grands mériles. II avait écrit des livres peu lus et peu
goütés il n'avait montré aucune capacité gouver-
nementale il n'avait rien fait si ce n'est deux ten-
tatives avortées contre Ie gouvernement de Juillet.
11 fut élu pour son Dom. Trompée ou non, la France
l'a choisi, et son élection montra cette passion na
tionale pour la prédominance militaire, laquelle fut
le motif de la guerre actuelle.
Le coup-d'Etat fut un acle de violence mais
le peuple l'a absous par Ie plébiscite. De même que
pour ['établissement de l'Empire, une majorité con-
sidérable adhéraaux changements soumis au peuple.
Le dernier plébiscite fut conteslé, mais cette
protestation n'eftt pas d'appui.
Tout honnêle républicain avouera que si l'em-
pereur était devenu victorieux, il aurait aux applau-
dissements de la nation occupé le tróne jusqu'i) la
fin de ses jours.
La France doit subir les conséquences des actes
qu'elle a permis. L'AUemagne peut largement
demander une compensation proportionnée a ses
sacrifices et des garanties pour l'avenir. Non pas que
les exigences populaires de l'Allemagne doivent être
allouées, mais certains sacrifices sont dus par la
France.
Personne en France probablement n'espère pou-
voirrejeter les armées allemandes au-dela du Rhin.
Mais les résolutions actuelles de la nation enièvent
l'espoir d'une paix prochaine. La coalition marcba
contre Ia France pour réintégrer l'ancien monarque
dans tous ses priviléges. Les armées allemandes l'ont
envahie paree qu'elles étaientattaquées par Ia France,
et la demande de départ sans condition, juste en
1793, est inacceptable aujourd'hui. II faut recon-
naitre que Ia paix doit être faite avec un ennemi fort
avancé en France et menacant Paris. Si d'honorables
conditions peuvent être obtenues du roi Guillauine,
il faut les accepter. Vouloir quand même ecarter
toule proposition de paix, aussi longternps que l'en-
nemi est en deca de la frontière, e'est saerifier a la
passion militaire qui a cause tous les désastres de
la France.
Le développementde la Piépublique en souffrira,
s'il n'est complètement empêché, Ce sera une guerre
cruelle avant que l'ennemi soit cbassé, ou la nation
anéantie, et la continuation sous forme de dictature
militaire de la faute commise en 1848. La République
périrait une fois de plus, paree que les Francais pré-
féreraient la gloriale militaire au droit et a la justice. t>
Ces conclusions nous semblent bien dures. II
ne nous est pas démontré, quant h nous, que la
République soit nécessairement liée par les enga
gements qu'a pu prendre l'Empire. Au point de
vue oft nous nous plafons, nous croyons que les
coups-d'État trouveront moins de complaisants et
de complices, le jour oü ceux-ci seront avertis
que la Liberté, rentrée en possession d'elle-même,
ne recormait pas les créances de ceux qui out aidé
a la violer.
Correspondance particuliere de IWl.liOÜ.
Bruxetles, 9 Septembre 1870.
En dehors des événements de Ia guerre, qui pré-
occupent et absorbent ['attention publique, que
pourrais-je vous dire qui püt intéresser vos lecteurs?
Ces événements eux-mêmes se succédent avec une
telle rapidité, que la curiosité du jour n'est déja plus,
le lendemain, qu'une vieillerie dont personne ne veut
plus entendre parler.
Et tenez, aujourd'hui même, il n'est question que
de la circulaire dans laquelle M. Jules Favre anuouce
la résolution du gouvernement provisoire de lutter a
outrance. Essayez de parler d'autre chose, personne
neconsentira a vous écouter.C'esl la grande, l'unique
préoccupation du moment.
Mais que, demain, comme e'est probable, un autre
événement surgisse, et Dien sait que les événements
ne manquent pas en ces temps enfievres, aussitót
l'inquiétude de tous se portera sur le nouvel arrivé
et l'on ne s'occupera pas plus de la circulaire de
Jules Favre qu'on ne s'occupe, depuis quinze jours,
de M. Kervyn de Lettenhoveou de M. Vanderdouckt.
Dans ces conditions, que voulez-vous que vous
apprenne un malheureux correspondant, condamne
par une incroyable nécessité, ne vous entretenir
que d'événements qui auront déja fait deux fois le
tour de la presse quand sa lettre vous parviendra?
