JOURNAL D'YPRES DE T.' ARRONDISSEMENT
YPÜES, Dimaoche jVeuvième année. j\° 24. 11 Juin 1871.
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Les chatiments de l'indiflerence.
Sous ce litre, le Journal de Liége a publié
dernièrement un trés remarquabte article dont
nous extrayons le passage suivant
On trouve fréquemment ici comme en France,
de braves gens qui croient émetlre une maxime trés
profonde lorsqu'ils vous ont sentencieusemenl déclaré
qu'ils ne se rnêlent pas de politique, lis ne se doutent
pas que la politique est la sauvegarde de tous leurs
intéréts les plus précieux et les plus chers. Us ne
voient pas qu'en se desinteressant de la politique, un
beau jour on en fait contre eux et de la plus détes-
table. Ceux qui pratiquenl ce sublime égoïsme n'ont
certes pas a se plaindre, lorsque chez nos voisins on
leur inflige le suffrage universe!, puis l'empire, puis
la guerre, puis la ruine, puis I'anarchie, puis les hi-
deuses saturnales de Paris, lis ont vécu a l'état de
mollusques poiiiiques; pour eux, le bien et Ie mal, le
vrai el le faux élaienlchoses indifferentes, du moment
oü il s'agissait des affaires publiques. De quoi peu-
vent ils se plaindre, si, a la faveur de celte indiffe
rence devenue contagieuse, il ont eu, en rèsultat,
des verges pour les fouetler, des drölesou des insensés
pour les dominer
C'est a peine si on sait aller voter un jour d'elec-
tion on laisse souvent donner a ses enfants une in
struction qui en fait des instruments de la réaclion
on laisse fanaiiser ses enfantson les met dans des
institutions oü on les excite contre les actes et les
opinions de leurs parents. S'agit-il de faire quelque
sacrifice personnel pour soulenir la cause de la civi
lisation, du progrès, de l'avenir moral el social de la
patrie, on refuse, on liarde, on glace et on décou-
rage les devoümenls. Chacun gemit sur l'épouvan-
table abaissement de la France, et on se conduit trop
souvent avéc l'indifference imprévoyante et égoïste
qui peut nous conduire de semblables cata
strophes.
Or, il faut qu'on se persuade bien d'une chose
c'est que les institutions comme celles que nous pos-
sédons, c'est que la prospéritè el la sécurité dont
nous jouissons ne peuvent se maintenir et se con-
tinuer, si chaque citoyen n'est pas un soldat de
l'ordre, de la liberté, de la saine morale et de la saine
politique. II faut que chacun, dans la mesure de ses
moyens, de son influence, de ses talents, apporte sa
cooperation a l'oeuvre commune; il faut qu'ii ['ap
porte, non-seulement un jour d'élection, mais cha
que jour, dans le sein de la familie, dans l'èducation
de ses enfants, dans toutes les circonstances de la vie.
Ceux qui manquent ces obligations sont de mauvais
citoyeos, et si un jour des chAtiments cruels les attei-
gnent, ils ne subiront que la trop juste punition de
l'oubli de ce que chacun doit a son pays, a ses sem
blables et a ses descendants.
Ces rèflexions sont fort justes, et nous nous y
associons de grand coeur. Mais si le Journal de
Liége veut ètre sincère, il reconnaitra que le parti
doctrinaire et les associations libérales que ce
parti a organisées sur toute la surface du pays
sont pour beaucoup dans eet état d'indiffêrence
qui alarme si justement son patriotisme.
Les associations libérales avaient accepté la
tècbe d'eutretenir et de faire circulerla vie poli
tique dans les veines de la nation. Qu'ont-elles
fait pour accomplir cette mission?
Pour ne parler que de I 'Association libérale
d'Ypres, a-t-elle jamais étê autre chose qu'un
étouffoir et un foyer d'intrigues? Dans quelles
circonstances, si ce n'est quand il s'agissait de
favoriser au scrutin la candidature de l'un ou
l'autre frère et ami, cette association a-t-elle
fait oeuvre de vie Quelles questions a-t-elle ré-
solues ou simplement étudiées? Par quels efforts
a-t-elle cherché a éclairer le corps electoral sur
les véritables principes du libéralisme et sur les
desseins de leurs adversairesï
II nous souvient qu'il y a quelques anr.ées il
fut question de réviser le règlement de cette asso
ciation. Nous eümes alors la naïveté de croire
que nos feseurs, comprenant enfin les devoirs de
leur charge, allaient s'occuper de réorganiser
l'association sur des bases nouvelles, en lui don-
nant la force d'expansion morale qui lui avait
manqué jusqu'alors. Nous poussèmes même la
crédulité jusqu'è formuler nous-mèmes toute une
série de modifications introduire dans l'ancien
règlement pour arriver ce résultat que, dés cette
époque, nous considérions comme une impérieuse
nécessité pour le libéralisme.
