JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPI1ES. Bi manche
Huitième année. - N° 36. 4 Septembre 1876.
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1'pres, 3 Septembre *sso.
Les Chambres ont voté, sans marchander,
presque sans opposition, tous les crédits réclamés
par le gouvernement pour les besoins de la défense
nationale.
II parait qu'il en devait être ainsi et que le
patriotisme, tel que l'entendent ces messieurs,
leur faisait un devoir, un devoir impérieux de
donner tout l'argent qu'on leur detnandait sans
prendre la peine de s'enquérir si cet argent était
nécessaire ou non
Ils'est manifesté, toutefois, une certaine oppo
sition, et cette opposition, chose admirable, est
venue de ce même parti doctrinaire qui, en pleine
paix, aurait ruiné le pays en folies dépenses mili
taires, si le pays l'avait Saissé faire...
Par contre, les nouveaux crédits que les
Chambres viennent d'accorder au gouvernement
n'ont pas eu de plus chauds partisans que les
membres de l'ancienne opposition qui reprochaient
au ministère Frère-Orban les excès de son milita
risme.
Quelle triste, quelle pitoyable comédie! Pen
dant dix aris, l'opposition de la droite n'a pas cessé
de se faire du budget de la guerre un bélier pour
reeverser le ministère doctrinaire, et le jour oü
ses longs efforts sont enfin couronnés de succès,
elle n'a rien de plus empressé, elle, l'adveisaire
acharné de ce budget, de proposer des millions
de crédits supplémentaires. Jamais la Belgique
n'a assisté a une plus piteuse volte-face.
Oh! nous le savons bieu, il y a des raisons
toutes prètes pour justifier cette palinodie. On in-
voquera les circonstances, qui ohligenC, dira-t-on,
le pays a des sacrifices extraordinaires.
Sans doute, nous sommes loin de le mécon-
naitre, il y a des sacrifices nécessaires, inélu-
dables. Qu'en vue de parer aux éventuaiités qui
mena^aient le pays, Ie ministère ait du prendre
certaines mesures onéreuses pour le trésor public,
personne ne le contestera, mais ce qu'il se fera
plus difficilement pardonner, c'est le projet de loi
par lequel, sous prétexte de compléter les cadres
de l'armée, il vient de grever le budget annuel de
la guerre de plus de onze cent mille francs
d'augmentation... Ce projet est injustifiable et
la Chambre qui l'a vote est sans excuse.
Oui, une pitoyable comèdie. Nous avons vu
voter pour ces crédits une foule de membres qui,
detout ternes, ont fait une opposition systéma-
tique aux dépenses militaires, et nouS avons vu
voter contre quantité de doctrinaires qui n'ont
jamais fait la moindre opposition a des dépenses
militaires non moins justifiables et infiniment plus
onéreuses, Pourquoi ce revirement? Parce que
les hommes de l'ancienne opposition sont devenus
maintenant les hommes du pouvoir et réciproque-
ment.
Et tous cesbonshommes veulentqu'on les prerme
au sêrieux? Et ils prétendent, quand ils parlent
de leurs convictions, de leurs principes, qu'on les
écoute sans rire? La comédie, poussée jusqu'è ces
prétentions facétieuses, touche aux dernières
limites du grotesque.
Vousêtes bernés, dit YEclio du Parlement aux
progressistes. Yous devez bien voir maintenant
que les cléricaux ne vous donneront ni la réduction
des dépenses militaires ni aucune des autres ré-
formes qu'ils ont fastueuseraent étalées sur leur
programme....
Nous ne cesserons de répéter l'organe doctri
naire qye jamais les progressistes n'ont compté
sur les cléricaux pour réaliser ces réformes. Si nous
les avons vus arriver avec plaisir au pouvoir, ce
n'est pas, taut s'en faut, que nous eussions coo-
fiance dans leurs promesses. Nous savions fort
bien, au contraire, que leur premier soin serait de
les éiuder, mais nous avions aussi la conviction
que ces réformes sont une nécessitê proehaine de
la situation et que le jour oü le pays aurait acquis
la preuve que les cléricaux n'en veulent a aucun
prix, il s'en débarrasserait sans difficulté.
Nous sommes-nous trompés? L'avenirdécidera.
