mangeurs et d'assez rudes baveurs, les officiers
particulièrement. C'est beaucoup plus que la popu
lation ne peut supporter: ces exigences l'outdéja
appauvrie et, si elles persistent elles ne tarderont
pas a l'affamer. Lorsque les habitants chtz qui les
troupes viennent loger n'ont pas toutce qu'on exige
d'eux et ne peuvent se Ie procurer dans les villes
voisines ou aux marchés des environs, et il arrive
souvent que quand ces provisions arrivent elles sont
saisies par les autorites prussiennes comtne contribu
tions levées sur la ville.
Les soldats, me dirent ces Rémois, sont de meil-
leure composition que les officiers. II sont portés a
exiger plus de vin que la ration qui leur est accordée
(une demi-bouteille a chaque repas), mais, pour Ie
resle, ils sont assez faciles, et s'il leur arrive de faire
mine de vouloir user de violence ou de commettre
des exces, une plainte adressée a leurs officiers suffit
généralement pour les faire rentrer dans ie devoir.
Quelques-uns des officiers sont de parfaits gentils-
hommes, faciles a contenter et attentifs a ne pas être
a charge aux propriétaires, mais un grand nombre
sont arrogants et exigeants. On rapporte, par exem-
ple, que certains d'entre eux n'étant pas traités a leur
gré ou ne trouvant pas leurs repas assez fins et assez
variés, sont allés a l'hótel et ont envoye la carte a
leurs hótes. D'aulres recoivent constamment des amis
a qui ils donnent a dejeuner et a diuer, et exigent une
table bien servie.
J'omets une foule d'anecdotes qui m'ont élé racon-
lées et qui montrent comment la population des de
partments en vahis est traitée par l'envahisseur.
Pour être impartial, j'ajouterai que les officiers
prussiens, la plupart raides, impérieux, et ils le
sont en général également chez eux, ne maltraitent
pas la population, qu'ils respectent les femmes, qu'il
n'est arrivé que tres rarement qu'ils les aient insul-
tées ou outragees, enfin qu'ils respectent la propriété
privée et paient lout ce qu'ils prenneut dans les bou
tiques, les hötels et les cafés.
Je dernandai ce qu'étaient devenus les grands ma-
gasins de vin de champagne de Reims l'officier
prussien est grand amateur de ce vin. On n'y a pas
touche.
Les maisons abandonnées par leurs propriétaires
sontdans un triste état. II en est de même des mai
sons de campagne des environs de Reims dont les
propriétaires sont rentrés en ville. On m'a assuré
qu'on en avait emporté tout ce qu'on avail pu.
Les paysans se plaignent beaucoup, et il semble
que dans les villages la conduite des soldats a èté
plus repréhensible que dans les villes, oü les exces
peuvent être plus facilementréprimès par des plaintes
auprès des autorités militaires.
Les billets de logement sont cause de nombreux
embarras. Des families pauvres, qui ue peuvent dis
poser que d'un tres-petit espace, sont litléralement
jetées sur la rue par les soldats qui les envahissent.
La détresse est si grande dans les classes infe-
rieures que les riches sont forcés de faire dislribuer
du pain a des malheureux pour les empêcher de mou-
rir de faim.
Le pays est couvert d'une foule de gens dépourvus
de tout, sans argent, sans asile et sans ouvrage, bref,
de mendiants qui meurent de faim.
De ces fails el autres qui me sont rapponés de la
même source, il est impossible de ne pas conclure que
les AUemands, tout en s'abstenant d'actes de vio
lence, traitent le pays trés severetnent, si celte ex
pression peut s'appliquer a un système qui réduit
une immense partie de la population a la mendicite
et ne lui laisse d'aulre perspective que celle de mou-
rir de faim.
Wilhelmslioche.
On écrit an Times que le roi de Prusse a offert
une residence a Wilhelmshcehe a l'impératrice et au
priuce impérial, et que l'offre u'a pas été acceptée.
Le même correspondant dit que l'Empereur a rendu
hommage a l'attitude du peuple allemand pendant
tout son voyage jusqu'a Cassel. Un des officiers de
l'entourage du prisonoier a tuêtne exprimé l'opinion
que dans des circonstances semblables, on ne pour-
rait guère attendre de la population francaise qu'elle
se conduisit aussi bien. L'Empereur, depuis qu'd est
en Allemagne, a apporlé de grandes réductions a son
train de vivre,et a exprimé Ie désir de payer les frais
de son séjour; mais comme le roi de Prusse avail lni-
inême pourvu a tout, il a été impossible de faire suite
8 ce désir. Le personnel a toulefois été diminuéet des
chevaux vendus.
