JOURNAL CYPRES DE L'ARRONDISSEMENT ÏPRES, Di manche Bixième aonée. J\T° 21. 26 Mai 1872. Le tout payable d'avance. PRIX D'ABOMNËilIENT POUR LA BELGIQUE S francs par an; 4 fr. 50 *ar semestre. Pour PEtranger, Ie pfffê en sus. Ut* Numéro 25 fês&riMES Pltl.V RES ANNONCES ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes» Paraissant Ie dimanche. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensee On s'abonne a Ypres, au bureau du Journalrue d'Elverdinghe, 52. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduitesToules lettres ou envois d'aryent doivent étre adressés franco au bureau du journal. Ruzettes et Cartons. Le grand argument du Journal d'Ypres, dans la polémique qu'il soutient contre le Progrès a propos de la circulaire Ruzette, c'est que M. Carton, du temps qu'il exercait les fonctions de commissaire d'arrondisse- ment, ne se gênait pas, lui non plus, pour peser de toute son influence administrative sur les bourgmestres suspects de clérica- lisme. C'est possible; mais le fait fut-il vrai, nous ne voyons pas trop quel avantage le pieux journal peut en tirer en faveur de son client. Si M. Carton a abuse de son in fluence, est-ce une raison pour que M. Ru zette en abuse a son tour. Le tort de l'un ne saurait, nous semble-t-il, excuser celui de l'autre, et si M. Ruzette n'a pris la place de son prédécesseur que pour suivre, en tous points, ses errements, les gens senses di- ront qu'il ne valait vraiment pas la peine de changer. Ah! voila bien nos cléricaux! Depuis six ou sept ans qu'il existe, le Journal d'YpRES n'a pas cessé un seul instant de s'élever avec la plus vive indignation contre l'abus que fesait M. Carton de ses fonctions en temps de lutte electorale. Un beau matin, le cabi net libéral tombeM. Ruzette un ami des petits vicaires prend la place de M. Car ton, et s'applique a suivre religieusement les procédés électoraux de son prédécesseur, qui s'en était trés bien trouvé. Mais, du moment oü il s'agit de la bonne cause, c'est-a-dire des intéréts de son parti, le Journal d'Ypres déclare ces procédés ex cellents, irréprochables, et dépense des fïots d'encre pour les défendre contre ceux qui, les ayant blamés chez M. Carton, le doctri naire, ne voient pas une raison suffisante de les approuver paree que c'est maintenant M. Ruzette, le clérical, qui s'en sert. Le Journal lutte en vain contre l'évi- dence. II est clair pour tout le monde qu'en écrivant sa circulaire, M. Ruzette n'a eu qu'un but intimider les bourgmestres de son arrondissement dont le concours élec- toral ne lui était pas assuré. Or, usant vis a-vis de M. Ruzette de la liberté de langage que nous avons toujours pratiquée a l'égard de M. Carton, nous ferons observer dere chef a M. notre commissaire d'arrondisse- ment que la loi, sauf pour certains actes qu'elle spécifie, ne lui recommit aucune espèce d'autorité sur les bourgmestres de nos libres communes, et qu'en invitant ceux-ci a garder la neutralité a l'occasion des élections, il a violé a la fois les lois de la grammaire et celles de son pays. Supposons qu'a la reception de cette cir culaire, un bourgmestre eüt écrit a M. Ru zette Monsieur le commissaire, Je n'ai que faire de vos invitations. Mêlez-vous de ce qui vous regarde. Quelle mesure M. Ruzette aurait-il pu prendre contre ce bourgmestre? Aucune. M. Ruzette aurait eu, qu'on nous passe l'expression, le bec cloué et c'eüt été bien fait. II est, d'ailleurs, plus que temps qu'on nous débarrasse de ces petits potentats qui ne servent a ricn si ce n'est a tripoter les élections au profit du ministère dont ils dépendent. Nos communes rurales sont assez grandes personnes aujourd'hui pour s'administrer elles-mêmes, et le moment est venn de les enlever a une tutelle qui n'a plus aucune raison d'être. Ruzette ou Car ton, Carton ou Ruzette, c'est toujours la même immixtion du pouvoir central dans nos affaires communales, la même influence pernicieuse et corruptrice du gouvernement dans nos élections. Le meilleur n'en vaut rien. Qu'ont fait les libéraux doctrinaires au pouvoir Ils ont maintenu la loi de 1842 qui intro duit le prêtre a titre d'autorité dans les éco- les communales lis ont étendu cette même loi aux écoles d'adultes Ils ont créé la loi de 1850 qui permet l'in- troduction du prêtre dans les écoles moyen nes et les colléges Ils ont augmenté les traitements du clergé et notamment porté les traitements des évê- ques de 14 a 18 mille francs par an; Ils ont adopté les écoles normales du clergé- et ont négligé d'établir celles de l'Etat; Ils ont maintenu la loi de prairial an xn sur les inhumations, qui laisse la porte ou- vertea l'intolérance cléricale; Ils ont maintenu les lois qui lient l'Etat a l'Eglise, et qui font au clergé une position privilégiée, au mépris du principe libéral de la séparation de l'Eglise et de l'Etat; Ils ont augmenté les dépenses militaires et le contingent annuel de la milice, alors que tout le pays en voulait la reduction Ils ont maintenu le remplacement mili taire, a l'exception des étudiants en théolo gie, afin de favoriser les riches et les prêtres au détriment du peuple Ils ont fait des lois d'exception contre la presse, afin de mettre au-dessus du droit commun les membres des families royales tant étrangères qu'indigène; Ils ont enlevé a la presse la garantie du jury, en permettant les procés civils II ont enfin escamoté la réforme électo- rale. Tous ces agissements des doctrinaires au pouvoir, et bien d'autres trop longs a énu- mérer, sont contraires aux principes du libre-examen et a ceux de tous les pro grammes libéraux élaborés en Relgique de puis 1846 jusqu'a nos jours. Cependant, c'est au nom de ces principes que les doc trinaires ont été portés au pouvoir. Ces hommes politiques ont done forfait a leur mandat; satisfaits d'occuper le pouvoir et d'en tirer profit, ils se sont bornés a prati- quer une politique de bascule et d'expé- dients, sans se soucier le moins du monde d'exécuter le programme de leur parti. C'est ce qui leur a fait donner le riom de doctri naires, qu'ils revendiquent ou qu'ils répu- dient suivant l'occurence. Les doctrinaires ne voulent pas s'engager a appliquer le programme libéral, ou seule- ment une partie de ce programme. Un homme d'honneur, disent-ils, ne prend pas d'engagement formel, sa dignité ne peut lui permettre d'accepter un mandat déterminé qu'ils nomment impératif et ignominieux. Ils veulent rester ce qu'ils ont été dans le passé et toujours marcher vers l'avenir avec le programme de 1846 comme drapeau éter- nel. Depuis plusieurs années, bon nombre de libéraux sont las de cette comédieils ont aidé a abattre la doctrine incorrigible, et ils ne sont pas disposés a la rétablir ou a la consolider. Elle ne valait rien en 1870, elle ne vaut pas mieux aujourd'hui.

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L’Opinion (1863-1873) | 1872 | | pagina 1