i> C'est a ce propos que dous les entendons acca-
bler de véritables invectives ceux qui, également de
bonno foi, parce que c'est leur sincere conviction,
voient dans 1'itnmobilisme un danger et dans le pro-
grès le salut.
Est-ce done la un si grand crime et le statu
quo, e'est-a-dire rimmobiiisme, est-il une loi de na
ture?
C'est le contraire qui est vrai.
Done, la loi naturelle, c'est Ie mouvement, lent
si vous voulez, mais Ie mouvement.
Vouloir arrêter le mouvement, ou simplement
I'enrayer est folie, parce que c'est vouloir une itnpos-
sibilité, parce que c'est augmenter par la resistance
l'impulsion donnée b l'idée, qui, alors qu'elle rompt
les barrières que vous avez voulu lui opposer, s'é-
lance, non plus avec calme, avec reflexion, mais avec
une impétuosité irresistible, allutnaut les plus ar-
dentes passions chez ses adeptes et ses propaga-
teurs.
d De la viennent les exces qu'on reproche, parfois
a tort, a ceux qui out eteobügés d'arracher ce qu'un
inflexible entêtement leur refusail iujustement.
D'ailleurs, est-ce que l'avenir peut appartenir a
l'immobilisine? Non. Et ceux qui en font leur ideal
le savenl bien. C'est parce qu'ils craignent de le voir
se soustraire a leur pouvoir qu'il repoussent avec
une si remarquable tenacité, tous ceux qui ont des
droits a en être les mailres.
Cepeudant, eux aussi, ont été les hommes de
l'avenir, les fervents du progrèsl C'est a cela même
qu'ils doivent les hautes positions qu'ils occupent.
S'imaginent-ils, par hasard, qu'ils sontlesseuls
possibles et que la race des gouvernants va s'éteindre
avec eux?
II le faut croirc, puisque tout ce qui est jeune
encourt leur réprobation et qu'ils semblent ne s'atta-
cher qu'a une choseempêcher tout homme nouveau
d'arriver.
Etrange est leur erreur.
Chaque homme, comme chaque chose, a son
temps; vouloir reculer les limiles de ce temps, c'est
aller a I'encoutre de la logique. C'est alEcherdes pré-
tentions dont la satisfaction peut être nuisible a
autrui, au bien common (nous disons ceci, bien
entendu, pour les hommes et les choses de la politi
que), et on est condamnable a tous points de vue
quand on veut, par égoïsme, déranger l'ordre admi
rable des Iois humaines.
Que ceux done qui ont fini leur temps lassent
place aux autres, s'ils ne se sentent pas la force de
suivre les jeunes ou s'ils refüsent de les guider et de
leur apprendre comment eux ont pu réaliser le bien,
maïs qu'ils nese posent pas sur la route que suit lè
progrès, comme des colonnes d'IIercule, disant a
ceux qui veulent marcherTu n'iras pas plus loin!
Us courraient le risque d'etre ren verses.
Nous lisons dans la correspondance bruxelloise
de VAvenir
Une chose élonnante, c'est le grand silence et le
grand vide qui se font autour de l'ancienne majorité.
Objurgations, imprecations, articles de fond, bro
chures, vieille renotnmée éclatante de M. De-
vauxrien ne sert, rien n'èmeut la foule. On ne
lit plus, on n'écoute plus ces bonnes gees. Je defie de
grouper cent personnes quelque part que cesoil. On
n imagine pas un pareil discredit suivant de si prés
une si grande puissance. MM. Frère, 13ara, Tesch
Pirmez, etc., ont, depuis que la session parlemen-
ta.re est ouverte, fait le possible et ('impossible pour
rawer les sympathies. lis n'ont neglige aucune occa
sion dattaquer lennemi, lis se sont véritablement
devoués a leur parti sans redouter la fatigue el sans
se laisser abattre. Qu'ont-ils gagné, dites-le moi?
