tardera arriverson yacht chauffait a Rotterdam
une jolie petite chose fort coquette que ce yacht
je serais tenté de dire relió en satin blanc et
doré sur tranche, si je lie me souvenais qu'il s'agit
après tout d'un navire. Voltaire raconte que,
quand Louise de Coligny vint épouser le Taciturne
a la Haye, on envoya au-devant d'elle une charrette
cle poste découverte, oil elle fut assise sur une
planche. Telle était la simplicité d'alors. Je ne
blame pasle luxe d'aujourd'liui, mais j'avoue que
jem'attendais moins a voir sur ce gracieux navire,
aux blanches couleurs semées d'arabesques d'or,
le roi en uniforme de general de hussards, que
quelque noble fiancee paree de la fleur d'oranger,
conduite au-devant de son époux.
Nous sommes a la Brielleon ahorde a l'entrée
d'un petit canal, dont nous suivons la rive jus-
ques dans la ville. L'aspect de la Briplle est fort
animé toutes les maisons ont revêtu un costume
de fête, les fenêtres sont garnies de femmes et
d'enfants, qui de leurs regards souhaitent la bien-
venue aux étrangersnous longeons d'abord un
quai planté d'arbresnous nous arrêtons bientöt
devant 1'oeuvre d'un artiste du pays, qui a peint
au-dessus de sa porte un épisode de la prise de la
Brielle, un hommage a Koppestok, le passeur, un
des héros de la journée. Koppestok c'est une
histoire connue de tout le monde menait dans
sa barque quelques voyageurs de Maasluis a la
Brielle; il apergoit les vingt-deux navires des
GueuxLes passagers effrayésse font ramener a
terre, mais lui se rend au-devant des Gueux, s'a-
dresse a Bois de Treslong, qui est né a la Brielle,
et, muni de l'anneau d'or de Treslong, il va négo-
cier'auprès des magistrats la reddition de la ville.
Gagné a la cause de l'indépendance, Koppestok
répond au bourgmestre, qui l'interroge sur le
noinbre des Gueux, qu'ils sont plus de cinq mille
au dire de plusieurs historiens, ils n'étaient
que 250sa réponse provoque la soumission de
la Brielle.
L'artiste du lieu ne s'est point mis en frais
d'imagination il a peint un bonhomme dans une
barque et a mis au bas de son tableau Jan Pie
terszoon Koppestok. On ne voit ni la Brielle, ni la
flotte, ni les Gueux; le bonhomme seul... et c'est
assez J'en souris, mais cela be m'empêche pas de
trouver fort bon que ce candide habitant de la
Brielle ait fêté son Koppestok a sa manièreil a
traduit son sentiment comme il a pu, voila
tout.
Un peu plus loin, un magnifique portrait appelle
notre attention il se trouve a la fenêtre d'une
maison, de proportions assez réduites, mais ou
semble règner un luxe du meilleur goutvous
voyez, nous commettons l'ind'scrétion dejeter un
regard dans la maisonc'est le portrait de Blois
de Treslong dans sa vieillesseil m'a paru fort
beau, mais quel en est l'auteur? Le fond du ta
bleau est sombre a la fa§on des fonds de Rem
brandt la figure et le corps se détachent vigou-
reusementTreslong a 70 ans environil est de v
tres haute taille, sa tête se tient droite et fiére,
dans ses yeux brille une volonté inflexiblele nez
et la lèvre nettcment découpés renforcent encore
l'énergie de sa physionomie; c'est bien l'homme
du xvri siècle, comptant sur soi, habitué a la
lutte, ne cédant point.
Nous ne nous éloignons qu'a regret; nous pas-
sons un pontc'est de l'autre cóté du quai que la
ville s'étend. Nous parcourons rapidement une
longue rue, oü se succèdent les drapeaux, les
guirlandes, les inscriptions et les chronogrammes.
Nous prenons a main droite et nous arrivons par
une rue étroite eene laan au Maarlandsplein,
oü le roi doit poser la première pierre du monu
ment destine a rappeler la prise de la BrielleOn
se propose d'y fonder un asile destine aux marins
agés ou infirmes et d'y élever une statue symbo-
lique la Liberté s'élangant de la mer, bannière
déployée. Ainsi se trouver ont exprimés a la fois le
souvenir de la flotte des Gueux de mer apparais-
sant devant la Brielle, et la reconnaissance de la
nation, traduite en un bienfait.