On sait ce qui arriva Craignant pour leur
influence le jour oü les considérations de per-
sonnes viendraient h céder la place aux principes,
les feseurs combattirent la proposition de revision
et la firent échouer. Et nous, qui l'avions soute
nue, nous fümes abreuvés d'injures jusques lè
d'être signalés l'indignation de nos amis poli
tiques comme de faux libéraux, jouant le jeu des
cléricaux pour satisfaire les intéréts de nos ran
cunes personnelles.
Nous ne pousserons pas plus loin, en ce qui
nous concerne personnellement, cette revue ré-
trospective. Mais qu'il nous soit permis de dire
que notre histoire, c'est celle d'une foule de li
béraux sincères que l'inertie des associations a
peu peu éloigés de la vie politique. Le Journal
de Liége dêplore cette indiffêrence? II n'aura pas
beaucoup de peine en découvrir la cause dans
le sein de ces associations qui devaient être un
stimulant permanent pour l'opinion publique et
qui lui ont versé lentement le poison de l'indo-
lence et du marasme.
Les associations muettes, les Chambres ont fait
silence. Au lieu de mettre profit le magnifique
mouvement de 1857 pour réaliser les réformes
qui étaient dans les voeux unanimes du libéra
lisme, les Chambres s'appliquèrent, comme 4
plaisir, h déjouer toutes les espérances que ce
mouvement avait fait concevoir. Faut-il rappeler
leur attitude dans la question de l'enseignement?
Non-seulement la loi de 1842 ne fut pas réfor-
mée, mais l'influence anti-libérale du clergé sur
l'instruction publique re$ut un nouvel accroisse-
roent par cette fameuse circulaire de M. Vanden-
peereboom qui soumettait les écoles d'adultes
l'inspection ecclésiastique.
Nous n'irons pas plus loin dans ces souvenirs.
Elle est encore présente a la mémoire de tous,
cette politique décevante qui nous a gouverné
pendant treize ans, en semant autour d'elle Ia
désaffection et Ie découragement. Ses résultats,
nous les avons sous les yeux Le parti libéral,
divisé, est vaincu, et les vieux cléricaux profitent
de leur victoire pour résoudre a leur avantage
toutes les questions que nous avons laissées sans
solution.
Oui, l'indifférence est un mal affreux. Mais si
la Belgique en souffre crueilement aujourd'hui,
l'histoire impartiale dira que c'est le doctrina-
risme qui le lui a inoculé.
A Monsieur l'Edileur de /'Opinion.
Monsieur,
Si l'on disait a une personne complétement étran-
gère a notre pays qu'un groupe de 2,406,491 fla-
mands, plus de la moitiè de notre population (voir la
stalistiqae ofllcielle de 1867) est traitée sur le pied
d'un pays conquis, c'est-a-dire que ces flamands
sont admioistrés, jugés, commandés a l'armée, in-
struits dans les écoles moyennes et supérieures, re-
présentés au Parlement en la langue francaise qui
n'est pas la leur, cette personne jelterait de hauts
oris et non sans raison. Car c'est pour avoir voulu
i in poser le hollandais comme langue ofïicielle que le
roi Guillaume a été renversé de son tróne en 1830.
Singulier retour des choses de ce monde, le clergé
s'est émparé de la langue flamande, comme engin de
guerre, pour battre en brêche la politique de M. Frère-
Orban, en qui malheureusement le parti libéral s'é-
tait incarné, et dont les sympathies pour le mouve
ment flamand étaient plus que douteuses.
L.e parti clérical exploita habilement les suscepti-
bilités linguistiques dans l'oppositionmais aujour
d'hui qu'il est devenu gouvernement, il ne donne
aux flamingants que les promesses et les paroles
creuses du sire de Lettenhoven.
II y a cependant quelque chose a faire. Et si l'on
ne peut admeltre des régiments flamands, un Moni-
teur, des dèlibérations aux Chambres, les actes oflï-