tombe. Louis-Philippe, répudiant sou origine révolu-
tionnaire, ne fail aucune concession au voeu public,
et va mourir eu exil a Claremont. Par crainte de la
partie éclairée du peuple francais, Napoléon lil se
donne aux Prussiens avec son épée vierge, et devient
prisonnier de guerre a Wilhemshoehe.
Le grand vulgarisateur d'idees, Ie journal, ne sau-
rait assez reproduire de semblables fails, car il en
ressort un grand enseignement pour lous. Les véri-
tés souvent redites font l'effel de la goulte d'eau qui,
en tombant sans cesse au même endioit, finit par
laisser son empreinte dans le granit même.
N'ayons aucune crainte de la liberie et des lumières
ne leur tournons pas le dos. Ce n'est pas nous, libé-
raux, qui pourrions le faire sans honte, füs que nous
sommes des revolutions de 1789 et de 1830, revolu
tions faites toutes deux conlre les élernels revenants
du moyen-3ge, par le peuple sur qui pèsent toutes
les charges, et qui abhurre les priviléges.
II n'y a plus de place aujourd'bui avouable dans
notre pays que pour deux partis
Les retrogrades et les progressistes. Tous les hom
mes sincèremenl devoués a notre pacte fondamental
voudront se joindre a ces derniers en ne se desintè-
ressant plus des affaires publiques, paree que quand
le vaisseau de l'Etat sombre, nous perissons tous
avec luiet que ce n'esl qu'en remplissant tous uos
devoirs civiques que nous nous sauverons par la li-
berté.
L'exemple de la pauvre France, qui s'élait donné
pour maitre un sombre aventurier nous montre ce
qu'il en coute, et doit nous mettre en garde contre
ceux qui voudraient nous en faire ies esclaves du
clergé.
Que l'on cesse done de prêcher aux hommes de
finance, aux petits boutiquiers, aux petits proprié-
taires, a la bourgeoisie et au peuple le culte exclusif
de l'inlérêl matériel, égoiste par sa nature; que l'on
fasse entendre plutót la voix du devoir et du sacrifice,
que l'on préconise l'union de toutes les nuances du
grand parti libéral qui porie en lui toutes les con-
quêtes de la civilisation que nosancêlres ontobtenues
au prix de lant d'efforls. li en résultera une heureuse
homogénéité entretousles libéraux, qui n'aurontplus
qu'a le vouloir, pour quele ministère ultramontain, le
ministère du gêchis ait vécu.
Un libéral progressisle.
23 Février 1871.
Un homilie de paix qui s'en va-l-en guerre
Vous est-il arrivé, lecleur, de vous éveiller le
matin avec l'irrésistible besoin de voir ce que faisait
voire voisin Et apprenant qu'il se proposait de
faire de la musique chez lui, vous êies-vous
mis sérieusement en tête d'aller briser ses instru
ments, d'empêcher par menaces et promesses
sesjnvités de se rendre chez lui
Non, n'est-ce pas? car, si-vous l'aviez fait, vous
seriez maintenant en prison ou dans une maison
d'aliénésl Voila ce qui serait, pour le premier
laïque venu, la consequence de cette idéé saugrenue.
Mais tout le monde n'est pas laïque. II est une caté-
gorie degens que la loi et la bêtise humaine favori-
sent pardessus tous les autres... et un peu aux
dépens des autres. Je veux parler des membres du
clergé qui, surtout dans les campagnes, exploitent
insolemment'les gens donl la position de dépendance
et les préjugés religieux favorisent les pretentions
ambitieuses et iuléressées. Nos libres institutions
laissent a ces messieurs des latitudes qui parfois sunt
un peu exagérées.
Dans un village de notre arrondissement, oü le
curé, comme du reste, beaucoup de ses collègues,
ne possède pas même le tact indispensable, ('educa
tion élémentaire qui fait apprècier les plus simples
convenances il existe une société de musique
dont le personnel est composé de la manière la plus
irréprochable et qui compte un nombre trés grand de
membres honoraires parmi les families les plus res
pectables de l'endroit. Cette société florissante,
malgré les efforts insensés et malveillants du clergé,
réunit a ses concerts et fêles jusqu'a deux cents per-
sonnes. Beau chiffre pour une commune rurale 1 Les
démarches ridicules, et les imprècations furibondes
desesennemis ne peuvent done lui nuire en rien.
