AL D'YPRES DE L'AKRONDISSEMENT Le toot payable d'avancr. YPRES, Diinanche JYeuTÏème année. W° 17. 23 Avril 1871. pitix u'lBu.vninsiesr POUR LA BELGIQUE 8 franos par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour I'Etranger, le port en sus. Uit Numéro 25 Centimes PRIX DES AilWO.lCESÏ ET DES RECLAMES 10 Centimes Ia petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes* Paraissant le dimanche. Laissez dire, laissez-yous blamer, mais publiez votre pensee On s'dbonne a Ypres, au bureau du Journalrue de Dixmude, 59. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'argent doivent étre adressés franco au bureau du journal. ü'os espérances. Dans les pays a institutions dérnocratiques, disait dernièrement M. Alphonse Nothornb, les questions qui touchent l'exercice du droit de suffrage sont toujours a l'ordre du jour. C'est paree que nous partageons cette opinion que nous ne sommes pas disposés a nous émouvoir outre mesure des consequences que peut avoir, pour le parti libéral, ('adoption de la réforme électorale proposée par le gouvernement. Sans doute, on peut prévoir que la loi nouvelle aura pour résultat d'accroitre, dans une notable proportion, ('influence du clergé dans les élec- tions et, par suite, sur le gouvernement général du pays. Cette loi étant l'oeuvre de M. Malou, il n'y a pas a espérer qu'elle lui eüt été inspirée par le désir de favoriser le retour de l'opinion libé rale. L'honorable sénateur est un homme habile, qui sait parfaitement ce qu'il fait et oü il va. S'il s'est doriné la peine d'étudier et de formuler un projet de réforme électorale, on peut tenir pour certain que ce projet est tout a l'avantage de son parti. Mais précisément paree que cette loi porte l'empreinte visible d'une oeuvre de parti, nous avons la confiance que le sentiment public ne tardera pas a réagir contre ses tendances. Qu'on se rappelle la réforme électorale que M. Frère a soumise aux Chambres, il y a trois ou quatre ans. Cette réforme avait été votée par une roajorité considérable mais l'opinion publique, qui y voyait, non sans raison, Une oeuvre de parti, l'avait condamnée même avant qu'elle fut mise en vigueur, et, bien certainement, si le cabinet doctrinaire était resté au pouvoir, il aurait eu beaucoup de peine a résister au mouvement qui se pronon^ait contre el le. II en sera de même, pensons-nous, du projet de M. Malou. Quand le pays aura vu a l'oeuvre la nouvelle réforme, quand il aura eu l'occasion de se rendre compte de ses tendances réaction- naires, le jour ne sera pas éloigné oü, bon gré mal gré, le cabinet clerical devra se résoudre a rentrer dans les voies de la vérité et de la jus tice. Le cabinet clérical repousse aujourd'hui les conditions de capacité qu'on lui demande d'insérer dans sa loi et, sans doute ne les repousse-t-il que paree qu'il a le pressentiment qu'eiles saperaient, dans sa base, le système electoral sur lequel il compte pour se perpétuer au pouvoir. II faudra pourtant bien qu'il finisse par v souscrire, car, en dehors du suffrage universel qu'il redoute par dessus tout, il n'y a plus d'autre réforme possible, le eens ayant dit sou dernier mot. La réforme qui prendra la capacité comme base du droit de suffrage enverra-t-elle a la Cbambre une majorité sympathique nos opinions? Nous l'ignorons absolument. Tout ce que nous savons, c'est que lè est le droit, Ié est la justice. Cela nous suffit pour en appeler de tous nos voeux la prompte réalisation, düt-elle rnaintenir les cléri- caux au pouvoir ou y ramener les doctrinaires. L'effroi est a l'ordre du jour de Ia coterie doc trinaire. Aussi y voyons-nous toutle monde admi- rablement épouvanté, depuis M. Frère jusqu'è M. Hymans, en passant par la vieille garde, coro- posée de MM. Devaux et Rogier. Le cri d'alarme parti du fond de leurs entrailles patriotiques est parfaitement réussi. Ce serait a vous faire frémir, si l'on ne savait pas de quoi il s'agit. Leur inquiétude est réelle, nous n'en doutons pas. lts tremblent, et ils ont raison de trembler seulement ce n'est pas a cause des dangers imagi- naires qu'ils signalent. L'Echo du Parlement aura beau tirer les ficelles de son pantin rouge et me- nacer la Belgique de toutes les horreurs