Une question domine et résumé pourtant toutes
lesautres. Cette question, c'est cel le de la paix.
Dans l'élat actuel des choses, la paix est-elle pos
sible Oui, si la Prusse se montre modérée dans la
victoire et se contente d'une indemnite pécuniaire;
car, si réduite que soit la France, elle ne consentira
a une diminution de son territoire que lorsqu'une
ineluctable nécessité l'y contraindra.
II ne semble pas. malheureusement, que le gou
vernement du roi Guillaumesoit disposé a considerer
des satisfactions'pécuniaires comme suffisantes. Le
ton général de Ia presse allemande laisse clairement
entendre que la paix doit être le prix de l'Alsace et
de la Lorraine ou, tout au moins, d'une importante
rectification de frontieres.
Peuton espérer que la médiation des puissances
neutres ramenera Ia Prusse a des prétentions plus ac-
ceptablesV
Je ne doute nulleroent des bonnes intentions des
puissances et de leur désir sincère de voir mettre
une prompte fin a l'épouvantable boucherie dont
l'Europe consternée est lémoin depuis un uiois. Mais
je suis bien convaincu aussi qu'elies maintiendront
leur intervention dans les limites de simples conseils
et que pas une d'elles rie se souciera de pousser son
immixtion jusqu'a la menace d'une intervention
armée.
Le roi de Prusse Ie salt bien aussi, que les gouver-
nemenls étrangers n'auront garde de lui déclarer la
guerre pour épargner une humiliation a la France.
S'il se décide a accepter une paix qui n'impose pas
a son ennemi un trop dnr sacrifice, soyez bien con
vaincu que Ia consideration d'une guerre possible,
encas de refus, avec l'une ou l'autre des puissances
médiatrices, ne pèsera pas pour un gros poids
dans sa determination.
Quant a une résistance prolongée de Paris, per
sonne n'y croit sérieusement. Que peuvent faire, se
dit-on, la valeur individuelle de quelques milliers de
gardes mobiles et l'enthousiasme patriotique du
peuple de Paris contre les masses disciplinées et
admirablement organisées de l'armée prussienne
Moltke n'hésitera pas a saerifier, s'il le faut, dix ou
vingt mille hommes pour se rendre maitre d'un fort,
et une fois ce résultat obtenu, la crainte d'un sort
semblable a celui de Strasbourg obligera les Parisiens
a capituler.
Telle est l'opinion générale, même parmi les plus
acharnés partisans de la France.
Bruxelles regorge depuis quelques jours d'ofïiciers
francais, les uns désarmes, ce sont ceux qui se sont
rendus a l'armée beige sur la frontière les autres,
ayant conservé leur sabrece sont les officiers a
qui la capitulation de Sedan a rendu la liberté a la
condition de ne pas reprendre de service jusqu'a Ia
conclusion de la paix. Tous sont fort cordialement
aocueillis et nous expriment on ne peut plus cha-
leureusement leur reconnaissance.
G'est ce moment que l'honnête Gaulois choisit pour
accuser la Belgique d'être un territoire prussien.
Gette accusation serait odieuse si elle n'etait si sou-
verainement plaisante dans la bouche d'un journal
dont les mensonges et les hêbleries ont maintenu si
longternps la France dans l'aveuglettient qu'elle
expie aujourd'hui.
J»
On attend, d'un moment a l'autre, les premiers
trains de blessés pour lesquels la ville de Bruxelles a
fait preparer des ambulances. D'apvès ce que j'ai
entendu dire, nous en recevrons de quatre a cinq
mille. Le zèle, la bonne volonté soul grands, les
secours do loute nature abondent.
11 faut parfois de ces spectacles pour se réconcilier
avec l'humanite.
I*auvre {France.
Un jour un homme, necraignant rien, ne croyant
a rien. «ut l'idée de batir un tróne sur Ie parjure et
dans le sang. II foula aux pieds ses serments, fit
mitrailler, fusilier dans les rues les gens les plus
inoffensifs, les feinmes, les vieillards, les enfants!
II croyait, l'insensé, que le mensongejet Ie meurtre
pouvaient créer un Etat établi. II avail pour lui un
nom, auquel l'histoire n'est pas encore parvenue h
faire rendre Ia terrible justice qui lui est due, une
armée qui on avait fait entrevoir Ia guerre et les
traités de 1815 déchirés des serviteurs, pour qui
réussir était tout, qui n'avaient rien a perdre, pas même
le nom qu'ils portaient, et dont ils se sont déba-
rassés a la première occasion, les prêtres et les
moines, qui voyaient dans le gouvernement nouveau
la continuation de l'asservissement des romains par
le pouvoir théocratique.
