JOURNAL D'YPRES DE YPRES, Dimanche Septième année. A0 16. 18 A-vril 1869. PRIX R'AROIKEMEWT POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour I'Etranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes, PRIX. RES AilIOSCES ET DES RECLAMES 10 Centimes 1& petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Le tout payable d'a vance. Paraissant le dimanche. Laissez dire, laisSez-vous blSmer, mais publiez voire penrèe. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, chez Félix Lambin, imp.-iib., rue de Dixmude, 59. On traite d forfait pour les annonces souvent reproduites. Toules lettres ou envois d'aryent doivent étre adressés franco au bureau du journal - Ypres, as Avril «se». En publiant dans nos colonnes l'article intitulé Seraing, nous devons a nos lecteurs commeè nous- mêmes quelques mots d'explications. Nous parta- geons les idéés théoriques de eet article; avec son auteur nous croyous que la violence est mau- vaise conseillère, qu'elle déconsidère lesmeilleures causes. Sans vouloir accuser 1 'Internationale de fomenter des troubles, nous disons que cette société peutrendre de grands services en éclairant lesouvriers sur leurs droits et leurs intéréts, en discutant les questions sociales, en poursuivant par les voies lêgales l'amélioralion de la condition du prolétariat. La discussion est notre arme a tous. Dans un siècle de civilisationsous notre régime de liberté,aussi longtemps que le pouvoir ne portera pas atteinte aux droits du citoyen et de l'bomme, il n'est pas permis d'en employer d'autres. Mais si nous condamcons la violence chez les ouvriers, nous ne lom mes pas disposés l'absoudre chez les agents du pouvoir. Nous savons que la loi doit être respectée maisil est des degrés dans la répressiou et lorsqu'on se trouve en face de malheureux, ignorants, égarés plulÖt que coupables, la conci liation et la mansuètude sont plus en situation que les coups de sabre et de baïonnette. A cótè de la loi, l'humanité réclame ses droits. L'autorité ne vit pas que de force, mais aussi du prestige que donne la consideration. Sans ce pres tige et avec la force seule, endépit des plus belles théories, elle n'est que le despotisme. Or, le despo tisme peut vaincre momentanément, grèce la force dont il di»pose,maistót ou tard la réaction se fait et il tombe sous 1'horreur de ses actes. La vêrité n'est pas encore connue toute entière sur les graves événements de Seraing. Mais ceque nous savons démontre que la répression a été implacable. Des charges d'infanterie et de cavalerie exêcutées dans une obscurité presque compléte ont fait de nombreuses victimes. Après une mèlée terrible,les soldats rentraient l'usine, les habits déchirés, les épaulettes arrachées, les baïonnettes tordues et couverles de sang. Des ouvriers y entraient de leur cèté fous de terreur, la figure inondée du sang qui s'échappait de blessures la tète, implorant pitié et protection des hommes rampaient, se trainaieut péniblement, poussaient des cris de douleur on en a vu sur la route rèlant, l'un avait Ie crène fendu d'un coup de sabre, l'autre le ventre perforé d'un coup de baïonnette. Un détachement de gendarmes fit usage de ses armes contre la foule des curieux inoffensifs qui stationnait devant les bètiraents de la gare, at tendant l'heure du départ. Lè aussi des personnes furent blessées. On remarquaitencore lelendemain devant la gare une large mare de sang et la porte en était maculée. Uue femme poursuivie par un gendarme n'eut que Ie temps de se sauver dans sa maison. La porte fermée regut un coup de baïonnette qui la trans- perga de part en part. Un malheureux cabaretier, aimé, estimé de la commune entière, fut frappé d'un coup de baïon nette la gorge au moment ou il recueillait un blessè sur le seuil de sa porte. Vóila des actes qu'on ne saurait assez flétrir. Ce n'est plus la la répression légale, la défense de l'ordre, le respect assuré aux lois, c"est de la barbarie. Et qu'on ne nous dise pas que nous inventons. Ces détails nous les extrayous presque textuel- lement des correspondences de VEtoile beige, un journal doctrinaire, ministériel, que M. Bara, dans son dédain trop superbe pour les journaux qui lui