JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Hi manche
Sixième année. - 8,
23 Février 1868.
PIUX U'ABOSIEIHEXT
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, Ie porl en sus.
Un Numéro 85 Centimes
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On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d'aryent doivent étre adressés franco au bureau du journal.
Ypres, 8* Février ssos.
Un prélat francais que son humeur militante, les
ardeurs intolérantes de sa plume et ses triomphes
bruyants au congrès de Maiines ont rendu célèbre,
l'évêque d'Orléans, a lancé dernièrement un violent
manifeste contre le ministre de l'instruction publique
de France, coupable d'avoir songé a ébaucher ('orga
nisation d'un enseignement secondaire pour les filles,
en mettant l'expérience et la science des professeurs
des lycées au service de cette oeuvre nouvelle de civi
lisation et de progrès. Les correspondsnces de Paris
nous ont fait connailre ce factum épiscopal, qui a
provoqué de vigoureuses ripostes dans la presse fran-
caise. On a trouvé très-fort, et non sans raison,
qu'un prêtre vint parler d'un ton si indigné du pré-
tendu danger que couraient les jeunes filles en allant,
sous la conduite de leurs mères, écouter les lecons des
professeurs des lycées et des colléges oü s'élèvenl leurs
frères. <i Voila, dit M. Dupanloup, une jeune fille as-
sidue aux lecons d'un jeune professeur a la parole
vive, brillante, enlevant son facile et mobile audi-
toire. Les cahiers de la jeune fille arriveront au jeune
homme et reviendront a la jeune fille, corrigés et an-
notés par lui. Et lout cela parait simple, très-simple
a M. Duruy, et, dit-il, nos trois mille professeurs
sont tout prêts.
L'Opinion nationale répond a ces feintes terreurs, 5
ces insinuations toutes catholiques, par quelques ob
servations fort justes, qui ne sont pas sans trouver
leur application en Belgique, car, dans notre pays
aussi, nous avons été et nous sommes tous les jours
encore témoins d'altaques semblables, dirigées contre
toute tentative d'émanciper l'enseignement des filles
de la haute surveillance, de la domination absolue du
clergé. Nous recommandons aux plus sérieuses médi-
tations des pères de familie les lignes suivantes de la
feuille que nous venons de citer
Je demanderai a M. l'évêque d'Orléans la per
mission de lui faire remarquer que la même chose,
exaclement, se passé dans les catéchismes de persé-
vérance, entre des jeunes filles de quatorze a dix-huit
ans et le vicaire chargé de les instruire. Avec cette
différence, pourtant, que le vicaire peut être en même
temps le confesseur de la plupart de ces jeunes filles
qu'il a par conséquent le droit de les entretenir sans
témoins, dans l'ombre du confessionnal, oü l'on se
parle a voix basse, visage contre visage, et si prés l'un
de l'autre que, ce n'étail l'obstacle d'un mince treil
lage, les têtes se toucheraient.
Les jeunes filles des catéchismes de persévérance
font aussi des cahiers de rédaction, que le catéchiste
emporte ehez lui, pour les lire et les rendre avec ses
annotations. Bien plas, il s'établit fréquemment des
correspondances suivies entre le directeur et ses pé-
nitentes de prédileetion. J'ai vu une de ces correspon
dances, les lettres s'y comptaient par centaines, et
s'il m'était possible de les publier ici, on y lirait des
choses plus qu'etranges.
Enfin, il ne faut pas oublier que les professeurs
sont en grande partie mariés, pères de familie, tan
dis que les prêtres sont condatnnés au célibat per-
pétuité.
C'est le cas de dire M. l'évêque d'Orléans qui
s'inquiète si fort des tentations auxquelles les profes
seurs sont exposés
Pasteur, veillez sur votre propre troupeau. C'est
déja une suffisante tache.
a M. Dupanloup répète ce mot de Joseph de Mais-
tre On ne fait pas injure un homme en lui disant
simplement Yous êtes un homme.
Non, certes. Mais, pourrait-on répliquer a M. l'é
vêque d'Orléans que prétendez-vous done être vous
et vos prêtres Plus que des hommes, sans doute
Hélas
Et pourtant, il n'y a pas trois semaines que la
Cour d'assises du Loiret a condamné un des curés du
diocèse de M. Dupanloup a vingt ans de travaux for-
cés.
Celui-lè était-il plus ou moins qu'un homme?
