JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI
FPRËS, Di manche Septième année. 42. 17 Öctobre 1869.
Le tout payable d'avance.
I
PK1X U'ABOMüEMEilT
POUR LA BELGIQUE
S francs par an; 4 fr. 50 par seraestre.
Pour l'Etranger, Ie port en sus.
'Uti Numéro 25 Centimes,
PRIX MES A.tHOSCES
ET DES RECLAMES
10 Centimes la petite ligne.
Corps du Journal, 30 centimes-.
Paraissant Ie -i manche.
Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensee.
On s'abonne a Ypres,
au bureau du Journalrue de Dixmude, 59.
On traite a forfait pour xs annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d'argent doivent dtre adressés franco au bureau du journal.
El BII.AX.
Au moment du renouvellernent de la moitiè du
Conseil communal, il nous sera bien permis sans
doute de reporter nos regards en arrière et d'exami-
ner comment ont étégérès nos intéréts les plus chers
depuis trois ans, époque de la dernière election.
Mais avant tout nous tenons a dire que nous voulons
etablir notre bilan sur le terrain exclusivement com
munal, en dehors de toute opinion politique, c'est-a-
dire sur Ie terrain des intéréts purement matériels.
Assez longtemps on nous a mené avec des phrases,
nous faisant répudier parfois des idéés excellentes,
plus souvent approuver des idéés mauvaises, sur la
foi de l'étiquette. Clérical et libéral sont des mots
dont on a trop longtemps abuse au profit des pre
tentions exclusives d'un petit nombre. Les choses
n*étaient-elles pas poussées si loin que récemment
nous avons vu des journaux essayer de parquer les
lignes de chemins de fer en lignes libérales et lignes
cléricales
Aujourd'hui le public désabusé commence a voir
clair; ses sympathies seront acquises désormais a
ceux qu'il jugera les plus aptes, par le talent comme
par le caractère, a défendre ses intéréts.
Sur Ie terrain communal lous les citoyens animés
d'un sincère désir de voir prosperer notre ville natale
et que n'aveugle pas un fanatisme suranné ou une
insatiable soif de domination, peuvent se donner Ia
main sans honte, chacun conservant intactes ses opi
nions, ses aspirations, ses croyances dans le domaine
politique et religieux.
DisonS d'abord que, dans un certain monde, infime
par le nombre, mais puissant par sou astucieuse au-
dace, il est de tradition qu'il faut un Conseil commu
nal homogène et, pour ces gens, le mot homogène ne
signifie pas seulement un conseil composé d'hommes
appartenant a un même parti politique, mais des
conseillers constammenl du même avis sur toutes les
questions administratives. Un seul toujours le
même inspire et tous les autres opinent du bonnet.
Homogène, c'est l'absence de toute discussion, le si
lence approbatif partout et toujours, l'étouffement de
toute initiative, l'alignement des idees plus régulier
que celui de nos rues. Cerles nous n'entendons pas
rendre responsable de ce déplorable système tous nos
conseillers indistinctement; il en est, nous le savons,
qui portent le joug aussi impatiemment que qui que
ce soitmais, grace a Ia docilité avec laquelle le corps
electoral a accepté jusqu'ici les candidatures comme
une aumóne de la main de quelques-uns, ils savenl
que leur réélection est au prix de leur silence.
Une pratique de plus de trente années de conseil
communal homogène doit avoir porté ses fruits, pas
n'est besoin même de tant reculer; nous pouvons
juger le système par ces trois derniöres années.
II y eut un jour une sorte de réveil dans l'esprit
public el les promesses allèrent aussitót leur train.
11 est vrai que c'était a l'époque d'une élection et que
ces promesses restèrent a l'état de promesses.
Nos rues exigeaient un repavage, disait-on. Qu'en
a-t-on fait Notre Graud'Place, une des plus belles du
pays, le centre de la ville, n'est-elle pas toujours,
quand il pleut, une mare d'eau a nous faire rougir
devant les étrangers qui viennent visiter nos monu
ments?
On a conslruit des trottoirs, c'est vrai, et c'est la
une bonne créationmais nous en sommes redevables
a nous-mêmes bien plus qu'a l'administration. Les
riverains n'interviennent-ils pas dans cette construc
tion pour 60 p. c., tandis que l'administration ne paie
que 40 p. c.
Nous avons démontré, autrefois, comment eet im-
pót pèse sur le bourgeois, dont la fortune immobilière
se compose le plus souvent de maisons, bien plus
lourdement que sur le grand capitaliste qui ne possède
tout au plus que la maison qu'il habite.
Et puis que de vexations a l'occasion de ces trot
toirs, que de faveurs, que d'injustices A l'un, désa-
gréable aux messieurs de l'hötel-de-ville, on applique
le règlement dans toute sa sévérrté draconienne; pour
un autre, qui a l'insigne bonheur de plaire, il est des
accommodements et, pendant qu'elle défend aux habi
tants d'avoir des marches d'escalier dans la rue, l'ad
ministration construit son batiment d'école avec deux
ou trois marches en saillie sur le trottoir, se mettant
ainsi, de sa proprè autorité, hors du droit commun et
violant elle-même la première un règlement fait par
elle-
Et le système des eaux La distribution en était
mauvaise, il la fallait changer radicalement I Ailleurs
on eut ouvert dans ce but un concours, faisant appel
toutes les spécialités. Ici l'esprit de camaraderie im-
posa un protégé 15,000 francs furent votés pour
études préliminaires. Les 15,000 francs dépensés en
grande partie, si pas en totalité, ont produit ce projet
original qui consistait a élever un réservoir immense
au sommet de notre beffroi, projet qui a fait la risée
du public tout entier et déversé le ridicule sur les
protecteurs du protégé.