révolu- tionnaires dont le récit complaisamment amplifié remplit ses colonnes. II ne persuadera a aucun beige sensé que ce soit le véritable sujet des craintes de la doctrine. Aussi plusieurs de nos confrères, parmi ceux-la mèmes qui défendaient encore aux dernières élec- tions les candidats chers a la coterie doctrinaire, se révoltent ils ouvertement contre cette comédie de la peur, imaginée pour renouveler, en faveur de quelques personnalités déconfites, la vieille et dangereuse croisade du privilége contre le droit, de la minorité repue contre Timmense majorité, du eens ignare contre la capacité. Tel le Progrès de Charleroi, qui publie, a ce propos, les réflexions suivantes: S'il fallait s'en rapporter ce qu'écrivent cer tains de nos journaux, on croirait que la Belgique est a la veille d'une grande catastrophe qu'un souffle peut faire éclater. La coupe serait a ce point pleine qu'une goutte suffirait pour qu'elle débordat, repandant sur le pays toule sorte de malheurs et de calamitès. On evoque les spectres de toutes les couleurs, principalement le noir et le rouge, et on nous les montre prêts a s'uuir pour, dans un effroyable accou- plement, livrer la Belgique a toutes les horreurs d'une anarchie a la fois iheocralique et socialisie. b Et tout cela pourquoi? b Paree que quelques hommes animés pour le progrès d'un amour militant et nullement platonique, se déclarent nettement partisans d'une prompte et intelligente extension du droit de suffrage, mais qui pourrait amener une révision de la Constitution déclarée perfectible par ses auteurs, ne l'oublions jamais. II est vrai que ces hommes comptenl de nom- breux adeptes, qui partagent leur amour pour le progrès, et e'esl lè ce qui nous fail assisler a ['evo cation de lanl de spectres menacants. Voyons quels sont les évocateurs, les prophètes de malheur. Nous aimons, pour leur honneur, a les croire de bonne foi et a admeltre leur effroi corame sincère. Ce sent des gens un peu entétés, qui, forlement imbus de l'excellence de leurs idéés, ne s'imaginent pas qu'il puisse en exister de meilleures. lis ue vetïlent rien accepter de ce qui n'émane pas d'eux directement, el paree que les systèmes po- litiques qui leur ont donné le pouvoir les ont égale- ment aides a les y rnaintenir, ils repoussent de parti pris tout changement qu'on voudrait y apporter, bien qu'ils soient indiqués par la marche incessante des idéés, L'immobilisme, voila leur ideal, Or, en politique, ('immobilisme estun non-seus, et ceux-la mêmes qui Ie prêchent et le pratiquont l'ont declaré lel lorsque, plus jeunes, plus ardents, plus généreux surtout, ils en renversaienl les autels et prenaient la place de ses adoraleurs. Depuis, une fois leurs ardeurs satisfailes, et peu a peu, le sang a circulé moins chaud dans leurs veines, leur esprit est devenu d'abord plus réfléchi, puis moins clairvoyantle cercle oü se mouvaieut leurs idees s'est resserré et paree que, trop long- temps assis, ils se senlent les membres moins sou- ples, moins vigoureux, ils trouvent étrange qu'on veuille les obligor a marcher, et pour donner a leur résolulion de rester immobiles une apparence de rai son, ils declarenl la marche un exercice dangereux, nnisible a la constitution de l'homme et a cello de l'état social. M. Guizot a été le type Ie plus parfait de ces sectateurs de l'immobilisme et ses lauriers troublent encore le sommeil deceux de ses disciples que compte la Belgique. Cependant, en ce moment surtont, oü beaucoup d'idees progressistes remuenl et èchauffent les cer- veaux, l'exemple de ce ministro célèbre devrait les avertir et leur rappeler qu'il vient une heure dans la vie des peuples oü il est dangereux d'opposer aux exigences de l'esprit de progrès, la satisfaction prea- lable de l'immobilisme. D N'cst-ce pas M. Guizot qui, par son inQexible entêtemeDt pour une simple question de réforme électorale, a été la cause de la chute de Louis-Phi- lippe? C'est a propos également d'une question électo rale, qui ne se produil pas tout a fait dans les mêmes circonstances, il est vrai, que nous voyons les immo- bilistes arborer leur drapeau.

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L’Opinion (1863-1873) | 1871 | | pagina 1