JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEIENT
YPRES, Dimanche
Huitième aonée. N° 31.
31 Juillet 1870.
POUR LA BELGIQUE
S francs par an; 4 fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, le port en sus.
Un Kuméro 25 Centimes.
PRIX UES AISOICEK
ET DES RECLAMES
10 Centimes It petite ligne.
Corps du Journal, 30 centimes*
Le tout payable d'avance.
Paraissant le d'manche.
Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensée
On s'dbonne a Ypres,
au bureau du Journal, rue de Oixmude59.
On traite a, forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d'argent doivent étre adressés franco au bureau du journal.
IJn dernier mot.
Jamais, depuis 1830, la Belgique n'a vu son
indépendance et ses libres institutions plus gra-
vement menacêes qu'au moment ou nous som
mes...
Sur ses frontières, deux armées formidables
s'apprêtent a en venir aux ir.airis...
Demain, peut-être, les nêcessités de la straté—
gie obligeront l'une ou l'autre a envahir notre
territoire et nous imposeront ainsi nous-mêmes
le devoir de tirer l'épée pour la defense de riotre
neulralité..
La guerre, une guerre qui décidera pour tou-
jours, peut ètre, de nos destinêes, est suspendue
au-dessus de nos tètes...
C'est au milieu des anxiétés profondes que ces
éventualités redoutables ont jetées dans tous les
esprits, que le cabinet nous appelle a êlire de
nouveaux représentanls.
Le cabinet a-t il agi sagement, prudemment
en surexcitant, en un semblable moment, les
passions politiques? N'eut-il pas été plus patrio—
tique, de sa part, d'ajourner indéfiniment la con
vocation des colléges électoraux et de rappeler les
Chambres issues des élections du 14 juin
On sait noire opinion sur ce point. Pour nous,
comme pour la presse libérale tont entière, le
refus de rapporter l'arrêté de dissolution fait peser
sur le ministère une responsabilité terrible, dont
nulle excuse ne peut le dégager.
Mais le mal est fait, il est sans remède, et ce
n'est pas paree que le ministère a commis une
faute lourde que nous pourrions nous faire excuse
d'en commettre une autre.
La question posée aujourd hui devant le corps
électoral est bien simple. Pouvons-nous, devons-
nous, dans la situation créée a la Belgique par les
événements extérieurs, tenter de renverser le
ministère actuel?
Nous le pouvons sans crainte, si nous avons Ia
certitude que, ce ministère renversé, un autre,
plus sympathique a nos convictions politiques,
prendra immédiatement sa place. Car tout le
monde sera, pensons-nous, de notre avis qu'une
crise ministérielle qui durerait seulement huit
jours, pourrait, en ce moment, entrainer la ruine
totale du pays...
Cette certitude, Ia possédons-nous aujourd'hui?
Nous n'hésitons pas répondre, pour notre compte,
que, loin de posséder cette certitude, nous avons,
au contraire, Ia conviction profonde que la chute
du cabinet actuel serait Ie point de départ d'une
crise ministérielle trés longue et d'une solution
fort difficile.
Ce ministère nouveau, comment le compose-
rait-on? De doctrinaires? Quel que soit le sort des
élections, ils n'arriveront pas a la Chambre en
assez grand nombre pour former une majorité
gouvernementale. L'hypothèse la plus vraisem-
blable, c'est qu'une entente s'établirait entre les
doctrinaires et les progressistes pour la formation
d'un cabinet mixte dans lequel les forces respec-
tives des deux opinions seraient plus ou moins
également représentées.
Mais que de temps perdu en nêgociations avant
qu'une entente compléte se fut établiePrenons
qu'on y mette tout le zèle désirable. Ce ne serait
certainement pas trop de huit jours pour arriver h
un résultat.
Huit jours, c'est-è-dire huit siècles dans le
temps ou nous sommes. Et que deviendrait,
pendant la durée des nêgociations, la défense
nationale laissée aux mains d'un cabinet démis-
sionnaire? Ceux-lii seuls qui mettent leurs ran
cunes personnelles au dessus de l'intérèt suprème
de la patrie en danger peuvent envjsager sans
frémir une aussi terrible perspective.
La situation ainsi considérée dans son ensemble,
nous avouons franchement notre hésitation
conseiller nos amis politiques. 11 se peut que nous
voyons mal les choses, il se peut que nous les
voyons jusles. A eux d'aviser et de décider,
chacun pour son compte et sous sa propre respon
sabilité, du sort des élections du 2 aout.
