des intéréts acquis contre les intéréts futurs la
garantie de ceux qui possèdent.
Etrange aberration de ceux qui ont conquis Ie
bien-être par le travail de voir dans leurs collabo
rateurs d'hier, des ennemis de deraain
Plusieurs de nos confrères attirent, comme
nous l'avons fait déjè, l'attention du public sur la
tactique que le ministère va suivre, selon toute
apparence, daris la prochaine session.
Cette tactique consistera ne souffler mot de
plusieurs projets dont il rève la réalisation, mais
qu'il voudrait bien ne pas faire connaitre avant
les éleetions législatives de 1872.
Les journaux catholiques, qui ont re§u le mot
d'ordre, ont leur siége fait depuis^longtemps.
La session sera courte on connait le pro-
gramme du ministère; pas n'est besoin d'une
discussion politique nous espérons bien que l'in-
telligente majorité de nos Chambres ne per-
mettra pas qu'on perde un temps précieux a des
débats inutiles, etc., etc.
Les membres de la gauche pourraient, sans
trop d'inconvénient, abonder dans le sens de leurs
adversaires renon^ant aux longs discours, qu'ils
se bornent poser, sans phrases, ces quelques
questions au cabinet
Avez-vous l'intention de décréter de nouvelles
augmentations d'impót?
En quoi consiste la réforme militaire qoe vous
préparez, et quelles charges nouvelles imposent-
elles au pays?
Combien de douzaines d'agents de Langrand
avez-vous encore décorer et a placer?
On se bornerait la pour le moment. Mais
ces trois demandes, le pays exige des réponses
claires, netles et catégoriques. Que Ie cabinet y
mette un peu du sien, et c'est une affaire qui peut
se bêcler, lors de la première séance, en une di-
zaine de minutes.
De la composition, bonne ou mauvaise, du corps
électoral, dépend complétement le choix qu'il fera do
ses mandataires. Si la composition en est bonne, les
affaires publiques serout gérées par des hommes in-
lègres, les administrations auront pour fonctionnaires
des hommes capables; si elle est mauvaise nous ver-
rons l'incurie, le désordre et Ie gaspillage ou nous
devons rencontrer l'intelligence, l'ordre et la bonne
gestion. II est de la dernière évidence qu'un corps
électoral, foncièrement mauvais, ne saurait se choisir
des mandataires supérieurs en intelligence la grande
masse des éleeteurs composanl ce corps électoral. II
est également vrai que des éleeteurs instruits, intel
ligents, ne sauraient, ne voudraient voter pour des
hommes qui leur sont inferieurs. Les élus sont aux
éleeteurs ce que la science est a ('instruction. II se
rail tout aussi absurde d'exiger d'hommes ignorants
d'émeltre des votes intelligents que de réclamer de
bons fruits d'un arbre dont. la sève s'est ecoulèe ou,
pour mieux exprirner notre pensee, d'un arbre dont
la sève ne peut aller vivifier les branches qui doivent
soulenir les fruits. Nous concluons done, que pour
avoir d'excellents administrateurs et des législateurs
sageset capables, il faut que lout electeur soit intel-
ligent, libre et indépendant.
II doit êlre intelligent, car a ehaque vote qu'il
éinet, il pose un acte dont il lui imporie de connaitre
toute la valeur, un acte qu'il doit raisonner ot moti-
ver dans son esprit avant de le manifester dans l'une
ou l'autre forme. N'esl-il pas appeiè, en effel, quand
il doit donner son vote, a faire un choix parmi les
divers Candidats qui briguent son suffrage? Ne doii-il
pas pouvoir peser les diverses qualites que possèdent
ces candidals, estimer a leur juste valeur les pro
messes dont ils sont si prodigues, démóier le vrai
du faux dans les beaux programmes que tout candi
dal se croit obligé de donner en pat ure a ses élee
teurs Et comment fera-t-il tout cela, s'il a I'esprit
borné, s'il ignore les premières notions de la politi
que, si le plus souvent son unique diseernement
consiste a faire la difference entre ceux qui sont au
pouvoir et ceux qui aspirent a y arriver
N'avons-nous pas vu souvent des éleeteurs voter
diamétralement contre les principes qu'ils avouaient,
en donnant leur vote a un adversaire politique pour
l'unique motii que celui-ci siégeail déja depuis des
années dans ine assemblée délibèrante, tandis que
son compélitear était un candidal nouveau, inconnu,
mais professact ouvertement les idéés politiques ad-
mises par ces éleeteurs si logiques
L'electeur doit être libre, parceque lous les actes
qu'il pose en sa qualité d'ólecteur doivent être eux-
mêmes complétement libres. II serait absurde de vou-
loir qu'un homme servile émette des votes libres.
