JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YP li ES, I) i manche
Huitième année. N° 18.
ler Mai 1870.
Le tout payable d'ayance.
Paraissant le uimanche.
P1EIX «'iBOliSElIEIT
POUR LA BELGIQUE
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Un Numéro 25 Centimes.
PRIX DES AMOÏCES
ET DES RECLAMES
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t
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Ypres, 30 Avrll iss».
Les associations Iihérales d'Anvers, de Gand,
d'Alost et de Lierre se sont réunieg pour offnr un
banquet a M. Augusle Orts, comme témoignage
de reconnaissance pour les services qu'il a rendus
dans la defense des nombreuses reclamations
électorales sur lesquelles la Cour de cassation et
la Cour d'appel ont eu statuer dans ces derniers
temps.
M. Orts, qui joint a la réputation d'un juris-
consulte très-distingué celle d'un mystificateur a
froid de première force, a prononcê, cette occa
sion, u i long speach politique qui a dü mettre la
joie au cceur de tous les amis de la gaité.
L'espace nous manque, malheureusement, pour
reproduire in exlenso ce chef-d'ceuvre d'ironie
humoristique et gouailleuse. II faut nous borner
quelquespaasa.es, que nos lecteurs trouveront
certainement trop courts pour la satisfaction qu'ils
en retireront.
L'orateur, s'adressant aux associations libérales,
ces associations qui, depuis bientót 25 ans,
maintiennent dans nos Chambres la majorité
muette et servile que l'on connatt, leur parle en
ces termes
Si l'opinion libérale veut un jour régler le compte
des services rendus, c'est a vous qu'eile fera bien
d'adresserle premier tribut de sa reconnaissance,
Le compte de l'Association LIBÉRALE d'y-
pres n'est pas difficile a régler
De 1848 a 1859, el le a voté pour M. Malou,
le père de la loi des couvents.
De 1859 jusqu'aujourd'hui, elle a voté pour
M. AlphVandenpeereboom, le père du fameux
règlement sur les écoles d'adultes.
En 1868, elle a voté pour M. Yan Merris,
qui n'est père de rien du tout, et qui ne fait rien
pour l'être.
Que pour ces grands services rendus la cause
libérale, et qui sont absolument les seuls, l'asso-
ciation d'Ypres rcQoive le premier tribut de
notre reconnaissance.
Le spiiituel mystificateur continue en ces
termes
Depuis que le libéralisme tient le pouvoir en Bel-
gique beaucoup de bien inespéré looglemps a été
réaiise beaucoup d'idees nouvelles ont trouvé leur
heureuse applicatiou; beaucoup de réformes sont
accomplies.
II est injuste de le nier.
Horriblement injuste, en effet. II est vrai que
notre régime électoral est arriéré d'un demi s ècle
sur celui de toutes les autres nations fibres de
('Europe, que. sous le rapport de l'instruction
publiqtie, la Belgique vient en treizième ligne.
que nos dépenses mi 1 iIaires nous écrasent ch ique
an> ée un peu plus lourdement que nous en
sommes encore attendre, après 24 ans, la réali
saiion des promesses du Corigrès liberal de 1846;
que les réformes les plus inoffensives, lelies que
l'abolition de la contr.iinte par corps et la sup
pression de l'arlicle 1781 du Code civil rencon-
trent dans nos Chambres libérales une invincible
résistance. Mais tous ces souvenirs ne sont pas
fails pour embarrasser un orateur de la force de
M. Orts.
Ne l'oublions pas, s'écrie-t-il, Ie mouvement n'est
pas toujours un progres. ll en est des p-ogrès comme
di sfruitsils nesoni bons que iorsqu'ils sont mürs.
L'artdujardiniercreedesirjerveilles surce point
les amis de Gaud qui m'entourent ne ine dementi-
ront pasl'art nous offre des pèehes en avril et
des fraises a Nuël. Eiles sont magnifiques, sedui-
o sautes, l'eau en vient a la bouche I GoCiti z-les! Vous
reconnaissez bientót que le fruit force n'a jamais la
y> sa veur decelui qu'a dore le soleil a la saison marquee
par la nature. Puis ce qui est plus grave en poli-
tique qu'en jardinage le fruit ne se conserve
pas.