Aussi n'en parlons-nous que pour montrera uos lec-
teurs le beau cóté du róle que jouent a la campagne
les apótresdu Christ, soi-disant eharg's de prêcher
la paix et la fraternité....
Cette société done donnait un concert Ie jour du
mardi-gras. Personne n'y avait vu mal, lorsque Ie
jour même M. le curé pritson baton de pèlerin et son
air Ie plus onctueux, puis... torvo oculo... se mit en
route pour sauver a sa fscon les arnes de ses malheu-
reuses brebis, qui, le soir, allaient se rendre a cette
fête maudite, et, bien sur, se perdre complétement
au milieu de Ia corruption des arts et des plaisirs
honnêtes. II visita toutes les personnes sur lesquelles
son caraclère et sa soutane pouvaient avoir quel-
qu'influence, menaca l'un des foudres de I'Eglise,
tócha de gagner l'autre par des promesses de protec
tion, de débit, de lucre, dépeignant invariablement les
membres de Ia société comme gens sans aveu et sans
honneurl
Eli! de quel droit, non révérend, traitez-vous de
malhonnêtes des genscontre lesquels vous ne sauriez
articuler aucun grief? Quel caprice stupide vous
pousse a empêcherde s'amuserdes personnes hono-
rables dont le seul lort eonsiste a se passer de votre
permission? Que diriez-vous si l'on empêchait les
jèunes filies de se rendre votre congregation, oü
seul avec votre jeune vicaire, et sous le secret le plus
absolu, vous leur inculquez des principes de morale
Que diriez-vous si l'on allait auprès des mères de fa
milie mettre en suspicion votre honorabilité et leur
faire pressenlir ces suites horribles que les journaux
dèvoilent parfois a l'article Tribunaux?
Preriez garde, irop pieux moraliste, que votre zèle
ne vous égare, et que votre soin des êüïes ne se con-
fonde avec de vils intéréts mondains. Oui, la morali-
sation des masses est une belle chose. Mais l'exemple
est plus utile quele précepte. Et quelle idee ces mas
ses doivenl-elles se faire de votre religion, lorsqu'elles
en voient les apótres ne procéder que par injures,
mensonges et calomnies?
Comprenez dene une fois pour toutes, mon révé
rend, que vous ferez bien de laisser en paix ceux qui
ne demandent qu'a s'amuser honnêtementet qui, pour
le reste, ne s'occupent ni de vous, ni de votre petit
métier. Les écoeurantes sornettes que vous débitez et
vos méchantes insinuations sont de vilaines choses
et si le besoin de prêcher et d'améliorer vous tour-
mente, croyez-moi, mon révérend, ne cherchez pas
la paille chez le voisin quand la poutre est si visible
chez vous. Appliquez a vous-même vos sublimes pré-
ceptes el conformez-y vos actes. Cet exercice vous
occupera longtemps avant que vous soyez arrivé a
un résultat appreciable. II aura de plus l'avantage,
en remplissant vos nombreux toisirs, de vous empê-
cher de semer les divisions el les baines parmi vos
paroissiens.
Ce conseil, mon révérend, est d'autant meilleur que
vos agissements sont appréciés depuis longtemps et
que, loin de nuire a Ia société de musique, ils ne font
pauvres coups d'épée dans l'eau I qu'augmenter
sa prospérité et accroitre votre ridicule. Chaque dé
marche, chaque sermon lui valent quelques nouveanx
membres de plus! Allons, monseigneur, par charitè,
encore un petii sermon, s'il vous plait
Uiscore et toujoui-s Ia ükosie
[/administration des Postes ne se contente plus
de faire arriver les lettres avec un retard eonsi-
dérable, de plusieurs jours quelqupfois. Elle les
supprime complétement maintenant. C'est ainsi
que nous avons mis a la boite du bureau central,
Ypres, vendredi, 17 courant, un peu avant
deux heures et demie de relevée, une lettre
adressée a Saint-Josse-ten-Noode. Au moment
oü nous écrivons, cette lettre n'est pas encore
parvenue a destination.
Toutes les fois que nous signalons une négli-
gence de la Poste, l'administration supérieure,
avec un zèle digne des plus grands éloges, nous
fait demander les bandes ou les enveloppes qui
constatent le retard. Néanmoins, malgré toutes
les enquêtes qu'elle peut faire, les abus deviennent
de plus en plus fréquents. Cette fois, nous ne
pouvons apporter aucune preuve matérielle
l'appui du fait dont nous nous plaignons. 11 n'y
a que notre affirmation et celle du destinataire.