Des tribunes fort élégantes sont dressées a eet
endroit, elles s'arrondissent en hémicycle. La loge
royale est richement décoréela partie supérieure
est tendue de soie blanche capitonnée, striée de
soie rouge, le pourtour est v garni d'une étoffe de
damas rouge. Les parties latérales sont réservées
aux invités. Devant la loge royale se trouve dis-
posée une petite tribune, que doit occuper M. De
Vries, professeur a l'Université de Leiden, chargé
de prononcer un discours.
Le canon annonce le roi il arrive, monte ra
pidement sur l'estrade, suivi d'un de ses fils, le
prince Alexandre, et d'un nombreux cortégeil
est accueilli par le Wilhelmus lied. Le Wilhelmus
lied, c'est le chant du Taciturne l'auteur de ce
chant est lq grand Marnix de Sainte-Aldègonde,
dont l'infatigable activité justifiait la devise
Repos aïlleurs.
Nos journaux ont donné des traductions de
cette messénienne bibliquecomme l'appelle
M. Edgar Quinet; en voici une strophe dans la
langue originale
C'est ainsi que la cérémonie s'inaugure par le
chant du père de la patrie.
M. De Vries pürle en plein air, et quoique la
tribune soit couverte de faqon a rabattre la voix et
a l'empêcher de se perdre, il nous est impossible,
a la distance qui nous sépare de lui, de suivre le
discours. Je l'ai lu depuiè et il m'a paru fort beau.
Nous fêtons, dit l'orateur, le souvenir de l'in
dépendance de la patrie. Peut-il y avoir dans
notre pays une plus belle fête? Y a-t-il un mot qui
sonne plus mélodieusement a nos oreilles que le
doux nom de liberté, la joyeuse liberté, comme
nous l'appelonsla liberté, la condition de toute
prospérité, de toute civilisation, de tout pro-
grès.
II esquisse alors a grands traits, l'histoire de la
liberté néerlandaise. Elle était libre,la Néerlande,
avant Charles-Quintalors commence le deuil,
l'horrible joug espagnol; puis viennent Phi
lippe II, Albe, le Tribunal de sang, le dixième
denier, des milliers de victimes, Egmont et de
Hornes, les vains efforts du Taciturneil ne reste
plus d'espoir. Dieu ne nous abandonnera point,
s'écrie Orange; la Brielle est priseFlessingue,
Vere, Zirikzee, Enkhuyzen et Medemblick sont
Jibresles effroyables combats se succèdent alors,
Naarden "et Haarlem; les eaux sauvent Leiden.
La lutte sanglante, pour le foyer et l'autel, se
poursuit pendant quatre-vingt ans, un petit
peuple tient en respect le plus puissant prince du
siècleaprès quatre-vingt ans, la Hollande force
l'Espagne a traiter avec elle d'égale a égale.
En lisant ce discours, je me faisais de nouveau
cette question, si souvent débattue Quelle eut
été notre destinée, a nous Beiges, si, après la pa
cification de Gand, nous avions défendu, comme
les provinces du Nord, notre indépendance contre
l'Espagne? Et je me disais que si, nous aussij
nous avions été libres, nous aurions réalisé de
grandes choses. Quels prodiges n'a point opórés
la Hollande, réduite a ses seules forces; qu'eut
fait la république des Provinces-Unies si sa puis
sance avait eté doublée? Peut-on calculer les con-
séquences morales que notre indépendance eut
entrainées? La liberté de conscience eut été assu-
rée dans nos provincesle mouvement de la re
forms eut continué; les exilés, les forces vives de
notre pays, fussent revenus a l'envi dans leurs
foyers; nouseussions forméun grand peuple libre,
dont l'influence aurait rayonnó au-dela de nos
frontières. Notre prospérité industrielle et com-
merciale se fut accrue dans des proportions qu'on
ne peut soupqonnerAnvers n'eut point été indi-
gnement sacrifiée, comme elle l'a été depuis, au
profit même de la république des Provinces-Unies,
dont nous étions devenus les ennemis.
Voila quel était notre avenir; au lieu de cette
prospérité, le joug de l'Espagne, un pays qui sert
de champ de bataille a l'Europe; quant au pro-
grès.... comparez Marnix a Vandernoot et vous
aurez la mesure du chemin que nous avons fait en
deux siècles.
{La suite au prochain n°.)
L'HOMME DE SEDAN.
Le conseil d'enquête vient de publier son rap
port sur la capitulation de Sedan.