Depuis une volte-facecurieuse a été opérée et ceux
qui avaient trouvé primitivement nos eaux détes-
tables ont déversé par la suite des flots d'encre pour
prouverqu'elles sont bonnes. Peine perdueLe palais
de ceux qui en boivent sait trop bien a quoi s'en tenir
En attendant, nous continuous d'avaler des eaux
vaseuses, pour nous servir des expressions mémes
d'un rapport et l'administration communale, roulant
toujours le rocher de Sisyphe, dèpense annuellement
l'intérêt d'un capital de 100,000 francs raccommoder
des tuyaux qui, a peine répares, se déchirenl de
nouveau.
Est-il surprenant qu'en face de pareiiles inepties
lesrevenus de la ville soient insuffisants
Certes, nous ne voulons pas critiquer les produc
tions de l'art qui élèvent le niveau intellectuel et moral
des peuples el nous avons admiré avec tout le munde
les ceuvres magnifiques qui dècorent notre salie
échevinale. Le Moniteur de l'hótel-de-ville avoue
110,000 fr. comme coüt des travauxde cette salie. II a
intèrêt a n'en pas exagérer le chiffre et nous ne devons
accepter son assertion que sous bénéfice d'inventaire.
Mais est-il sage deconsacrer 110,000 fr. a une oeuvre
d'art pour satisfaire la gloriole d'un homme quand
la caisse est vide et qu'on manque d'argent pour les
améliorations les plus indispensables!
La caisse est videC'est le cri de détresse qui ré-
sonne journellement sous les voütes de l'hótel-de-
ville D'un coup l'administration a augmenté les cen
times additioneels de 22 p. c. etce n'est qu'un com
mencement.
D'autres augmentations on I'a déclaró au Conseil
nous menacent.
Ypres paie aujourd'hui par habitant plus que Dix
mude, plus que Menin, plus que Courtrai, plus que
Poperinghe. Après Wervicq, c'est la ville de l'arron-
dissement la plus imposée. Chaque habitant y paie le
même chiffre qu'a Bruges et paierait davantage u'é-
tait qu'Ypres retire de ses immeubles un revenu an
nuel prés de neuf fois plus élevé que celui que Bruges
touche des siens.
Le Progrès a fait sonner si haut, dans le temps., le
dégrèvement qui devait résulter pour la Flandre de la
nouvelle péréquation cadastrale. Eh bien I les habi
tants d'Ypres n'ont rien profité de ce dégrèvement.
L'hötel-de-ville est venu leur prendre, sous forme de
centimes additionnels, bien au-dela de la part dont le
gouvernement avait diminué leurs contributions fon-
cières.
La ville d'Ypres est-elle done si riche, son industrie
si prospère, son commerce si florissant qu'on se per-
mette de tailler ainsi en plein draps et de la charger
a ce point d'impöts Nous avons dénoncé maintes fois
l'hostilité sourde que rencontrent chez certains les
essais d'implantation de nouvelles industries dans nos
murs. Le commerce n'est pas plus en faveur chez
eux. Ce que ces hommes couvent au fond de leurs
pensées les plus secrètes, c'est le désir de maintenir
la bourgeoisie dans la médiocrité afin d'en avoir plus
facilement raison. Serrer, comme dans un étau, le pe
tit commerce par la nécessité de vivre de la clientèle
des ètablissements publics, échanger un bulletin de
vote contre une once de poivre ou une demi-once de
casscnadeet, sur cette suggestion, asseoir la domina
tion d'un petit nombre. Voilé le caleul.
On se rappelle comment, au mois d'aofit 1868, les
commercants de la Grand'Place furent frappós dans
leurs intéréts par le déplacement du champ de foire.
On alléguait alorsles nécessités de Ia réception royale.
Au mois d'aoüt dernier, la déplorable incurie de l'ad
ministration locale a fait avorter le tir a la cible. La
plupart des gardes civiques, mécontents des mau
vaises dispositions prises, ont quitté notre ville le di-
manche même et dès le lundi notre kerraesse était
moins animée qu'une kermesse de village. Les pau-
vres dètaillants virent de nouveau leurs espérances
décues. Aussi la gêne est-elle parloul.
Doit-on s'étonner, en présence de ces faits, que
notre population soit tombée, depuis 1865 jusqu'a
1868, de 17,809 habitants a 16,600?
Ainsi, d'une part, stagnation des affaires, extinc-
tinction graduelle de la prospérité publique, absence
compléte de tout grand travail d'utilitède I'autre,
augmentation continue des impóts, consequence iné-
vitable d'inintelligentes dépenses. Voila le mal.
Quel est le remède ce déplorable étal de choses