JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
VPRES, Dimanche
Septième année. N° 15.
11 Ayril 1869.
Paraissant le dimanche.
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POUR LA BELGIQUE
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Ue «loctrinarlsm® et l'affaire de Saint-Génois.
Ce n'est pas nous qui chercherons diminuer
la part de responsabilité que la presse libérale
fait justement peser sur le clergé catholique dans
les malheureux événements dont la commune de
St-Génois a été Ie théêtre. Tout autant que Vin
dépendance et 1 'Écho du Parlementnous sommes
convaincus que c'est Ie fanatisme religieux qui a
mis la torche aux mains des incendiaires et que le
clergé, sciemment ou non, a tont fait pour surex-
citer jusqu'au crime les passions fanatiqucs de ces
populations ignorantes. Mais le doclrinarisme qui
nous gouverne n'a-t-il pas, lui aussi, une part de
responsabilité supporter dans ces événements
C'est ce que nous convions Vindépendance exa
miner, comme nous allons le faire nous-mèmes,
en dehors de tout parti pris et avec un esprit dé-
gagé de toute prévention politique.
Le clergé, nous le reconnaissons bien volon-
tiers, tire sa plus grande influence morale du ca-
ractère sacré dont ses ministres sont revètus. A la
fois organe et instrument des volontés du ciel, il
est tout simple qu'il apparaisse aux yeux des
simples comme une institution surhuraaine et que
sa parole en acquierre une autorité considérable
sur leurs esprits. Que la loi civile intervienne
pour neutraliser ou mème simplement pour tem-
pérer cette influence morale, nos principes de li-
berté nous l'interdisent, si pernicieuse que cette
influence puisse nous paraitre. Le prêtre est ci-
toyen et doit jouir, comme nous tous, de la plé-
nitude des droits que la Constitution assure tous
les Beiges.
Et non-seulement le clergé a droit la liberté
commune, mais la Constitution lui reconnait un
privilége en mettant la charge de l'Etat les trai-
tements des ministres des cultes. Passe encore
pour ce privilége, puisqu'il est inscrit dans la
Constitution, mais constatons aussi que c'est le
seul qu'elle lui accorde et qu'en dehors de
celui lè, elle place le clergé, pour les droits et
les devoirs, absolument sur la mème ligne que le
dernier des citovens.
Si les choses étaient restées dans l'état ou la
Constitution les avait mises, nous n'aurions rien
dire et nous supporterions mème, sans trop nous
plaindre, la charge d'entretenir de nos deniers une
corporation qui a pris pour mission de combattre
toutes les idéés qui nous sont chères. Mais il est
arrivé que le parti clérical, ayant occupé presque
sans interruption le pouvoir pendant les quinze
premières années qui ont suivi la révoiution de
1830, en a profitè pour investir le clergé catho
lique d'urie quantité de priviléges auxquels la
Constitution n'avait point songè. Non-seulement
on lui a conservé le droit aux honneurs et pré
séances que les décrets de l'Empire lui avaient
reconnu, mais on l'a exemptê du service militaire,
du jury, de la garde civique et enfin on lui a oc-
troyé un droit de surveillance suprème sur l'en-
seignement public. De telle sorte qu'au bout de
quinze ans, le clergé catholique s'est trouvé être
une vêritable puissance dans l'Etat, en violation
formelle de la Constitution qui s'était refusée le
reconnaltre comme tel.
Parvenu son tour au pouvoir, il semblait que
le parti libéral ne dut pas avoir de souci plus pres
sant que de retirer au clergé les priviléges que
celui-ci avait usurpés. A vrai dire, il n'avait pas
d'autre mission, lui qui avait inscrit sur son dra-
peau, comme dogme fondamentai de sa politique,
Vindépendance du pouvoir civil.
