JOURNAL D'YPRES DE L'AKRONDISSEMENT
JfPRE8, Dimanehe
Huitième aenée. N° 26,
26 Juin 1870.
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Libéralisme et doctrinarisme.
On a dit a satiétê, depuis quelques années, que
le libéralisme n'avait été jusqu'a présent qu'un
anti -clériealisme sans siricéritê. Les coupables sont
désormais en aveu, et nous verrons bientót les
journaux officieux cesser de défendre leur politique
bêtarde; nous verrons leurs plus chnuds partis ms
d'hier, faisant de nécessité vertu, les quitter allé—
grement pour nous suivre dans la voie nouvelle,
peu soucieux de tester a cóté d'eux dans l'ornière.
Certes au début de notre carrière, la politique
exclusivernerit anti cléricale paraissait bien justi—
fiée; commandée par les circonstances et habile—
ment conduite, nous n'hésitons pas a reconnaitre
que nous luidevons probablement le salut du parti
liberal. II était évident, en cffet, pour quiconque
appréciait sainement la situation et la vaieur res
pective des partis celte époque, que le parti ca-
tholique, qui était le principal auteur de larévolu-
tion de 18'30, ne tarderait pas ii être le seul
maftre de nos destinées. Ses chefs, entrair.és par
le mouvement qui poussait l'Europe entière vers
la liberté, instruits d'ai I leurs de ses avautages par
la vie quelque peu dure qu'avait faite leur
Eglise l'arbitraire d'un gouvernement protestant,
s'étaient incontestablement acquis les sympathies
de la nation par la largeur de leurs idéés et la fran
chise de leur langage. Le parti catholique, déja
prédominant, puissamment organisé, rapide dans
ses dé\eloppements,gr&ce a ses nombreux moyens
depropagandeet de domination, n'aurait done pas
été longtemps établir irrévocablement 1'Eglise
dans I'Etat, a adapter nos institutions aux néces-
sités d'un gouvernement épiscopal et mettre nos
libertés entre deux pages de sou bréviaire.
Les libéraux, qui avaient du se donner tout
d'abord la mission de poursuivre l'application
loyale et le sage développement de nos libertés,
afin d'arriver promptement la réalisation des
principes féconds qui n'étaient déposés quVngerme
dans la Constitution, se trouvaient en prêsence
d'unennemi plus puissant qu'eux, fortement orga
nised di*po«antde moyensd'actiou immédiatsdont
l'inüuence devait se produire de suite et s'étendre
rapidement. Pour l'empêcher d'absorber lout
pouvoir et toute influence dès les premiers jours
et de paralyser ainsi des efforts trop tardifs, ilétait
certes indispensable de l'attaquer immédiatement.
Le moyen leplus prompt de l'arrèter était de le
combattre sur son terrain, d'opposer propaganda a
propagande, d'org miser le parti libéral au point
de vue purement électoral, et de letter exclusive-
ment pour conquérir sur lui les influences gouver-
nementales, les plus puissantes de toutes.
Gréce h l'énergie de quelques hommes dont
tous les efforts se sont concentrés sur cette Intte
et dont on ne peut contester le mérite, cette tac-
tique a admirablement réussi. Le parti catho
lique, après de nomhreuses fautes d'ailleurs, s'est
assez rapidement amoindri et lorsqu'en 1857,
une majorité imposante porta les libéraux au pou
voir, les cléricaux comprirent si bien qu'il fallait
renor.cer a tout espoir d'y revenir qu'ils se
tournèrent vers les spéculations que vous con-
naissez.
Mais dans cette lutte acharnée et incessante
des deux partis pour saisir le pouvoir, les prin
cipes s'étaient effacés devant les préoccupations de
Ia stratégie; et le gouvernement, uniquement
inspiré par l'esprit de parti, n'avait pas fait un
pas dans l'application des libertés proclamées de
puis un quart de siècle. En revanche, les hommes
qui avaient dirigé et soutenu le combat, durant
ces longues années, avaient acquis la contiince
illimité, la popularitó, la puissance individuelle
qui appartiennent aux chefs éprouvés d'urie vieille
garde. Dans ehaque localité, grêce une organi
sation sévèrement maintenue, quelques hommes
dirigeaient tout arbitrairement et disposaient des
moindres faveurs.
