Lroquignoles.
LE PAGANISME VENGÊ.
Le besoin de quelques divinités nouvelles se faisant
généralement sentir, Sa Grandeur de Liége vient, par
mandement expres, de créer une kyrielle de Dieux,
noirs comme Vulcain, le crêne dénudé, en mèmoire
de Samson et de Dalila et fleuris comme la trogne de
Bacchus. Jamais l'Olympe ne connut pareille col
lection
Dieu Spaas,
Dieu Borgia,
Dieu Medision,
Dieu Van Eecke,
Dieu Glaret,
Dieu Jean...
Dieu de Dieu, quels Dieux! Ah! merci, Monsei
gneur.
Mais les pauvres saints, ces vice-Dieux sans
calembourg, s'il vous plait sont d'un desespoir
fendre le coeur le plus romain. L'ceil morne et la tète
baissée, ils rassemblent leurs tristes nippes et vident,
en soupiraut, ces lieux de contemplation et de beati
tudes Saint Guperfyn renlre dans la parfumerie
saint Labre fait provision de vermine, et le doux Ar-
buès, canonisé par le doux Pie IX, par Ie ravisseur
de Mortara, pour avoir perfectionné les instruments
de torture de l'Inquisition, demaude un emploi chez
un serrurier.
lnsensiblement le Paradis se dépeuple, il n'y reste
que les propre-a-rien, qui préparent le logement
des Collégiens de la Trinité.
Hélas! de quoi la discorde ne se mêle-t-elle pas?
11 n'y a pas que la Question beige, voici une Question
cèleste. Les vieux de la vieille, les saints de la
première fournée, n'entendent pas vider la place;
les plus malins, les anges gardiens de M. Vandenpee-
reboom, invoquent la prescription d'autres pro-
cèdent en justice pour obtenir une pension alimen-
taire, car, disent-ils, si la contemplation remplil l'Sme
en Paradis, sur terre, elle conduit l'hópital.
Sans la bourse des croyants, quelques pauvres tes
taments et de tristes legs-universels, les Dieux d'hier,
au lieu d'habiter des palais, croupiraient sur un gra-
bat. Bref, la discussion s'aigrit, le Paradis est
sens dessus dessous et l'on songe sérieusement y
envoyer M. Frère en négociateur.
Le cceur serré, l'éme en proie la tristesse, nous
signalons et dénoncons a la vindicte cléricale, aux
adorateurs de M"° de Lamerlière, aux chefs spirituels
de la Congrégation de l'lndex, l'horrible blasphême
qui souitle les colonnes de la Gazette de Mons Elle
dénie la mort de Dieu, et, joignant la moquerie a
l'hérésie, elle aflirme que le Sauveur des hommes....
était garde- champétre a Wasmes
Yoila les tristes suites de l'équipée de Sa Grandeur
de Liege la concurrence s'en mêle; nous compre-
nons, au besoin, le Dieu garde-champêtre a cóté du
Dieu Van Eecke... mais ou s'arrêtera-t-on dans ces
divines semailles
Pas trop n'en faut
Une réforme importante sortira, assure-t-on, du
mandement de Sa Grandeur de Liége, qui deifie le
froc, Ia soutane. Pour la sécurité de la frontière, le
gouvernement va proposer l'abolition du privilége
qui exonère le séminaire du portez-armes. De
telle fa^on qu'au lieu et place du Dieu des armées
nous aurons une armee de Dieux
Invincible désormais, la Belgique II
Les chefs des hommes en renom de France et de
Navarre, gratifiés de l'insigne honneur de truffer
M. Frère-Orban, tendent leurs nobles poitrines au
grand cordon... en récompense de leur service.
Absolument comme les frères et amis.,..
La Société générale d'exploitation de Chemins de
fer a organisé pour le 3 mai, jour de la procession
du S. Sang, des trains spéciaux partant d'Ypres,
7 h. 25 m. du matin et arrivant Bruges a
9 h, 30 m.
Le retour de Bruges pour Ypres aura lieu
5 h. 45 m. de relevée.