Un autre journal parisien, le Temps, fait de son
cóté les réflexioas suivantes, qui méritent une égale
attention
Si Mgr Dupanloup en veut tant aux mesures
nouvelles de M. Duruy, ce n'est pas par pure sollici-
tude pour les loisirs des professeurs, ou même, nous
osons le dire, pour les mceurs de ces mêmes profes
seurs, qu'on nous peint si séduisants et si inflam
mables non, M. Duruy a voulu étendre l'enseigne
ment laïque aux femmes voila le crime. Les jeunes
gens y sont déja exposés, ce qui est assez facheux
mais en offrir les ressources aux filles, a celles qui
seront plus tard des épouses et des mères, c'est com-
battre l'enseignement du couvent et l'influence du
directeur; c'est enlever définitivement la direction
des esprits a l'église, c'est consommer la sécularisa-
tion des intelligences. Les hommes ont échappé au
prêtre, que serait-ce si les femmes allaient vivre de
la même vie intellectuelle et morale que leurs maris
et leurs frères I...
Mgr Dupanloup s'attaque l'esprit du siècle, et
le siècle est un adversaire difficile a faire reculer. La
séparation a commencé de se faire entre l'Eglise et
l'Etat, et il est a croire qu'elle se consommera. L'en
seignement a commencé de se faire laïque, et il n'est
pas probable qu'il retombe jamais entre les mains du
clergé.
11 y a plus, le pays a commencé de révoquer en
doute la doctrine du prêtre, et il est difficile d'ad-
mettre qu'il reprenne le catéchisme. Le siècle a sa
géologie, son histoire de l'antiquité, ses vues sur les
papes et le moyen-êge, et nous avons peine a nous
représenter que le siècle renonce sa science pour
adopter celle de Mgr Dupanloup.
d Les femmes, il est vrai, nous ne le savons que
trop, participent peu encore aux idéés de leurs pères,
de leurs frères, de leurs maris, de leurs enfants éle-
vées sous l'influence sacerdotale, elles sont étrangères
a leur temps, hélas I et a leur familie.
Mgr Dupanloup soutient que c'est un grand bon-
heur; nous pensons, nous, que c'est un grand mal.
11 y a, au fond de cette distinction absolue entre l'édu-
cation des deux sexes, un grand mépris de la femme.
Les superstitions que nous dédaignons pour uous-
mêmes, nous les jugeons assez bonne pour elle. L'en
seignement dont nous ne voudrions a aucun prix pour
nos fils, qui nous semblerait les annuler et les avilir,
nous y livrous nos filles. L'Eglise en profile, mais la
familie en souffre.
d II n'y a point de vie domestique digne et süre,
lorsqu'il y a entre ses membres une grande inégalité
de culture et une grande différence de manière de
vivre et de sentir. Aussi, n'est-ce point un paradoxe
de le dire ce qui compromet Ié plus la familie en
France, c'est l'influence cléricale, c'est le couvent.
Notre pays est en proie, en ce moment, a une lutte.
11 s'agit de savoir si le prêtre, qui tient encore la
femme, recouvrera par son moyen l'empire sur la
société, ou si la société achèvera de s'affranchir du
prêtre en lui enlevant la femme, pour la faire parti-
ciper a ia culture et a la vie générales.
Au fond, et en definitive, c'est le sort de la
France qui est en question. Espagne ou Allemagne
c'est a elle de choisir. Espérons que les lettres pasto
rales de Mgr Dupanloup ne pèseront pas trop dans la
balance 1
La lettre suivante vient d'être adressée M. Milne
Edwards, président de ['Association fra^aise pour
l'enseignement secondaire des filles, par M. W.-B.
Carpenter, secrétaire de l'Universitó de Londres
a L'Université de Londres ayant recu récemment
une charte supplémentaire qui lui donne pouvoir d'in-
stituer des examens pour les femmes et d'accorder
des diplómes de capacité a celles qui se présentent a
ces examens, et un comité du Sénat universitaire
étant actuellement chargé de rédiger un programme
pour ces examens, je suis dèiégué pour obtenir eet
égard tous les renseignements qu'il sera possible
de rassembler.
Notre attention a été dernièrement excitée par
le récent mouvement qui s'est produit pour étendre
l'instruction des femmes et leur donner une culture
plus élevée dans les matières qui constituent une
education libérale liberal education), mouvement
qui a été inauguré en France sous Ia direction du
ministre de l'instruction publique, ainsi que nous
l'avons appris.
Je vous serai très-obligé si vous pouvez faire en
sorte que je recoive, avant mercredi prochain au plus
tard, les règlements, documents, programmes, etc.,
qui montreront ce qui se fait èr Paris et ailleurs pour
l'instruction des femmes. Tous les autres renseigne
ments que vous pourriez me donner, tets que le
nombre des personnes qui suivent les cours et la
marche générale de ce système d'enseignement, se-
raient re§us avec la plus vive reconnaissance, e
Ees coalitions.
LIndépendance note une déclaration qu'a faite
M. Frère, dans son discours, et y ajoute les
réflexions suivantes
L'éloquent orateur a terminé son discours en
exprimant sa confiance dans l'adhésion de la majo-
Lb tout payable d'avanck.