JOURNAL D'YPRES DE
n o d y
LI
YPHES, Di manche
Dixième année. ft0 40.
Ü2 Septembre 187Si.
PRIX D'AROWÏEIIEWT
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, le port en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
PRIX DES AXXOMCES
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Corps du Journal, 30 centimes*
Lk tout payable d'avanur.
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Paraissant le riimanche.
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I.aissez dire, laissez-vous bl&mer, mais publiez voire pensee
On s nbonne a Ypres,
an bureau du Journal, rue d'Elverdinghe, 52.
On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Tout.es lettres
ou envois d'argent doivent dire adressés franco au bureau du journal.
L'INTERNATIONALE.
La lettre suivante, que nous emprnntons
aü Temps, de Paris, resume trés fidèlement
et sous une forme intéressante les traits
caractéristiques du dernier Congrès de I'In-
ternationale a La Haye.
On la lira sans doute avec plus d'intérêt
qu'un article sur le consul du Pape ou la
nomination de M. Lelièvre qui sont tout le
fond de la polémique des journaux beiges
en ce moment
E finita la comédia Voila l'exclamation tra-
duite sous une foute de formes qui a résumé dans
notre public les impressions laissées par l'étrange
congrès de l'Internationale qui s'est tenu dans
Hos murs. On vous a envoyun rapport circons-
tancié de ce qui s'est passé au sein du congrès lui-
mêmepeut-être aimerez-vous a savoir l'effet
qu'il a produit sur l'opinion ambiante.
Je ne crois pas me tromper en disant que, de
t'aveu de tout le monde, eet effet a été des plus
médiocres. Je vous ai averti du mélange d'anti
pathie et de respect de la légalité avec lequel on
avait vu s'ouvrir ces menagantes assises. La soli-
darité supposée entre l'Internationale et la Com
mune faisait qu'on s'attendait a quelque cbose
d'émouvant, de tragique, et sans avoir lieu de rien
craindre ici même, on était curieux d'entendre
des hommes grandis par les sombres événements
auxquels ils ont pris une part active, et de se
rendre compte du danger que courait réellement
l'ordre public européen en voyant de prés ceux
qui lui ont déclaré une guerre a mort.
II a bien fallu en rabattre. Tout, presque
tout, hommes et ckoses, a été du dernier mesquin.
D'abord ces interminables séances secrètes oü,
sous prétexte de vérifier les pouvoirs des délé-
gués, on agitait en réalité des questions vitales
pour l'association, ont impatienté, confirmé les
bruits qui couraient déja sur sa dissolution in
terne et répandu l'opinion, bien vérifiée par ce qui
s'est passé, que les séances publiques seraient
pour la forme, pour la montre, et auraient a peu
prés le même intérêt pour le public qu'une comé-
die dont on joue un second acte sur la scène, tan
dis que le premier et le troisième se passent dans
les coulisses.
Puis, quand les séances sont enfin devenues
publiques, on a été stupéfait du vide, de l'absence
totale d'idées pratiques, du ronflement aussi creux
que sonore, de la plupart des discours. La néces-
sité de traduire en plusieurs langues les proposi
tions et les discussions, a contribué aussi ajeter
unfroid glacial sur les délibérations. On n'atrouvé
de marquant que le discours d'un communard qui,
sans autre forme de proces, declare la guerre a la
bourgeoisie et aux propriétaires de l'Europe en-
tièred'ou il suit qu'il doit être le dernier a trouver
mauvais que la bourgeoisie et les propriétaires
petits et grands, les petits surtout, le mettent,
autant que possible, dans l'impuissance de nuire.
Du reste, pas une idéé nouvelle, pas un moyen
viable de résoudre ou du moins de diminuer les
difficultés de notre état social. La moindreréunion
de philanthropes occupés de cuisines populaires ou
de maisons a bas prix est plus féconde en résul-
tats sociaux qu'un pareil congrès annoncé avec
tant de fracas.
i! Enfin, on a vu dans la tournure qu'ont prise
les affaires de la Société qu'elle est en pleine voie
de dissolution. Karl Marx se retire. Le parti com
munard proprement dit a écboué dans sa tentative
de transformer l'Internationale en secte politique,
absolument inféodée a ses intéréts, et ses princi-
paux représentants sont partis avant la fin. L'élé-
ment fédéraliste, représenté surtout par les délé-
gués suisses, n'a pas réussi a supprimer, ou a peu
près,le comité central. Celui-ci est maintenu avec
son pouvoir quasi-dictatorial, mais il peut s'ad-
joindre les membres qu'il vaudra, et, cbose baro
que, ilsetransfèreaNew-York! Le beaumoyende
régler les affaires européennes, n'est-ilpas vrai?