Or, on ne choisit pas quand on n'est pas libre, on
subit Ie choix que d'autres imposent. li n'est jamais
venu a l'idée de personne de faire voter les esclaves
en place des mailres qui les foueltaient et qui exer-
caient sur eux droit de vie et de mort.
Enfin, l'électeur doit être indépendant; car il doit
voter uniquement selon sa conscience et non d'après
les conseils ou sous les objurgations d'un autre, quel
que intelligent, quel que puissant que soit d'ailleurs
cet autre. C'est pourquoi nous creyons que certains
hommes par trop directement lies aux institutions
sur lesquelles ils auraient a se prononcer,.ne peuvent
être éleeteurs, aussi longtemps du moins que le
vote ne sera pas plus secret qu'il ne Test aujour-
d'hui.
Le vote doit'être un acte intelligent, libre et indé
pendant. I! le sera si I'homme qui l'émet est lui-
même intelligent, libre et indépendant. Le vote qui
réunira ces trois conditions sera seul complétement
personnel, ce qu'il doit être avant tout, puisqu'il' est
la manifestation la plus éclatante de la volonté for-
melle de celui qui l'émet.
Tout électeur qui ne réunit pas ces trois qualités
essentielies ne saurait remplir avec dignité, avec
conscience, la mission que la société lui a confiée. II
sera toujours la chose de tout homme qui lui sera as-
sez supérieur en intelligence pour le mener ou qui le
dominera par sa position sociale ou par sa fortune. II
sera entre les mains de cet homme une machine a
voter comme nous n'en voyons que trop dans toutes
nos éleetions, même dans nos centres les plus éclai-
rés. Pour notre part, nous ne connaissons rien de
plus abject, de plus vil que I'homme faisant abandon
de ses devoirs de citoyen ou en disposant au gré de
l'une ou de l'autre coterie qui aura pensé et décidé
pour lui. 11 est vrai malheureusement que beaucoup
trop d'électeurs trouvent cette dernière facon de pro
céder trés commode.
S'il est faliguant pour certaines gens de penser et
de refléchir, il leur est matèriellement impossible de
prendre une décision et suriout d'oser la manifester.
Se reposant dans leur torpeur et dans leur inertie
intellectuelles, ils laissent ce soin a d'autres et sout
tout ahuris quand ils se voient ernporlés dans un
cataclysme comme le furent les boas bourgeois de
Paris du temps de la Commune.
L'électeur intelligent ne saurait être libre, ni indé
pendant, sans connaitre ses droits dé citoyen.
II faut qu'il sache, qu'étanl l'éga! de tous ses conci-
lovens, il peul librement érnettre un vote, qui lui est
tout personnel et que, pour ce vote, quel qu'il soit,
nul ne pourra le molester. L'électeur conscient de ses
droits, saura toujours mépriser les avances hypo
crites, les offres honteuses des uns et braver les
menaces ridiculeselles colères bouffonnes des autres,
Cet électeur sera digne et les trafiqueurs do votes
n'auront aucune prise sur lui.
Mais s'il connait ses droits de citoyen. il doit égale
ment connaitre ses devoirs.
La connaissanCe de ses devoirs civiques lui fera
remplir avec empressement, avec la conviction de la
grandeur du service rendu, la mission que la connais-
sance de ses droits lui ferait remplir avec courage et
ferineté. Nous affirmons hautement que si tous les
éleeteurs etaient pènétrés de leurs droits et de leurs
devoirs civiques, il n'y aurait plus de marches de
voles, plus de capitulations de conscience chez les
uns, plus d'indifference ni d'abslention chez les
autres.
Correspoudancc particuliere dc I'OlMNIOftl.
Bruxelles, 5 novembre 1871.
Nous n'aurons décidérnenl pas d'ouverture solen-
nelle des Chambres. Le ministère, qui a le juste senti
ment de son impopularilé, a craint, parait il, que la
revue de la garde civique nefCtl I'occasion de manifes
tations désagréables pour lui. Or, comme il efit été
sans précédent q ue le roi eut ouvert la session sans
passer la garde civique en revue, on s'est arrêté au
parti de réunir les Chambres sans aucune espèce de
formalité.