Les liberaux-radicaux, de leur cöté, sont reslés
impassibles et out résislé celte fois et cest la pre
miere aux appels a la fusion devant 1 'ennemi
commun. Telle est la situation que je constate au
moment ou va s'ouvrir Ie debat sur la réforme élec-
torale, que parait devoir suivre Ie débat sur la li
berle de la presse. Que festera-t-il de prestige acres
cela, au c.-devant parti libéral? II lui faudra ma-
noeuvrer avec une enorme habileté pour sortir de la
sans de mortelles blessures. Je crains pour lui (e'est-
a-dire queje desire pour moi) que cette habileté leur
fasse defaul. On dit deja que M. Frère se propose de
donner un libre cours a ses passions irritees et que
son caractère intraitable l'amènera a envenimer a tel
point Ie débat que la scission de la gauche progres-
slste et de la gauche réactionnaii e sera bientöt un
fait accompli. Allons, tant rnieux
Décidément, l'idéecourtisanesquede MM. d'A-
nethan et noble Compagnie ne regoit pas bon
accueil dans le pays, ou Ton est d'avis qu'il serait
scandaleux d'aller engloutir encore dix-huit cent
mille francs duns Ie palais du roi. L'Eloile elle-
même, qui pourtant S ses eritrées a la Cour, a
cru devoir declarer que le moment serait mal
cboisi pour la demande d'un crédit aussi impor
tant; et I'Economiede Tournai émet en ces termes
son opinion
Si l'Etat a en ce moment quelques millions de
trop dans ses caisses, ce qui ne nous est nullement
dómontré, il y a cent manieres de les employer plus
utilement qu'a réparer, a meubler et a dorer le palais
du roi. D'ailleurs, le roi, qui dispose d'une liste
civile convenable et b qui les economies paternelles
ont laissé une fortune particulière fort respectable,
ne pent-il point prélever sur ses propres revenus les
sommes nécessaires pour I'entretien du palais qu'il
habile?
Eile parle bien, I'Economie. Mais, on le sait,
la prodigaiilé n'est pas Ie péché mignon de notre
roi, et celui-ci préfere de beaucoup voir restaurer
et dorer ses salons aux frais du pays que de dimi-
ntier, même pour une seule année, la somme qui
est économisée, par tradition de familie, sur sa
légère liste civile.
Correspondance particulière de l'OPIHIOX.
Bruxelles, 21 Avril 18/1.
Malgré la meilleure volonté du monde, il m'est
absolurnent impossible de vous renseigner exacte-
ment sur la situation de Paris; j'ai beau consulter
tous les journaux de Paris et de Versailles, de
Londres et de Bruxelles, j'ai beau inlerroger ceux de
mes amis qui ces derniers jours n'ont pas reculé
devant les désagréments d'un voyage d'agréinent a
Paris, je suis absolurnent aussi ignorant de la situa
tion que le plus ignare des électeurs de M. Goomans.
Je sais, il est vrai, qu'on se bat a Paris ou pour
mieux dire, sous ies murs de Paris encore n'en
suis-je pas bien certain, car, tandis qu'on m'an-
nonce d'un cöté que les communaux de Paris
baltenla plates couture les ruraux de Versailles, on
ni assure d'aulre part que les Parisiens ne savent plus
a quel saint se vouer et que dans toutes les rencontres
les Versaillais triomphenl. Victoire aNeuilly! Victoire
a Courbevoiel Victoire a Asnières! Defaite a Neuillv
Dèfaite a Courbevoiel Defaite a Asnièrel Domain
grande victoire definitive remportée par VersaillesI
Demain grande victoire remportée par Paris!
On n'entend que cela, et tout compte fait, voilé un
mots ou a peu prés que la Commune triornphe a Paris
et rien ne prouve qu'elle ne se maintienne encore
longtempsen presence de ('inexplicable temporisation
j chef du Pouvoir exécutif. M. Thiers espère
qu avec Ie temps les esprits se calmeront a Paris ie
crois tout Ie contraire. Plus on reculera Ie jour dé la
grande bataille, plus longtemps on aura I'air de les
rodouter et plus les Parisiens se croiront redóutables
et plus aussi seront nornbreux ceux qui voudront
s'enregiraenter sous lés ordres de la Commune nour
avoir une part de gloire dans la grande victoire que
Paris ne peul raanquer, suivant eux, de remporter
sur les ruraux de la France. On n'attaque pas serieu-
sement les Parisiens, c'est done qu'on les craint-
en avant done fes Parisiens!... Nous allons déjeuneé
a. Versa"!esToul com™ les soldats de l'empire
allaient dejeuner a BerlinII y a trois semajoJ
eddition de Pans était chose facile aujourd'hui
1 amour-propre aidant, eile ne pourra plus racco^
p.ir sans une formidable fusillade et snn«
effroyable effusion de sang. Jd desire me ZmpT
mais je crains bien que mes previsions ne se rea'
lisent. e lea"
11 n'y a done reellement pour le moment rien de
nouveau a Pans; telle était la situation il y a qubze
jours, telle eile est aujourd'hui. Si j'en crois des ren-
seignements que j'ai recus tantót d'un de mes amis
qui est revenu hier de Paris, il y*a beaucoup, il y a
même énormément d'exagération dans ce qu'on dit
du terrorisme qui règne en cette ville et dans les
difficultés qu'on rencontre pour y arriver. Shi faut
I'en croire, on entre a Paris aussi librement qu'aupa-
ravant;dans les départements limitrophes, encore
sous la domination de Versailles, on exige I'exhibi-
lion de passe-port en régie, mais une fois arrivé a
Paris, on n'est plus soumis a I'accomplissement
d'aucune formalité; on n'est pas même obligé de faire
connaitre son nom dans les hótels oü l'on descend.