Assurément, on ne pouvait faire un crime a ces
hommes ni de leur influence personnelle, ni du
statu quo gouvernemental, car c'était le résultat
inévitable d'une tactique qui elle-même avait été
une nécessité de la situation.
Mais leur faute commence ici.
Lorsqu'en 1857, le parti catholique lui-raême,
écrasé sous son impopularité, se reconnaissait dé
sormais impossible et se retirait de la lutte, le
moment était venu pour les chefs du parti libéral
au pouvoir d'adopter urie politique nouvelle qui
achevêt la défaite de nos adversaires et la rendit
définithe. II s'agissait de se dévouer immédiate
ment a l'application sérieuse, a Ia réalisation sin-
cère, au large développement des principes pro-
clamés en 1830, liberté, égalité devant la loi,
gouvernement de la nation par la nation, sépara-
tion de 1'Eglise et de l'Etat, tous ces principes
enfin dorit ehaque application nouvelle est un
nouveau coup de massue au clériealisme. Ils lut-
taient dès lors avec les armes qui nous convien-
nent, et ils avaient la partie belle. C'en était fait
a jamais de notre adversaire et la carrière était
ouverte, sans obstacle, au progrès.
Qu'ont-ils fait? lis out méconnu leur devoir,
ils n'out pas vu que la véritable oeuvre n'était pas
même commencée, que leur victoire sur le parti
clerical n'était encore que l'anéantissement
d'un obstacle, que le libéralisme leur avait confiè
une autre mission, plus importante et plus glo-
rieuse. Leur ennemi une fois abattu a leurs pieds,
ils n'ont plus sengé qu'è se prélasser dans leur
triomphe et s'en assurer personnellement la jouis-
sance. lis n'ont rien modifié la politique ao-
cienne, ils ont continué l'oubli des principes et
soigneusement conservé, a leur profit, l'organisa-
tion du parti, en vue de la manipulation électo-
rale; ils ont consacré leur expérience, leur génie,
les ressources de I Etat étendre leurs influences,
leur domination personnelle. II s'est formé ainsi
une coterie toute puissante qui a fait servir a son
édification et sa perpétration au pouvoir, la
politique employée au début contre le clériea
lisme et afin d'en justifier la continuation désor
mais désastreuse, ils ont soigneusement entretenu
Ie clériealisme, entre la vie et la mort, dans un
état qui leur permettait de s'en servir, au besoin,
comme d'un épouvantail sans danger pour eux-
mêmes.
lelie a été la politique doctrinaire, quele corps
électoral a si énergiquement condamnée le 14 juin
dernier.
Le doctrinarisme et les derniéres elections.
On connail le vieux dicton des jésuites de toute
robe pour expliquer tout ce qui arrive de facheux
ici-bas. C'est Ia faute de Rousseau c'est la faute
de Voltaire.
Les doctrinaires ont aussi leur mot ft eux pour ex
pliquer ieur insuccès. C'est la faute des progres-
sistes mettanl leur main dans la main ratatinée des
cléricaux. [Progrès d'Ypres de novembre 1866; lettre
d'un doctrinaire dernièrernent mis a la reforme pour
cause de vices contractés au service ministériel.)
Done, tous les échecs encourus par messieurs de
la doctrine sur le terrain électoral sont dus a la tra-
hison de quelques libéraux soi-disant avancés, vrais
brouillons au fond, faux frères de la pire espèce, qui
ne rèvent que le renversement de l'ordre base sur
l'autorité.
Tels étaient, entr'autres, les rep'-oches articulés
par le Progrès de Charleroi a charge des partisans de
la candidature M. de Balisaux. Ce journal, commeon
sait, s'est fait le champion passionnè de M. Pirmez et
consorts dans Ia deroière lutte, et il n'est aucune in
vective qu'il ait épargnée a ses adversaires. Mal lui
en a pris. Usant d'un procédé jdont on use a I'égard
des chiens malpropres et dont nous nous sommes
parfois servis vis-a-vis du Progrès d'Ypres, le Jour
nal de Charleroi a pris son confrère par la nuque, et
lui a tont bonnement fourré le nez danssa
propre prose. II y avait, en effet de quoi le barbouil-
ler.
Ce même Progrès, devenn tout a coup le grand
défenseur deMM. Eudore etCe,avait écrit, parmi bien
d'autres récriminations, les lignes qui suivent