Un nouvel opuscule hebdomadaire vient de pa-
ratlre Bruxelies la Revolution, par Charles
Bachelery. U porte pour épigraphe ces mots de
Goëthe Le meilleur gouvernement est celui
qui apprend aux hommes se gouverner eux-
mèmes.
Nous publions dans le numéro de ce jour Ie
nouveau tarif des heures de départ du chemin de
fer, en vigueur depuis Ie 1" mai.
Correnpondance particuliere de 1'OPlllOX.
Bruxelies, 29 avril.
M. Frère-Orban est de retour a Bruxelies depuis
hier soir. Je crois savoirque M. le Ministredes Finances
se rendra dès aujourd'hui a la Chambre des Représen-
tants et qu'il prendra lui-même ('initiative des expli
cations si impatiemment attendues par le pays. A
l'heure ou ma lettre vous parviendra, lesjournaux du
matin vous auront rapporlé le compte-rendu de la
séance. II me parait done bien inutile de vous entre-
tenir des conjectures di verses au sujet de ces explica
tions. Je me borne a vous dire qu'on attend peu a voir
annoncer par M. Frère-Orban qu'un accord definitif
s'est établi entre la France et la Belgique. S'il faut en
croire les journaux se disant bien informés, les négo-
ciations n'auraient abouti qu'a la nomination d'une
commission franco-beige, laquelle aurait recu pour
mission d'ètudier lesdifferentes propositions d'arran-
gement échangées entre les deux gouvernements.
C'est ce que nous saurons mieux ce soir.
II semble assez probable que M. Tesch sentira la
ïiécessilé de donner, de son cóté, quelques explications
sur le róle qu'il a joué dans cette affaire. Ge n'est ici
un mystère pour personne que M. Tesch a pris une
part très-irnportanteaux nègociations entre la Compa
gnie du Grand Luxembourg et la Société de l'Est
francais, nègociations qui sont la cause première ou,
pour mieux dire, la seule et unique cause de notre
diflVrend avec la France. On sait encore que la posi
tion prise par Ie représentant d'Arlon dans les rap
ports qu'il a eus a ce sujet avec M. Frère-Orban a
provoque entre eux une rupture dont I'aigreur a suf-
fisamment percé, d'ailleurs, dans le langage de M. le
minisire des Finances lors de la discussion de la loi
du23 février. Depuis, un grand nombre de journaux
onifait peser sur M. Tesch la grave accusation d'avoir
sciemment etdans un pur intérêt de lucre expose la
Belgique aux plus graves dangers. M. Tesch ne vou-
dra point rester sous le coup de semblables accusa
tions. Ses explications neseront pas la partie la moins
intéressante du debat.
Le votedu Sénatsur l'abolition de la contrainte par
corps n'a surpris personne. Déja, il y a plus d'un
mois, je vous annoucais que Ie projet adople par la
Chambre rencontrait contre lui une opposition con
siderable au Sénat et que son rejet n'y etait pasdou-
teux. Au fond, croyez bien qu'il n'y a au fond de cette
opposition qu'un sentiment d'hoslilité contre la presse.
Pas autre chose. Le Sénat n'a pas hesite a voter l'a
bolition de la contrainte par corps en matière civile
et commerciale montrant ainsi qu'il comptait pour
peu de chose les arguments tires des intéréts du com
merce que l'on a fait' valoir si longtemps contre les
abolitionnistes. Mais supprimer la contrainte par corps
contre les journalistes, quelle horrible invention et
M. Barbanson s'est mis a démontrer, aux yeux de
l'assemblée en extase, que l'abolition pure et simple
de la contrainte par corps meltrait l'ordre social en
peril.