Ah! voi'a! II pnrait que nous sommes trop
pressés. Nous autres, les brouillons, nous voulons
manger les fruits quand ils ne sont pas encore
parvenus a leur pleine maturité.et c'est pour nous
préserver de la colique que ces bons doctrinaires
refusent de nous les laisser manger. Oh! les
braves geus! et que M. Orts a done raison de dire
que nous sommes bien injustes euvers eux! II
nous prend, quand nous y pensons, des envies
de nous jeter aux pieds du Progrès et d'implorer
notre pardon.
Mais, se demande l'orateur, faut-il done tou-
jours attendre? Dieu nous en garde, messieurs.
Tout bon laboureur sait qu'une fois la moisson
müre, it faut la récolter, sous peine de la per-
dre.
L'homme politique, messieurs, doit régler sa
marche sur un bijou préeieux, fort rare sans doute,
b mais non pas inlrouvable: la montre qui u'avance
pas et surlout ne retarde jamais.
Cela est fort juste et fort bien dit Mais il est
une question fort importante et a laquelle M. Orts
prend soin de ne pas toucher celle de savoir qui
règlera la montre. Aujourd'hui cette montre pré-
cieuse est entre les mains d une coterie qui pré-
tend la faire marcher au gré de ses intéréts de
boutique. Nous demandons qu'eile soit remise
entre les mains du grand nombre et que toute la
nation ait le droit d'en surveiller la marche.
Avous-nous tort?
L'orateur termine son speach par l'adjuration
d'usage
So'dats d'un même drapeau, marebons com-
pactes, rangs serrés et la main dans la main sans*
d tiédeurchezles uns,sans impatience chez les autres.
(Bravos.) Dèfendons nos conquêtes tout en nous
souvenant que l'humanité ne possède rien de si bon
qui ne soit encore perfectible!
Lh bien! non, M. Orts, nous ne marcherons
avec vous. Le chemin que vous suivez n'est pas le
nótre et, pour ce qui est de la perfectibilité de
nos conquêtes, permettez-nous de croire que les
joies du triomphe vous égarent le doctrinarisme
possède aujourd'hui une Chambre qui est, dans le
genre que vons afïectionnez, un modèle de per
fection. Quamt a nous, nous ne voyons pas qu'a-
près avoir élu M. Van Merris, les frères et amis
d'Ypres puissent jamais mettre la main sur uu
candidat plus digne, a tous égards, de les re-
présenter.
Ees ivrognes ct !eurs families.
Maintes fois nous nous sommes élevés contre les
abus des liqueurs alcooliques, vraie et quasi unique
source de louies les misères de la classe ouvrière.
Nous l'avoris dil souvent, et c'est notre profonde con
viction, aussi longtemps qu'on n'aura pas réglernenté
ies cabarets et pris des mesures etficaces pour répri-
mer l'ivrognerie, on n'aura rien fait de réellement
utile pour le peuple de travailleurs.
Comme suite a nos réflexions sur cette matière et
preuve a l'appui, nous reproduisons, extraites d'un
ouvrage du docteur Bergeret, les lignesci-après réel
lement navrantes.
Les habitudes d'ivrognerie sont telles dans plu-
sieurs villes de fabriques, et elles entrainent une telle
misère, que l'ouvrier est absolument incapable de
songer a l'avenir. Le jour de paye, on lai donne en
bloc Dargent de sa semaine ou de sa quinzaine. II n'at-
tend même pas Ie lendemain si c'est un samedi, il se
jelte le soir dans les cabarets il y reste le dimanche,
quelquefois encore le lundi. Bientót il ne reste plus
que les deux tiers ou la moitié de ce salaire si péni-
blement gagné. II faudra manger pourtantque de-
viendra la femme pendant la quinzaine qui vasuivre?
Elle est la, a la porie, toute pale, gemissanle, son-
geant aux enfanls qui ont faim.
Yient le soir, on voit stationner devant les caba
rets des troupeaux de ces malheureuses qui essaient
de saisir leurs maris, si elles peuvent les entrevoir,
ou qui atteudent l'ivrogne pour le soutenir quand le
cabaretier le chassera ou qu'un invincible sommeil le
ramènera chez lui. A Saint Quentin, plusieursde ces
détaillantsonl été pris pour ces femmes d'une étrange
pitié; elles enduraient le froid et la pluie pendant des
heures; ils leur ont fait construireune sorte de hangar
devant la maison; ils ont même mis des bancs. La
salie oü les femmes vier.nent pleurer fait desormais
parlie de leurs bouges.