Celui-ei maintient son affirmation aussi éner-
giquement que nous maintenons la nótre.
Nous engageons nos lecteurs a lire dans le Progrès
du 28 courant le récit du voyage de son correspon
dent a Paris. Jamais plus beau charabia que cette
odyssée, comme il l'intitule modestement lui-même.
La curiosité se demande quel est ce singulier corres
pondent, aussi original par le style que par le mystère
dont il s'enveloppe Nous croyons avoir découvert
le pot aux roses.
Nos lecteurs se souviennent apparemment encore
d'un certain correspondant de Rousbrugghe qui
illustha pendant quelque temps Ie Progrès de ses
communications et dont les nombreux pataquès pro-
voquèrent partout un fou rire. Eh bien il parait que
le correspondant actuei n'est autre que ce monsieur
qui, aprèsavoirfréquentél'école pendant quelques an-
néespourapprendrea écrirele franchais, en est sorti
ayant profité aussi peu que possible des lecons recues.
Le voila maintenant inonté d'un cran dans la hië
rarchie du Progrès et devenu correspondant bruxel-
Iois
Correspondauce particuliere de
Bruxelles, 23 Février 1871.
Les bonnes gens qui se sont fait illusion sur les
tendances du ministère doivent savoir maintenant a
quoi s'en lenir. li ne s'agit plus ni de conciliation ni
de modération. Le ministère jette le masque et se
montre tel qu'il est le gouvernement le plus réac-
tionnaire que nous ayons jamais eu en Belgique.
Eh bien, tant mieux! Nous nous trouverons, du
moins, devant une situation nette et claire. Aussi
longtemps que le ministère a dissimulé ses desseins
sous des paroles de paix et de reconciliation, beau
coup de libéraux ont vu, sans trop de deplaisir, son
avénement au pouvoir. J'en connais même, et en
grand nombre, qui s'en sont réjouis; les uns, paree
qu'ils ótaient las, jusqu'a la satiété, du ministère
Frère-Orban; les autres, paree qu'ils attendaient des
nouveaux arrivants des reformes qu'ils avaieut vai-
nement espérées de leurs prédecesseurs.
La situation a complétement change d'aspect de
puis lors. Le projet de rèforme électorale propose par
Ie gouvernement, l'attitude violente de la droite, ses
pretentions hautement avouées en matière d'ensei-
gnement ont achevé de dessiller les yeux des plus
confiants. A moins d'être afïligé d'un aveuglement
incurable, il n'est plus un liberal qui ne se rende un
compte exact du péril et qui ne sente la nécessité
de lutter énergiquement conlre le courant qui nous
entraine.
II reste pourtant encore quelques optimistes. Ceux-
la vous disent que, sans la guerre, qui a iinposé aux
partis une trève forcée, le ministère actuel aurait deja
succombé sous les coups de l'oppositiou qu'il n'y a
pas a s'inquiéter de l'avenir, qu'aussilöt apres la paix
conciue, le sentiment du pays se prononcera avec
une telle force que le parti clèrical sera bien forcé
de rentrer tout de suite dans la minoritè.
Le sentiment du pays! Cela est facile a dire. Mais
je ne sache pas que le sentiment du pays, sur le-
quel on compte tant pour detróner les clericaux,
s'exprime autrement que par les elections. Or, d'ici
aux élections prochaines, Ie gouvernement aura eu
tout le temps de faire voter sa réforme électorale, et
si l'on compte sur les nouveaux électeurs qu'elle va
ameuer au scrutin pour le chasser du pouvoir, je
erois, pardoonez-moi I'expression, qu'on se fourre
affreusement le doigl dans I'oeil.
Mais si nous avons le sentiment du péril, je ne vois
pas qu'on ait fait jusqu'a présent quelque chose de
sèrieux pour l'écarter. Le libéralisme, c'est une chose
certaine, ne peul reconquérir le terrain perdu que
par l'union intime de toutes ses forces. Divisés, nous
courons au-devant d'une-perte inévitable, tout le
monde en convient. Seulement, je Ie répète, je ne
vois pas qu'on fasse quoi que ce soit pour ramener
dans uos rangs cette union nécessaire. Nous en som
mes, sous ce rapport, exactement au point oü nous
ètions, il y a sept ou huit mois, quand nous avons
successivement perdu les deux batailles éleclorales