Les préjugés trouventen eux-mémes une force de
résistance vraiment incroyable. On a beau les battre
en brêche on s'épuise en efforts inutiles. Quand on
croit les avoir abattus pour toujours, ils se redressent
et on les retrouve devant soi aussi puissants.aussi en-
racinésdans les espritsqu'auparavant. Quedefoisn'a-
t-on pas fait justice de ce vieux préjugé qui nous re-
présente,nous autres journalistes, comme des privilé
giés,jouissant de prérogatives exceptionnelles et proté
gés, par l'impunité que nous assure une législation in-
dulgentejusqu'a I'injustice, contre les légitimes protes-
tationsde la conscience publique? Quede fois n'avons-
nouspasprouvéque la loi,que l'on dilsi indulgente pour
nous, donne aux citoyens toutes les garanties contre
les excès de Ia presse Mais rien n'y fait. Le prejugé
reste deboutet nous perdons notre temps contre lui.
Reste a savoir si la Chambre acceptera les amen-
dements volés par le Sénat. Je n'en serais pas surpris.
v
C'est aujourd'hui, je pense, que la Chambre des
mises en accusation doit rendre son arrêt sur les pour-
suiles dirigées contre M. Langrand-Dumonceau. Vos
lecteurs sauront peut-être déja que le réquisitoirede
M. le procureur général deBavay conclul aunon-Iieu.
II parait assez vraisemblable que ces conclusions seront
adoptées par l'arrêt de la Chambre des mises en accu
sation mais, si mes renseignemenls sont exacts, eet
arrèl renfermerait des considérants extrêmement
fècheux pour le prévenu.
Les débats de l'affaire Delaet ont commencé a Ia
Cour d'appel. M. Jacobs a terminé sa première plai-
doirieet M. Hagheluia répondu. Les plaidoiries con-
tinueront lundi prochain et prendront probablement
encore plusieurs audiences. Le bruitcourait au Palais
de justice que M.Jacobs avait recu la visite de deux
officiers chargés de lui demander réparation au nom
d'une personne dont le nom a fait grand bruit dans
l'affaire Delaet et qui se trouve peu satisfaite, parait il.
de la manière dont le défenseur de M. Delaet a parló
d'elle l'audience.
Le théèlre de la Monnaie n'a pas encore de direc
teur pour la saison prochaine. A vrai dire, on croirait
que notre administration communale fait tout ce
qu'elle peut pour dégoüler les postulants. Ne voila-t-il
pas qu'elle se prévaut tout-a-coup d'une clause du
cahier deseharges qui n'a jamaisetè exécutée a M. Letel-
lier En droit,sa demande peutêtre fondée. Je n'en sais
rien mais tout le monde comprend que cette grande
rigueur n'est pas de naiure a allécher ceux qui au-
raient l'envie de prendre la place du directeur acluel.
II faut convenir aussi que le grand succes qui
a'tend Patrie au théatre de la Monnaie pendant les
mois de juillel et d'aoüt va nuire singulièrement aux
recettes du directeur qui ouvrira le I" septembre.
Le pot sera écrêmé, a ditun journal, et l'on trouvera
diffcilement quelqu'un qui soit disposé a se contenter
du pelit lait.
La section centralede la Chambre des représentants
propose l'adoption du crédit de 73,000 francs des
tines a payer les frais du service funèbre célébré a
S,s Gudule a l'occasion du dècès de S. A. R. le due
de Brabant. La section centrale n'a trouvè a rogner
sur ce compte formidable qu'une somme de 509 francs.
D'oü il faut conclure que les 72,491 francs restants
sont très-légtimement dus et que la plus sévère éco
nomie a présidé a cette dépense. La Chambre sera
sans doute de eet avis, mais je doute fort que ['opi
nion publique partage le même sentiment.
Le Pont International entre l'Angleterre
et la JFrance.
J'ai faitnaguère laconnaissance d'un hommeauquel
peut-être la postérité élèvera des statues el qui, en
attendant, vit paisible et modeste, dans uil apparte
ment de la rue de Chabrol, a Paris, M. Boutet est
francais et ingénieur, deux raisons pour être ingénieux
Depuis dix ans, il poursuitune idéé unique, concen-
trè dans son problème, recueilli et silencieux au sein
du brouhaha de la vie parisienne, comme Archimède
au milieu du tumulte des combats.
Cette idee fixe, ce problème absorbant, c'était
la découverte d'un moyen pratique de relier la France
a l'Angleterre.