Je n'oserais pas dire que le cabinet, en cette cir-
constance, a mal apprécié le sentiment public a son
égard. Le fait est que si nos excellents rninislres
et surtout Ie nasipède avaienl le front de se
présenter devant la garde civique réunie, il est assez
probable qu'ils entendraient a leurs oreilles de sin-
gulière musique. Je ne sais si vous avez connaissance
d'une chanson qui court les rues et qui s'appelle
le piedde-nez. Uu chef de musique de je ne saurais
vous dire quelle legion de la milice citoyenne a
orchestré cette chanson, dont il a fait une marche.
Voyez-vous la tête du gracieux ministre au mo
ment de passer devant cette legion qui crève de rire,
depois le colonel jusqu'aux tambours?
II est question, depuis quelques jours,-de la retraite
possible du genéral Guillaume, que des dissentiments
graves avec ses collègues sur la question militaire
auraient déterminés a offrir sa demission.
Sans être en mesure de rien vous affirmer, je ne
suis pas éloigne de penser que la retraite du gènéral
Guillaume aurait pour cause principale la resolution
prise par ses collègues d'ajouruer les questions mili-
taires jusqu'après les éleetions de juin prochain. Le
général Guillaume, que le point de vue électoral touche
peu, ne voudrait a aucun prix entendre parler de cet
ajournement et présenterait sa dèmission plutót que
de l'accepter. Déja on lui désigne comme successeur
ie général Terwagne. Qu'y a-t-il de vrai dans tout ce
qui se raconte a ce sujet? C'est ce que nous saurons
probablement avant le 14.
Quant a d'autres modifications ministérielles, je ne
crois pas qu'il en soit encore question en ce moment.
Un journal libéral prêtait dernièrement l'intention
a M. Dedecker de donner sa dèmission avant i'ouver-
ture des Chambres, pour étouffer le bruit qui se fait
autour de son nom. II n'en est rien. Quoique fort
ennuyé de ce qui arrive, le nouveau gouverneur se
monlre trés résolu, au contraire, a braver les orages
qui menacent de crever sur sa tête. II peut, du reste,
compter absolument sur la droile pour repousser
toute motion qui tendrait a blórner le ministère de sa
nomination. Non pas que tous les membres^ de la
droite approuvenl cette nomination, tant s'en faut.
Outre les pointus qui ne lui pardonneront jamais soa
fameux mot sur les générations de crétins, M. De
Decker coinpte paur adversaires duns son propre
parti une foule de représentants que ses tripotages
financiers ont éloigné de lui. Mais il faut de la disci
pline dans un parti dont la force réside priucipale-
ment dans la subordination, et quoi qu'il en puisse
coüter a plusieurs, tous diront au moment du vote
que la nomination de M. De Deeker fait le plus grand
honneur au ministère et au pays.
Le dossier Brasseur est attendu avec impa
tience. II paraitra le jour même de l'ouverture des
Chambres, ce que l'on assure. La parlie la plus in
téressante de ce mémoire aura trait aux affaires Lan
grand sur lesquelles la correspondance de M. Bras
seur avec le comte du Saint-Empire jette un nouveau
jour, surtout au point de vue de l'estime personnelle
que MM. les administrateurs des sociétés Langrand
avaient les uus pour les autres. On cite, enlr'autres,
des lettres de M. Brasseur oü MM. Dechamps et De
Decker sont dépeints avec des expressions d'un réa
lisme dont on se fait a peine une idée.
S'il en est ainsi, M. Brasseur est perdü a la Cham-
bre, plus perdu encore que M. Delaet, qui, lui du
moins, a pu compter sur le parti cièrical pour le sau-
ver du naufrage, tandis que le représentant de Phi
lippe vïlle se verra certainemenl abandonné par toute
la droile sans aucun espoir d'êlre recueilli par la
gauche.
L'inslruction de l'affaire de l'orphelinat Sl-Joscph
se poursuit avec activilé et révèle chaque jour de
nouvelles infamies. Vous pensez si le scandale est
grand ici, oü le directeur de cet établissement, l'abbé
SjCS idéés de ESroum
sur les qualitcs nécessaires aux éleeteurs.