Mais si nous l'avoris bien jugé, 1 'Echo du Parle-
ment devra reeonnaitre que, loin d'avoir été ber
nés, comme il le dit, les progressistes ont suivi
une ligne de conduite trés rationelle et trés intel
ligente, car il ne restera plusau pays, dégouté du
doctrinarisme et du cléricalisme, qu'è confier ses
destinées au libéralisme qui, seul, a la sincère
volonté de lui donner les satisfactions qu'il aura
vainement demandées aux cléricaux et aux doctri
naires.
Correspondance particuliere de l'OPlliOS.
Bruxelles,2 Septembre 1870.
Au moment oü je vous écris, la place de la Mon-
naie estcouverte d'une foule anxieuse etagitèe. Hier
et aujourd'hui, on a recu, du théêtre de la guerre,
des depêches contradictoire ou, du moins, peu con-
tradictoires.
On en attend d'autres, qui n'arriveut pas, et en
attendant, la foule avide d'emotions accueille toutes
les rumeurs qui suggèrent les crainles des uns, les
espérances des autres, la fievreuse inquiètude de
tous.
C'est le soir, surtout, que la place de !a Monnaie
prend un aspect particulièremeut anitué. Les der
nières éditions des journaux ont paru, et l'on discule
les résultats probables de la journée. Des groupes se
forment devant les nombrenx cafés qui bordent la
place et devant l'hótel de la Monnaie... A-t-on des
nouvelles de Mac-Mahon Que peul être devenu Ba-
zaine?
Bazaine? dit l'un, il est claif qu'il est cerné. Ce
n'est pas clair du tout, répond un autre. Je vous dis
que ci. Je vous dis que non. La discussion s'échauffe,
on échange de gros mots et parfois des coups de
poing.
La police! la police! appelle la galerie. Ah bieu
oui, la police aurait fort a faire si elle devait mettre
la paix au milieu de toute cette effervescence. La
police préfére se maintenir daas les régies d'une
rigoureuse neutralité, jugeant, non sans raison, qu'en
pareilles circonstances, c'est a la foule elle-même a
faire sa propre police.
Vers onze heures du soir, quelques journalistes
arrivent avec les dernières dépêches... quand il en y
a. Aussitót des groupes les entourent, et comme ils se
renouvellent sans cesse, les malheureux ne parvien-
nent a s'échapper qu'après avoir rèpété trente ou
quarante fois la même nouvelle, heureusement encore
quand il n'ont pas a subir l'une ou l'autre discussion
désagréable, car il y en a la beaucoup qui ne se génent
pas pour vous dire des choses on ne peut moins
polies.si vous avez Ie malheur de leur apprendre des
nouvelles qui les contrarient.
Des journaux francais, toujours heureux de saisir
un prétexte de nous être désagréables, assurent que
Bruxelles manifeste publiquement des sympathies
pour la Prusse. C'est un mensonge odieus contre
lequel je proteste de toutes mes forces. Bruxelles
n'est pas plus prussien qu'il n'est francais. Bruxelles
garde une neutralité absolue avec un sentiment
d'égale commiseration pour ces deux malheureuses
nations, victimes toutes deux de l'arnbition effrénée
de leurs gouvernements. La presse parisienne le sait
bien. Mais c'est trop pour elle que nous tenions la
balance égale entre la France et ses ennemis. Parce
qu'il ne nous plait pas de prendre au sêrieux les
honteuses et ridicules calembredaities qu'elle jelte
tous les jours daas la publicité, il faut qu'elle nous
accuse de nourir une préférence marquée pour les
Prussiens
Mais ces reproches sont si bêtes qu'il nevaut rrai-
ment pas la peine de s'y arrêter plus longtemps.
La Chambre des représentants s'est ajournée indé-
finiment apres avoir adopté, sans discussion impor
tante, les derniers projets a son ordre du jour.
Cette courte" session n'anra peut-être qu'un seul
résultat, mais il est digne de remarquecelui decons-
later publiquement l'insuffisance du ministère actuel.
II ne m'en a jamais Coüté de rendre hommage au
talent des hommes dout je ne partageais pas les opi
nions. Plus d'une fois il m'est arrivé de relever des
appréciations injusles, dictées par un mesquiu parti
pris de dénigrer des adversaires politiques. Mais je
dois déclarer que les dernières discussions de li
LOPINION
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