Les garanties.
Pour un candidat, dire qui on est, ce qu'on veut,
est un devoir de conscience. Ces paroles si vraies
et si honnêtes ont été prononcées dans la réunion du
25 juillet de l'Association libérale de Bruxeiles non
par un progressiste, par un radical, par un révolu-
tionnaire, mais par M. Jamar, Ie ministre des tra-
vaux publics dudéfunt cabinet. Eiles sont la base, le
principe élémentaire du système représentatif.
On ne concoit pas, en effet, que, d'une part, quel-
qu'un sollicite un maudat sans faire connaltre ses
intentions, ses idees et, d'autre part, le bon sens ré-
pugne a ce qu'on charge de ses intéréts un roanda-
taire quelconque sans que l'on sache au moins com
ment ce mandataire s'acquittera de son mandat.
On n'agit pas avec cette légèreté dans les circons-
tances les moins importantes de la vie et l'on ne ren-
contrerait pas dans le cours journalier de l'existence
un homme sensé qui consenlirait k donner la moin-
dre mission celui dont les vues, les projets, les au-
técédents ne lui otTriraient pas loute garantie.
Esl-il logique dés lors de procèder différemment en
politique, lorsque les intéréts, la prospérilé, l'avenir
du pays sont en jeu
II ne s'agit pas d'ailleurs uniquement ici d'une
question d'intérét pour l'électeur, mais en outre d'une
question de loyauté et de bonne foi pour le candidat.
L'homme éclairé et impartial ne se fait pas a l'idée
qu'il se puisse rencontrer des gens assez osés pour
demander a leurs concitoyens de voter un bandeau
sur les yeux. On saurait trop Ie répéter Dire qui
on est, ce qu'on veut, est un devoir de conscience.
Ce devoir absolu nous avait fait espérer jusqu'au
dernier moment un engagement, une profession de
foi, une declaration quelconque. Pareille declaration
était d'autant plus opportune qu'uu revirement im
mense s'est produit, d'un bout l'autre de la Bel
gique, dans tout le parti liberal. On connait le pro
gramme adopté a Bruxeiles d'un commun accord
1° Extension du droit de suffrage, sans condition
de cens. pour les elections provinciales et commu-
nales, aux citoyens possédant un degré d'instruction
determine par la loi.
2° Extension de l'enseignement primaire, de
manière a permeltre a chaque enfant ou adulte d'ac-
quérir et de conserver le degré d'instruction jugé né
cessaire pour l'exercice du droit electoral.
3° Séparation absolue de l'Etat et des Eglises et,
comme mesure d'application immediate de ce prin
cipe, la revision de la loi de 1§42, la secularisation
de l'enseignement public a tous les degrés, la secula
risation descimelières, la suppression des exemptions
ecclesiastiques en matière de milice.
-4° Repartition équitable des charges militaires
reduction de ces charges en tant qu'elles soient com
patibles avec les nécessilés de la défense nationale.
5° Obligation pour tous les fonctionnaires dans les
provinces flamandes, a, quelque categorie qu'ils ap-
parliennent, de connaitre dorénavant le flamand et
d'en faire usage, dans l'exercice de leurs fonctions,
envers lout ciloyen qui en exprimera Ie désir.
6° Engagement d'honneur de la part des candidats
des associations libérales de proposer, dans le cours
des deux prochaines sessions, la realisation des ré-
formes énoncées plus haut.
II serait inutile de faire ressortir I'excessive mode
ration de ce programme qui a scellé l'union des
diverses fractions libérales. Mais en admettant même
que I'on puisse sedire liberal tout en répudiant ce
programme, encore n'est-ce pas un motif pourgarder
le silence en ce moment.
Partisans ou adversaires du programme, les candi
dats ont le devoir impérieux de parler, Ne pas Ie faire
c'est vouloir bénéficier d'une equivoque aussi peu
digne pour l'éiu que préjudiciable a i'electeur.
Les candidats de la réunion de I'Aigle Ie sentent
d'ailleurs si bien eux-mêmes qu'il n'est pas de ruses
auxquelles ils n'aient recours, pas de motifs spécieux,
pas de sophismes qu'ils n'invoqueut pour échapper a
une situation faussequi, pareille a la robe de Nessus,
leur brüle les épaules.
Les sophismes.
A les entendre, M. Alph. Vandenpeereboom, l'ar-
dent próneur de la loi de 1842, et ses collègues, ne
Pltix D'HtOïïKJIEST
OPINION