Pourtant voilé prés de vingt ans que ces pré—
tendus défenseurs de l'indépendance du pouvoir
civil sont la tète du gouvernement et, peu de
choses prés, le clergé catholique est resté en
possession de la situation privilégiée que ses amis
lui avaient faite et rien ne donne présumer qu'on
songe S Ia lui contester sérieusement. Nous ne
récriminons pas, nous constatons simplement et
I'on ne peut nier qu'en l'an de grèce 1869, après
prés de vingt ans de gouvernement soi-disant
libéral, le clergé jouit encore, en Belgique, des
mêmes priviléges, des mêmes immunités que le
clergé de 1845.
Or, si cela est incontestable, peut-on contester
d'avantage- que ces priviléges, ces immunités
ajoutent considérablement au prestige que le
clergé exerce sur les populations ignorantes des
campagnes? Ce prêtre qui parle au nom du ciel,
ne comprend-on pas que la loi civile donne sa
parole un surcroit d'autorité quand elle lui crée
une position privilégiée dans l'Etat et qu'elle le
met en dehors ou. pour mieux dire, au-dessus du
droit commun
Contradiction bizarre Ie doctrinarisme fait au
clergé une guerre de tous les instants; il ne laisse
pas passer une occasion de signaler son ambition,
sa cupidité et les vices honteux qui se révèlent
parfois dans son sein. Aujourd'hui encore, il l'ac-
cnse d'avoir fomenté les passions religieuses qui
ont allumé les ineendies de St-Génois. Et d'un
autre cöté, nous voyons ce mème doctrinarisme
reculer devant toute réforme qui pourrait déplaire
ce mème clergé et conserver S celui-ci tous les
priviléges qui lui viennent si puissamment en aide
pour maintenir son crédit sur les populations dont
il exploite la crédulité. Explique qui pourra cette
contradiction. Si Vindépendance en a le secret,
nous l'écouterons avec plaisir.
Ces
joyensetcs rabelaisiezines du Joirxal d'Vpres.
Le Journal d'Ypres a Ia prétention d'être sê-
rieux et moral. Cela va de soi il appartient la
bonne pressec'est un organe catholique rédigé
par des vicaires et autres oints du Seigneur, écri-
vant, comme feu saint Jean, sous l'inspiration
permanente du St-Esprit et au milieu de mys
tiques visions.
Or done, voici ce qu'on lit dans son avant-
dernier numéro
Démocrite riait de toutes les actions des hom-
mes... Quand on lui demanda pourquoi il avait,
lui si grand, pris une femme si petite? il répondit
que de deux raaux il faut sa voir choisir le moindre.
Comprenez-vous, femmes catholiques qui Iisez
le béat journal? Vous ètes un mal, et plus
vous ètes petites, mieux cela vaut. C'est le philo-
sophe abdéritain qui l'a dit quatre siècles avant le
Christ, et ce sont les successeurs de ce dernier qui
le répètent en l'an de grèce 1869.
La femme est un mal. Serait-ce pour cela que
les doyens Spaas et les Ignorantins.,..?Eh eh
Mais passons.
Plus Ia femme est petite, moins Ie mal est
grand. Serait-ce pour cela qu'on tient crétini-
ser les jeunes fillesII y a bien quelque appa-
rence.
Et dire que ces hommes, qui raillent Ia femme
en rappelant 1'impertinente plaisanterie d'un phi-
losophe pa'ien, sont les mêmes que ceux qui
s'altribuent la mission exclusive de lui enseigner
ses devoirs et d'éclairer son intelligence!
Oh Démocrite! Puissant railleur Tu es né
vingt-trois siècles trop tót. C'est aujourd'hui qu'il
te faudrait vivre. Comme ton rire colossal trou-
verait ample matière dans les fails et gestes de
messieurs du Journal d'Ypres et de tous ceux de
leur bordSeulement, ni eux, ni leurs des
cendants, ne citeraient plus tes mordantes plai—
santeries.
Croquignoles.
M. Frère Orban a dine chez la princesse Mathilde.
M. Frère-Orban a dine chez M. de Lavalette.
M. Frère-Orban a dine chez I'empereur.
M. Frère-Orban a diné chez l'impéralrice.
Et eet ex-démocrate, drapé en ambassadeur, truffé
et daubé a toute sauce, n'a pas l'air d'apercevoir le
four... qui l'attend.