L'Empereur, peu aprèssonarrivéea Wilhemshcehe,
a recu du prince Napoléon une lettre non cachelée,
qui est parvenue a son adresse par l'intermédiaire du
quartier général du Roi. Le prince y exprimaitle
désir d'être autorisé a voir l'Emperenr, mais celui-ci
a fait répondre qu'il ne tenait pas a recevoir Ia visite
de son cousin.
Lorsque les nouvelles de Paris son venues a Wil-
helmsboehe, l'Empereur, perdant son calme ordi
naire, s'est écrió Voila le plus grand malheur
qui pfit arriver a la France. Une république 1 Main-
tenant, messieurs, nous avons les mêmes ennemis,
vous et moi.
L'Empereur a fait au roi de Prusse une demande
quia éte trouvee singuliere et dénuée d'iinportance.
C'était de pouvoir s'habiller comme lout le monde.
II peut porter tout ce qui lui plait, a rèpondu le
roi de Prusse.
Un officier a été chargé a Gassel d'aller prendre
chaque matin les ordres de l'Empereur, puis de quitter
le chêteau afin que le prisonnier se seniit fibre,
excepté quanta sa parole donnee.
L'Empereur a été frappé du grand nombre de sol-
dals qui se trouvaient en Allemagne et des gardes
d'honne'ur qui l'attendaienl dans toutes les stations
oü il passait. G'étaient des hommes de la landwehr.
On dirait, s'écria l'Empereur, de vieux soldats dis-
ciplinés, et ce n'est la pourtant que de la milice.
Ils sont l'un et l'autre, lui répondit-on.
Le comte de Palikao est arrivé a Wilheimshoehe.
Correspontlance particuliere de I'OI»S^IS©jS.
Bruxelles, 29 Septerabre 18/0.
En vérif.é, j'éprouve, en corrimencant ma lettre, un
sérieux einbarras. Comment intéresser vos lecléurs
a mes petites nouvelles la main, quand tant et de si
graves événeuients absorbent leur attention Je ne
sais, mais il me semble qu'il y a une sorte d'outre-
cuidance a venir parler aux gens des menus inci
dents de notre politique intérieure dans un moment
tel que celui oü nous sommes, et si petite place que
je prenne dans vos colonnes, j'ai toujour s peur qu'on
ne me pousse dehors, comme un importuii....
Enfin, c'est a vous de juger. Mais, je vous en prie,
n'y metlez aucune facon. Si mes racontars vous
paraissent peu interessants, ne vous gênez pas pour
en faire justice et jetez-les au panier sans crainte de
m'offenser.
L'arrêté royal qui clót la session extraordinaire des
Chambres vieot de parailre au Moniteur. J'ose croire
que voila une mesure qui sera trés favorablemeut ac-
cueillie dans ie pays.
En ce moment de gêne universelie, il n'y a pas de
petites économies La clóture de la session Puit cesser
le cours des indemnités dües a nos représentants et
nous èpargne ainsi une dópense d'une cinquanlaine
de mille francs, ce qui n'est pasdeja tont a designer.
Mais ceci n'est encore que peu de chose. En clötu-
ranl la session, le gouvernement nous donne lien de
croire qu'il ne devra pas avoir recours a de nouveux
subsides avant la rèunion ordinaire des Chambres.
C'est cette espérance quej'appelle la bonne nouvelle.
De fait, Ia guerre nous aura coüté jusqu'è présent
25 millions, en comptant comme dépensês et ils ne
valent guère mieux que s'ils l'étaient déja les dix
millions votésdans la dernière réuniondes Chambres.
Vingt-citiq millions sont assurément une somme
trés respectable; ede n'est rien pourtant a cólé des
perles immenses éprouvées par les pays en guerre.
Ces pertes ne se complent pas par millions, mais
par milliards.
Et dire qu'il n fa'Iu si peu de chose pour que la
Belgique fut entratnee dans la mêlèe Car si nous y
avons échappé, c'est un vrai miracle, n'est-ce pas?
