune, sont condamnés a mener une vie
erranle, sans attraits, sans charme et sans but, et
qui, après avoir été de trop partout, mourrontsur la
terre étrangère, sans qu'un ami vienne pleurer sur
leur lombei
II est plus que probable que les auteurs du projet
ne connaissaient poiut ce passage des oeuvres de
l'empereur pourrait-on en effet écrire rien de plus
vif, de plus énergique contre l'article 9 de la loi sur la
presse
Le système du projet de loi sur la presse, en France,
pour établir la quotité des amendes aboutit a certains
résultats si bizarres, si iliogiques, si contraires a tous
les principes recus en matière de pénalités qu'il est
curieux de mettre en évidence ce cóté de la ques
tion.
L'amende prononcée par le tribunal sera, dit le
projet, au minimum du quinzième du cautionnement
et au maximum de la moitié.
Supposons maintenant deux journaux quotidiens,
l'un de Paris, l'aulre de Bordeaux, qui commettraient,
par exemple, le délit de fausse nouvelle. Ils auraient
publié la nouvelle incriminée dans les mêmes termes
et dans des circonslances identiques. Ils seront con
damnés l'un et l'autre.
Pour le journal de Paris, dont le cautionnement est
de 50,000 francs, le minimum de l'amende sera de
de 3,333 francs 33 centimes pour le journal de Bor
deaux, dont le cautionnement est de 25,000 francs,
l'amende serait de 1,666 francs 66 centimes. Voilé
done le même delit frappé de peines complétement
differentes, sans autre raison appréciable que la diffé-
rence de situation géographique des lieux oü il a été
commis.
Mais ce n'est pas toutsi ce même délit avait été
commis non plus par un journal de Bordeaux, mais
par un journal de Nevers, de Niort, d'Avignon, par
exemple, villes de moins de cinquante mille arnes,
l'amende ne serait plus que de 1,000 fr., d'oü l'on
pourrait conclure que la gravité du délit augmente ou
diminue en proportion du chiffre de la population des
lieux oü l'on s'en rend coupable.
Autre chose encore, si ce délit supposé de fausses
nouvelles avait eté commis a Paris par un journal
hebdomadaire en même temps que par un journal
quotidien, l'amende, qui serait toujours de 3,333 fr.
33 centimes pour le journal quotidien, ne serait que
de 2,000 francs pour le journal hebdomadaire.
Pourquoi? dira-t-on. II n'y a plus ici différence
de latitude; le délit est commis dans la même 'ville;
pourquoi ne pas appliquer la même peine?
En matière de délits de presse on ne sortira du
gaohis qu'en rentrant avec résolution dans le droit
commun.
Le martyroioge «les erreurs judiciaires.
Nous savons que tant qu'une loi n'est pas abrogée,
elle a droit a notre respect alors même qu'elle est en
opposition avec le cri de notre conscience. Mais nous
savons aussi qu'il est dans notre droit, dans le droit
de tous, de réclamer l'abrogation des lois qui ne sont
plus en harmonie avec les niceurs et les instincts des
générations nouvelles.
G'est a des réclamations de cette nature que nous
avons dü de voir disparaitre de nos Codes les lois bar-
bares qui ordonnaient la torture, Ie carcan, la roue,
la marque au fer rouge et tont l'appareil des rigueurs
légales d'une époque lointaine. Mais tant que la peine
de mort sera debout, nous aurons le devoir de de
mander, au nom de l'humanité, l'abrogation de la loi
qui l'ordonne et qui, tant de fois, a frappé l'inno-
cent.
En 1687, c'est d'Anglade, injustement aocusé d'a-
voir vole une somme considérable au comte de Mont
gomery, qui subit la question ordinaire et extraordi
naire et meurt a la suite des tortures, la veille du
jour oü les vrais coupables sont découverts et con
damnés.
Deux ans plus tard, c'est Lebrun qui meurt au mi
lieu d'atroces supplices, accusé d'assassinat, et peu
de temps après son innocence est hautement recon-
nue par arrêt du Parlement qui l'avait condamné.
En 1720, un sieur de Beaupré, innocent aussi, est
roué vif, victime d'une erreur judiciaire. Les juges
furent condamnés solidairement a des dommages-in-
térêts envers sa veuve.
Est-il nécessaire de rappeler i'inforlune de Galas, a
Iaquelle Voltaire a donné un si grand retentissement,
et les époux Montbailly mourant au milieu des dammes
innocents, et Le Rouge, a Aix, et Lesurques, et Wil
frid Regnault, condamné en 1817 et sauvé par un
miracle d'éloquence de Benjamin Constant et d'Odi-
lon Barrel?
Gombien d'exemples d'accusés condamnés a la peine
capitale par une Gour d'assises et dont une autre
Cour a reconnu l'innocence.
Et le raalheureux instituteur Lesnier, condamné
pour meurtre et incendie aux travaux forcés a per-
pétuité et dont l'innocence est reconnue après sept
ans de son séjour au bagneEt dernièrement encore,
la femme Rosalie Doize, injustement condamnée et
s'avouant elle-même coupable pour échapper aux au-
goisses d'une mise au secret trop prolongée et aux
tortures de son cachot etroit et obscur I
Nos lecteurs ne se souviennent-ils plus de ce pau-
vre enfant arabe, Soliman ben Kaddour, dont nous
avons raconté la douloureuse hisloire? Condamné, a
l'êge de dix ou onze ans, aux travaux forcés a perpé-
tuité pour un meurtre qu'il n'avait pas commis, il
passé dix-huit ans au bagne, et son innocence est re
connue en 1848.
Que faut-il conclure de tant de faits aflligeants?
C'est que la justice humaine, comme tout ce qui est
humain, est faillibleque les juges, aussi bien que les
autres hommes, sont sujets a l'erreur, et que, par
conséquent, leurs jugements ne doivent jamais être
irréparables. C'est déja trop que la justice soit parfois
obligee d'aller chercher un homme dans l'infamie du
bagne, de s'humilier devant lui en reconnaissant l'er
reur qu'elle avait commise et en proclamant l'inno
cence de celui qu'elle avait condamné. Quel que soit
l'état déplorable dans lequel le bagne rende de telles
victimes, il peut les rendre du moins; l'échafaud, lui,
ne rend rien, et la societé gémit éternellement de
l'erreur funeste qui a envoyé un innocent a la mort.
Puisse bientót le législateur épargner a la conscience
des juges, a ia conscience publique le retour de si ac-
cablants regrets 1 puisse-t—il effacer de nos codes la
peine de mort qui n'appartient qu'a Dieu 1
Vedette du Limbourg.) Louis JOURDAN.
A(Tranchissement des transports.
Le Moniteur publie l'avis suivant
o Le minislre des travaux publics croit utile de
rappeler que les timbres-posle de 12 et 5 centimes,