déplaisent, daigne sans doute bien lire et connaitre. Eh bien, l'auteur de ces lettres déclare parler de visu. Au surplus, laissons-Iui la pa role II est un fait qui s'est passé dimanche dont j'ai dit quelques mots dans ma précédente lettre. Je veux y revenir, préeiser davantage pour qu'on ne puissepas m'accuser de recoürir a mon imagination. J'tntends parler du cabaretier qui a été blessé dans des circon- stances si malheureuses. J'ai vu eet homme, aimé, estimé de la commune entière pour la douceur el l'affabilitéde sou caractère il était alité, en proie une fièvre brélante. Sa femme me racontait, naïvemerit, sans aigreur, sans passion, dans quelles circonstances son mari avait été blessé. L'établissement de ces braves gens, qui a pour en- seigne le Café du Midi, est silué a quelques pas de la gare. Vers 9 heures du soir, il se trouvait rempli de voyageurs attendant le dernier train qui part a 9 heures 88. Par mesure de précaulion, la porte exté rieure avait été fermée a l'insu du propriétaire un des voyageurs avait ouvert cetto porte pour salisfaire un besoin naturel. Tout a coup on entend au dehors un grand tumulte, puis, plus prés de la maison des cris de douleur. C'était I'homme sorti peu d'instants auparavant qui venait de recevoir deux coups de baïonnette le cabaretier veut voler a son secours, il se baisse pour l'aider a se relever, et alors qrfil se trouvait encore dans le couloir de sa maison, il recoit dans le cou, un peu au-dessus de l'épauie droite, un coup de baïon nette. Une femme qui habile a cóté dece café était pour suivie par un gendarme, il allait l'atteindre lorsque heureusement cette ferame parvient a se sauver dans sa maison, elle ra'a que le temps de fermer la porte qui regoit le eoup de baïonnette et la transperce de part en part. Ce ne sont pas la des faits imaginés. Si le Journal de Liége veut se renseigner en ce qui concerne le pro priétaire du Café du Midi, le docteur Kubornh qui soigne le blessé, lui donnera tousles renseignements désirables. Tous ces faits sont malheureusement dans la logique de la situation. On peuts'attendrea toutes les violences quand on met Ia soldatesque effrénée aux prises avec le peuple. Cette vérité que l'expérience confirme partont doit se réaliser surtout dans on pays oü le gou vernement, comme en Belgique, encourage et pro- ipage par tous les moyens l'esprit militariste, oü le privilége en faveur du militaire est devenu si exor bitant que celui-ci peut attaquer presque journel- iement de paisibles bourgeois sans qu'aucune me- sure soit prise pour mettre fin a ces abus par des autorités sourdes aux réclamations qui s'élèvent de toutes parts. Que disons-nous L'impunité assu- rée la plupart du temps a ces méfaits. N'avons-nous pas vu des bris de clóture, un attentat la pro- priété, commis de sang froid, en plein jour, puni nous allions presque dire récompensé par un tri bunal militaire dérision d'un renvoi a la discipline du corps? D'autre part, le pouvoir dénie chaque jour au peuple tous les droits du citoyen, il lui en impose toutes les charges l'iropót sous toutes ses formes et le plus odieux de tous, la conscription, rim— pót du sang Un ministre prodiguant l'insul'e et Ie mépris au-dela de toutes les bornes, ose proclamer du haut de la tribjane nationale le peuftle a jamais indigne d'exercer des droits éleetoraux, letraitanl, dans son arrogance,de manouvriers et de valets de ferme, capables de vendre leur vote pour un verre degenièvre Pareille politique sème la division et la haine entre les classes de la société. Elle en courage l'orgueil des privilégiés et inspire la dé- fiance a ceux qui souffrent. Insoucieuse de l'avenir et n'ayant d'autre but dans Ie présent que dejouir du pouvoir elle peutcomplairea un parti,engraisser ses adeptes des faveurs budgêtaires au détriment des véritables besoins du pays, faire des satisfaits et des repus.mais non des citoyens. Cette politique est une politique d'ambitieux, ce n'est pas une po litique nationale. Encore du sang et des ruinesSeraing mis a sac au nom du principe démocratique et social, ft SERAISG.

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L’Opinion (1863-1873) | 1869 | | pagina 1