Mais il avait plus que tout cela il avait suivi Ie
précepte du philosophe grec cónuais-toi toi-même
et pendant ses Jongues heures de prison quipour
le bonheur de l'humaniié, n'auraient jamais dü finir,
il avait puse scruter lui-inêmo, et apprendre a con-
naitre toutes les faiblesSes, toutes les turpitudes,
toutes les lêchetés qui se cachent dans les replis de
certains coeurs humams.
-Et comme il a su profiter de cette étude! A peine
son odieuse entreprise avait-eile réussi, qu'il fit
tout pour s'attacher des creatures. Peu lui importait
le parti auquel ils appartenaient; il savait que ceux,
qui ont la lêcheté de trabir leur parti pour de l'ar-
gent, pour des honneurs, craignent de perdre leurs
avanlages, et qu'ils restent fidèles par intérêt. Quant
aux honnêt.es gens, qui ne voulaient pas ramper
devant le parjure, ils étaient exilés, envoyes a
Cayenne. 11 savait encore ce que c'est que l'amour
de la patrie pour ['exile et il comptait sur Ia faiblesse
de ces malheureux.
Aussi, que de malheurs, que de misères ce règne
a-t-il engendrès! que de sang verse I que de guerres
sans résultat pour la France 1 La Crirnée, l'Italie, le
Mexique, i'Algérie, la Chine et la Cochinchine, les
deux hémisphères ont bu le sang de ses malheureux
soldats, et tout cela dans un intérêt dynastique! Les
esprits ne pouvaient pas s'occuper des choses de
l'intérieur; il fallait leur jeter en pêture les vietoires
des armes fraocaises.
Faut-il parler de ceux qui sont tombés dans cette
lutle que l'industrie et le commerce ont soutenus'
contre ces points noirs, qu'on voyait a sa voix surgir
de temps en temps l'horizon
Dix-neufans de ce règne corrupteur, accompagné
d'une littéralure malsaine qui seule recevait l'estam-
pille, avaient fait de ce grand pays et de ce peuple si
brave et si intelligent, un peuple endormi, ne vivant-
plus que par une espèce de somnambulisme.
II a faliu un coup de foudre pour le reveiller, mais
le réveil va se faire et malheur a ceux qui ont menè
la France si prés de sa perte, le peuple ne pardonnera
pas.
On écrit de Bruxelles a la Meuse
L'incident du caporal Weeckmans a eu une issue
qui engagera Ie gouvernement a y regarder a deux
fois lorsqu'il voudra exciter l'armee contre le peuple.
11 aété demontró clairement, par le temoignage même
du nouveau chevalier, qu'aucune agression n'avait.
éte commise et que rien ne motivait l'usage barbare
d'une arme a feu contre un citoyen désarme.
Gillis ètan.t a plusieurs metres de Weeckmans n'a
pu lever le bras pour le (rapper, mais seulement pour
se protéger par un geste instinctif en se voyant cou -
cher en joue.
II faut convenir que pour une fois qu'on s'avise de
fouiller dans les actes d'un chevalier de l'Ordre do
Leopold, Ie gouvernement ne s'en tire pas a soa
avantage. Que serail-oe done si l'on ouvrait une
vaste enquête sur les prècèdeots de tous les decoreS
de Belgique 1 On frémit d'horreur en y songeant.
AC'rE!» OFFICIER.
Par arrêté royal du 4 septembre la démission du
sieur Casier, de ses fonclions d'huissier prés le tribu
nal de première instance seant a Ypres, est accceplée.
ï-'AJ'ï'S MSVESÈS.
Les bruits les plus étranges ont circulé dans notre
ville cette semaine. Tantöt nous devions recevoir des
prisonniers prussiens, tantöt une partie de l'armée
d'observation qui allait se transporter sur l'ouest.
D'après les nouvellistes on preparaitdèja les locaux
pour recevoir les hommes et les munitions. Tout cela
est dénue de fondement. D'abord, il n'y pas de pri
sonniers prussiens en Relgique et, quant a l'armée
d'observation, nous croyons qu'il est plutót question
de la renvoyer dans les garnisons.
L'interruption de la circulation sur la route de
l'Etat de Rousbrugghe a Ypres au passage a niveau