Déja, le séjour de l'ancien comité a Londres et les
décrets qu'il langait de la sans tenir toujours
un compte suffisant des intéréts et des difficultés
des autres pays, avaient éloigné beaucoup d'es-
prits et favorisé les tendances anti-autoritaires.
Que sera-ce done quand ses décrets devront tra
verser l'Atlantique
II en résulte done que tout le monde s'en va
mécontent. A présent, si je suis bien renseigné, et
je crois l'être, il parait que ces symptómes graves
de dissolution se compliquent de i'expérience fort
peu encourageante qu'il est de plus en plus diffi
cile d'assurer a la Société les ressources pécu-
niaires sans lesquelles rien ne marche. Kien de
plus facile, me dit-on, que d'enrégimenter inglobo
des masses d'ouvriers dans une association qui
leur promet monts et merveilles. Mais quand il
s'agit de lever les contributions, que les mois, les
années se passent sans que l'Eldorado promis se
réalise, les récalcitrants se multiplient et les
désertions ou radiations avec elles.
n Les scènes tumultueuses qui ont marqué la
dernière séance de quelque importance tenue le
soir, ne doivent pas être interprêtées comme un
soulèvementcolérique de la population hayanienne
contre le congrès. II faut bien connaitre le peuple
hollandais pour trouver la vraie note de ce chari
vari. Le peuple, si calme d'habitude, entre facile-
ment en gaieté, et sa gaieté n'est pas légère.
Qu'une circonstance quelconque, un discours
joyeux, un air de danse, un motif de kermesse se
présente, et vous le voyez trés vite se trémousser,
s'agiter,chanter et gesticuler. De sympathies pour
les congrès, il n'y en avait pas, je vous l'ai dit.
Oe n'est pas non plus pour faire plaisir a ses
membres que la foule entassée dans la salie a en-
tonné des chants nationaux sans rapport aucun
avec ce qui se passait. Mais il n'y avait pas non
plus de passion. On ne les prenait plus au sérieux
depuis deux jours, et si l'on eüt parlé frangais,
on eüt dit (comme on a dit en d'autres termes en
hollandais) Ce sont des farceurs On trouvait la
chose dröle, on se sentait un peu en kermesse
politique, on était venu la pour s'amuser, on s'est
done mis a chanter et même a hurler comme on
fait ici, dans ces régions-la, pour se dire a soi-
même qu'on s'amuse beaucoup. Du reste, pas plus
de fiel que sur la main, et pour avoir la définition
exacte de ce tumulte, il faudrait trouver quelque
chose entre la buée et la goguette.
n A Amsterdam, le dimanche oü l'on craignait
que de pareils scènes en se répétant ne finissent
par s'aigrir, le meeting a passé pour ainsi dire
inapergu. II n'a pas même eu l'honneur de la cu-
riosité publique.
L'opinion est done générale par ici que l'In
ternationale est mourante, sinon déja morte, et
qu'on avait eu bien tort de se tant préoccuper de
ses grandes assises.
De loin c'est quelque chose et de prés ce n'est rien.
>i C'est ce que j'entendais dire l'autre jour a
Scbeveningen oü le citoyen K. Marx, avec sa
femme, son gendre et sa fille, jeune dame d'une
rare beauté, dinait de bon appétit au grand hotel
des Bains. Impossible de s'imaginer que ce bour
geois, car enfin il en est comme vous, comme
moi, de cette caste abhorrée, ait jamais fait
trembler les potentats sur leurs trönes.
ij A présent, n'allons pas trop vite dans nos
rassurances. D'après tout ce que je vois et entends,
l'Internationale est, en effet, bien malade. Mais la
situation sociale d'oü elle est née, et qui lui a valu
un certain temps de force et surtout de prestige,
est toujours la même. Les questions sociales que
l'Internationale voulait résoudre a sa manière
despotique et brutale, lui survivront et réclame-
ront, sans elle comme avec elle, leur solution. Si
l'Internationale se brise et disparait, combien de
natiomles vont germer sur ses ruinesC'est le
point sur lequel il faut fixer l'attention des hommes
réfléchis.
L'internationale ira bientót rejoindre dansle
tombeau des illusions dangereuses le fouriérisme,
le cabétisme et autres chimères de 1848; mais
l'antagonisme des classes ne disparaitra pas pour
cela, il se créera d'autres organes, il se donnera
d'autres mandataires, et il faut que les conserva-
teurs craintifs se le disent, on n'en viendra a, bout
qu'a force d'instruction et de liberté. Si l'on en
peut juger par un simple incident, la liberté lais-
sée par la Néerlande au congrès de l'Interna
tionale de 1872 a plus fait pour dissoudré cette
société d'épouvante que toutes les mesures de
compression qu'on a cru devoir lui appliquer ail-
leurs. :s