Mais ce miracle, il parait qu'il n'est pas du goüt de
tout le monde. Apres la presse allemande, qui a de-
bite sur notre compte tant de calembredaines, voici
venir le Times avec de soi-disant télegrammes de
Rruxelles oü l'on annonce que nos ouvriers se pro-
mènent dans les rites en criant Vive la République
franpaise 1
Encore s'il y avait un mot de vrai dans celte nou-
I veile it sensation. Mais non, elle est de pure inven
tion. Personne ici n'a vu les rassemblements d'ou-
vriers dont parle le journal anglais et, ce qui est pis
pour ce journal, le gouvernement beige vient de dé-
clarer dans le Moniteur qu'aucun télégramme concu
dans ces termes ou dans des termes analogues n'a été
expédié de Belgique.
Qu avons-nous fait au Times pour qu'il cherche
ainsi a nous meltre mal avec la Prusse.
Nous avons donné ce matin un successeur a M.
Crocq dans la personne de M, Dolez, l'ancien prési
dent de la Chambre. Sur 13,000 électeurs que compte
l'arrondissement de Bruxelles, environ mille seule-
menl ont répondu a l'appel. On m'a noramé un bu
reau dans lequel pas un électeur ne s'est présenté.
II serait difficile de pousser plus loin ('indiffe
rence.
4
II nous arrive encore toujours des blessés et la
charite De se lasse pas de leur procurer tous lessoins
désirables. Jamais, au milieu de nos plus grandes
calamités publiques, Bruxelles n'avait donné le spec
tacle d'un pareil elan.
Déja un grand nombre de blessés sont en état de
se promener. On en rencontre beaucoup aux boule
vards et au Pare, oü le public leur prodigue les mar
ques de la plus vive sympathie.
Les étrangers affluent de plus en plus Bruxelles.
Si uos höteliers ne deviennent pas tous millionnaires,
c'est qu'ils n'en oat pas l'euvie, car jamais ils n'au-
ront eu l'occasion plus belle.
Les théatres, qui eutrevoyaient une année detes
table, font .aussi excellemment leurs affaires. Les
étrangers les fréquentent peu, cependant. Mais notre
bourgeoisie éprouve un tel besoin de distractions
qu'elle se donne du drame et de l'opéra comme si
c'était du fruit nouveau.
FAÏTS BMWESSS.
On lit dans les journaux anglais, au sujet de l'im
pératrice Eugénie et de son fils, ce qui suitCes
refugiés de haul rang ont quitté l'hótel de la Marine
a Hastings, samedi dans l'aprés-midi, pour se rendre
a Chislehurst, dans le comte de Kent, oü leur resi
dence parait devoir éi#c fixèe pour quelque temps.
La se trouve le chêteau de Cambden Place, demoure
antique entourée d'un petit pare. II a recu son nom
du lameux autiquaire et historiën William Cambden
qu'on dit y avoir composé scs anuales du règne de
la reine Elisabeth pendant ses dernières annees. II
rnourüt dans ce chêteau eu novembre 1628, et c'est
de la que partit sa dépouille mortelle pour être dépo-
see dans l'eglise de Westminster.
La Gazette de Cologne prétend tenir de bonne
source que M. le due de Grarnont, ex-ministre des
affaires élrangèrés de France, jouait a la bourse et
etait fortement engagé a la baisse a l'époque des né-
gociations relatives a la candidature au trórie d'Espa-
gne du prinou de Hohenzollern. La renonciation du.
prince, survenue le 12 juiltet, lui aurait occasionue
une forte perte, d'aulant plus sensible qu'il avait etè
obligé, par sa position gènee, d'accepler les lonctions
de ininistre des affaires élrangèrés. La Gazette de
Cologne rappelle que ie prince doit avoir dit qu'il y
avait vingt facons d'arranger le conflil, et explique en
partie l'attitude dn cabinet francais par ces opéra-
tions financières.
o Le chiffre total des troupes alleritandes qui se
trouvent sur le territoire francais et de 650,000
hommes, se composantde 21 corps d'armèe formes
presque exclusivemeut de troupes de la ligne avec
trés-peu d'hommes de la landwehr. II y a tiois
aulres corps d'armée sous les armes qui n'ont pas
encore quitte l'Allemagne.
Le directeur des telégraphes de l'Allemagne dn
Nord a rendu une seconde visite a Nancy oü une
administration télègraphique a élé etablie - De nom
breux employés des telégraphes son partis pour les
provinces francaises occupees par les forces alle—
mandes et plusieurs petites stations lélegraphiques
ont eté formées en Allemagne afin de pouvoir as
surer les nouveaux services a établir dans les pro-
vinces francaises.
On écrit de Lagny, a trcis lieux de Meaux, 20 sep->
tembre, an Times
Les personnes qui ont passé hier prés du village