Quant a l'enrölemenl forcé des gardes nationaux qui
ne veulent pas combatlre avee la Commune, ce serait
une calomnie on se borne a leur rèclamer la remise
de leur armes, rien de pluis. II va sans dire que je
vous livre ces renseignements sans me porter le
moins du monde garant de leur exactitude.
Ce même ami me dit avoir été témoin de ce qu'on
appelle, trés improprement suivant lui, le pillage de
l'hötel de la lègation beige a Paris. Ce pillage,
suivant lui, s'est borné a l'invasion de Ia légalion par
uoe demi-douzaine de gardes nationaux ivres qui se
sont livres dans la cour de l'hötel a une sarabande
des plus échevelées. Quant a ce qu'on peut appeler
un pillage, il n'y en a réellement pas eu. Je ne
demande pas mieux pour ma part qu'a croire a
l'exactitude de ces renseignements, mais comment
dés lors puis-je m'expliquer l'émotion que ce fait,
commis par quelques gens ivres, a pu produire au
sein de la Commune
Que le fait de la violation de la légation de Bel-
gique par des gardes nationaux ait la. gravité que les
adversaires de la Commune lui altribuent ou que ce
soit l'acte inconscient de gens pris de boisson, il n'en
témoigne pas moins du peu d'autorité dorit la
Commune jouit a Paris. Si la Commune de Paris n'a
pas le pouvoir de faire respecter la propriété des
puissances étrangères, on se demande de quelle sécu-
rité jouissent les proprielés des particuliere suspectés
de ne pas nourrir des sentiments de profonde admi
ration pour le pouvoir qu'il a plu aux plus spirituels
de tous les Francais de se laisser imposer.
Dans la dernière reunion que le chef du pouvoir
exécutif a eu avec les quinze membres que l'Assetn-
blée de Versailles lui a adjoints pour veiller avec lui
au rétablissement de l'ordre, M. Thiers leur a fait
part de la resolution qu'il avait prise de recourir a
une mesure énergique et décisive au cas oü d'ici a
quelques jours i! n'aurait pu réussir avoir raison
de la resistance de Paris. A quelle mesure M. Tbieis
a-t il fait allusion Nul ue le sait. D'aucuns pré
tendent qu'il s'agit de la déchéance de Paris comme
capitale de la France. Cela serait par trop naïf, car
qu'est-ce que cela pourrait bien faire a la Commdne
victorieuse que Versailles déclarêt la ville de Paris
dechue de son rang de capitale? Rien, absolurnent
rien. La Commune victorieuse n'a rien a demander a
Versailles qui doit lout accepter d'elle. D'autres affir-
ment, et ceux-la pourraient bien avoir raison, que
M. Thiers, ou cas oü il tie parviendrait pas a dornp-
ter Patis, n hésiterait pas a réclamer Ie concours des
Prussiens. M. Thiers serait done prêt a jouer Ie róle
de ces Demoiselles de Beranger qui autrefois
faisaient si bon accueil a Messieurs nos amis nos
ennetnis.
La France en serait-elle la? Eh bien, non! Je me
plais a croire que M. Thiers est calomnié.
Je n'avais pas tort, vous le reconnaltrez, de vous
prémunir contre les bruits que I'on a chercné a
mettre en circulation a propos de la discussion de la
réforme electorale. Cette discussion est ouverte de
puis trois jours, et nul indice d'emolion ne s'est ma
nifesté jusqu'a présent, pas même dans les tribunes
de la Chatnbre, si promptes a s'enflammer d'ordi-
naire. Le public est nombreux, attentif, mais nulle
ment passionné.
Quant a 1'agitation de la rue, eile n'est point du
toul a craindre, soyez-en bien convaincu. Après les
fortes émotious par lesquelles 1'opinion publique a
passe depuis un an, c'est a peine si eile accorde en
core quelqu'attention aux événements de Paris qui la