Les conclusions auxquelles est arrivé le conseil
sont nettes et préciseselles indiquent, avec une
rigueur toute militaire et en termes formels, sur
qui doivent retomber les responsabilités encou-
rues.
Après avoir caractérisé d'un mot la nature po
litique des causes qui firent décider ce mouvement
vers l'Est, destiné a aboutir a un si grand dé-
sastre, la sentence prend les faits au moment oü,
par suite de la raise hors de combat du maréchal
Mac-Mahon, le commandement en chef passé au
général Ducrot qui, quelques heures après, en
pleine bataille, en est dépossédé par le général
Wimpffen. Elle raconte brièvement les dernières
póripéties de cette funeste journée et le coup de
désespoir tenté sur Balan. C'est alors que l'ex-
empereur entre en scène pour faire cesser la lutte
et ordonner la capitulation.
Le conseil constate la funeste influence qu'exerga
sur l'armée le changement de trois généraux en
chef dans un si court intervalle, et le défaut de
suite dans les opérations militaires qui en fut la
conséquenceil blame sévèrement le général
Wimpffen d'avoir enlevé le commandement au
général Ducrot sans avoir de plan arrêté, et dé-
clare qu'il a fait preuve de conception trop peu
plausible et trop peu justifiée pour ne pas avoir
unè grande part de responsabilité dans la cata
strophe finalemais c'est sur Napoléon III qu'il
fait peser tout le poids de la capitulation, et, pour
mieux montrer tout ce que eet acte a de lamen
table, il loue le général Wimpffen de s'y être con-
stamment opposé. C'est done bien sur le souve-
rain déchu que doit porter tout le fardeau de ce
désastreux épisode de l'histoire de France; on
sait avec quelle unanimité Ia conscience publique
avait pressenti et ratifié d'avance ce jugement du
conseil d'enquète sur l'homme de Sedan.
La publication de ce rapport nous permet de
croire que le dossier Bazaine sera, lui aussi, livré
a la publicité.
BIBLIOGRAPHIE.
II vient de paraitre, a Liége, une brochure in-
titulée Jurisprudence vétérinaire.
C'est une étude sur la garantie des vices ré-
dhibitoires dans la vente des animaux destinés a
être abattus pour être livrés a la consommation.
Elle a pour auteur M. G. Van Alleynes, juge au
tribunal civil de lie.instance de Bruges.
M. Van Alleynes est, comme on sait, l'auteur
d'un excellent et remarquable ouvrage sur les
vices rédhibitoires, qui a paru l'an dernier, et
dont nous avons rendu compte dans nos colonnes.
A ce titre, il était quasi moralement engagé a
publier le travail dont nous nous occupons et qui
compléte, a certains égards, le commentaire de la
loi du 28 janvier 1850.
Ce travail, sous sa f'orme modeste et concise, est
tout a fait digne de l'autre. A chaque page, on y
sent la main et l'esprit de l'auteur du Traité sul
les vices rédhibitoires. C'est la même intelligence
approfondie de la matièrela même clarté d'ex
position; la même süreté de critique. Les ques
tions y sont traitées avec une égale maturité
d'examen et résolues avec une égale vigueur de
principes. Saine et forte étude sous tous les rap
ports, éminemment utile, et mettan t en relief, une
fois de plus, les plus heureuses qualités de juris-
consulte et d'écrivain.
En publiant ce nouveau travail, M. Van Al
leynes a contracté comme de nouveaux engage
ments en vers le public. Talent, plus que noblesse,
oblige, disions-nous jadis. Ce dire, nous le répé-
tons, et avec l'espoir fondé qu'il ne sera pas
démenti.
Faits divers.
Uncouple de bêtesféroces.Le 23 septembre
1871, le nommé Jean-Baptiste Loth et Félicité
Lambin, sa femme, mirent a exécution l'infame
projet d'assassiner un certain Leroy, faisant le
service de messager, entre Reims et Réthel, pour
s'approprier une somme d'argent dont ils le
croyaient porteur.
Vers la tombée du jour, ils se rendirent a eet
effet au carrefour formé par les routes de Disles-
Niet doet my meer erbarmen
In mynen wederspoet,
Dan dat men sjet verarmen
Des konincks lancfen goet,
Dat u»de Spangiaerts crencken,
O, edel Neerlandt voet,
Als ick daer aen gedencke,
Myn edel liart dat bloedt.