CHRONIQüE LOCALE.
La vérité et la justice... qui s'inquiète encore
i) de ces choses la. s'écrie le Journal (TTpres.
Journalmon ami, si quelqu'un s'en inquiète
encore,'assurément ce n'est pas vous.
Soit dit sans vous offenser, vous avez même le
tort de pousser le dédain de ces choses-la un
peu plus loin qu'il ne convient a des gens ayant
quelque souci de l'estime du prochain.
Nous connaissons les priviléges attachés au
ministère sacré dont vous êtes revêtu. II est cer-
ain que quand on a, comme vous, le dessus de la
tête rasé en rond et qu'on porte un chapeau a
trois cornes, en souvenir de la Sainte Trinité, on
jouit, quant au mensonge, par exemple, de cer-
taines immunités sévèrement interdites au vul
gaire.
Mais plus ces immunités sont étendues, moins
on est excusable de les outrepas,ser, et vraiment
nous craignons beaucoup pour vous que vous
n'ayez excédé la juste limite dans les lignes que
vous avez daignó consacrer a VOpinion dans votre
dernier numéro.
Passe encore que vous nous accusiez de prêclier
la polygamie. A tout prendre, la polygamie est
encore de beaucoup préférable au petitfvérisme,
que nous ne vous accuserons pas, nous, de prê-
cher, mais que vous encouragez, oui, que vous
encouragez, le mot n'est pas trop fort, par le
silence indulgent que vous essayez de faire autour
des monstres qui s'y abandonnent.
Mais quand vous traitez d'bistoriette l'aventure
du père Dufour et que vous nous sommez de faire
amende honorable a l'innocence reconnue de
ce gaillard tonsuré, en vérité, vous abusez de la
crédulité de vos lecteurs et vous allez au-dela de
ce qu'il est permis d'attendre de l'ineptie liu-
maine.
Nous pourrons pourtant nous entendre. Con-
sentez a publier, dans votre plus prochain nu
méro, le jugement qui a prononcé l'acquittement
du révérend Père, et nous nous engageons, de
notre cöté, a faire immédiatement après l'amende
honorable que vous prétendez nousimposer comme
un devoir de loyauté.
Mais vous n'en ferez rien, paree qu'en procla-
mant la pureté de eet liomme, vous savez que vous
mentez, et que la publication de ce jugement fe-
rait éclater votre mensonge a tous les yeux.
ENCORE UN MARTYR!
LeR.P. Smaelen, membre trop zélé de la sainte
Compagnie de Jésus, a été condamné a 100 francs
d'amende et subsi diairement a deux mois de pri
son, en cas de non paiement, pour avoir voulu
sauver l'ame de M. Altmeyer en violant son domi
cile.
La responsabilité de ce déplorable événement
incombe évidemment toute entière a M. Altmeyer;
car, si ce mécréant ne s'était pas avisé de faire
respecter son domicile, le R. P. Smaelen n'aurait
pas du le violer. Espérons pourtant que le saint
homme ne se plaindra pas trop de sa condamnar
tion puisque, pour la modique somme de 100 fr.,
il eonquiert les palmes du martyre. C'est pour
rien
STATUES ET GALÈRES.
Le conseil municipal de Rouen vient de décider
l'érection, en place publique, d'une statue a l'abbé
de la Salie, fondateur de l'institut des frères de
la doctrine cbrétienne.
En Belgiquc, nous avons eu, depuis quelque
temps, beaucoup d'expositions de petits-frères en
place publique, mais en effigie seulement. Rouen
leur érige des statues. Allons-nous nous laisser
dépasser par la France
EN FAMILLE.
Avec ces quatre mots
C'est ma soeur...
Le jésuite Dufour s'est fait acquitter.
Avec ces quatre mots, les petits-frères pourront
désormais obtenir le même résultat
C'est mon frère...
M. Polydore Comein, de Zonnebeke, étudiant de
l'université ideGand et ancien élève du Collége
communal d'Ypres, vient de passer son premier
doctorat en médecine devant le jury combiné de
Gand-Louvain, avec la plus gratide distinction.
VARIÉTÉS.
Appel comme d'abus.Refus de sépulture. 'om-
pétence. Delimitation entre la juridiction civile
et la juridiction ecclcsiastique. Mceurs judi-
ciaires canadiennes
L'on ne s'attend pas sans doute que la cour
saisisse chaque trait qui marque la physionomie
et l'aspect d'une cause dont l'audition a duré
douze jours, d'autant plus que l'on a exa-
miné, tourné et retounié sous toutes les faces
imaginables, l'histoire, la théologie, l'absolu-
tisme, le libéralisme, le droit des gens, les immu
nités du pouvoir ecclésiastique, et l'empiétement
qu'on pretend avoir été commis contre les droits
de l'Eglise. On a parlé de toutes sortes de choses,
et discuté sur un nombre de sujets tellement
étrangers a la seule question dont il s'agit, que la
cour ne suivra pas l'excmple des savants avocats,
et ne se permettra pas d'aussi libres et francbés
coudées qu'ils l'ont fait. II est vrai que l'on trou-
vera dans les plaidoyers des cinq avocats, des dis
sertations qui jettent, sur nombre de points, des
renseignements et des lumières aussi extraordi-
naires qu'ils étaient peu attendus. Laissons a
ceux qui auront la curiosité de lire toutes ces dis
sertations, de le faire. Les savants avocats n'au-
ront pas lieu de se plaindre qu'ils n'ont pas eu la
parole libre. II a mieux valu qu'on dépassat les
bornes ordinaires, que de donner a qui que ce
soit l'occasion de se plaindre de n'avoir pas été
entendu.
Le juge a été beaucoup attaqué, parait-il, par
certaine presse pas trés différente de celle qui,
dans nos Flandres, s'adresse a la partie la moins
éclairée de la population. II répond en ces termes
Personneplus que moi ne reconnait sans arrière-
pensée la liberté de la presse. J'ai toujours invité
la surveillance sur les actes et les décisions des
juges. Qu'on critique mes jugements, si on le juge
convenable. Mais quand on attaque mes motifs et
mon caraetère comme juge, je ne répondrai pas
dans les journaux, nous ne pouvons le fairemais
preuve en mains, comme ici, je démasquerai les
ignorants et les fourbes, et je ne permettrai a
personne de me calomnier impunément. Mon ca
raetère est plus précieux a mes yeux que ma vie.
La devise écossaise Nemo me impunè lacessit doit
toujours être celle d'un honnête homme.
Le juge dit encore, dans sa péroraison J'ai
avec peine entendu a diverses reprises durant la
plaidoirie en cour, le mot église proféré en par-
lant de i'évêquec'est un déplorable abus de mots.
II en est de même de la confusion que l'on se
permet de la religion avec ses ministres. Dans
tous les temps, les hommes sages et rófléchis ont
déploré cette erreur et ont prémuni les fidèles
contre ces imprudences. La religion est divine,
ses ministres sont des hommes. C'est cette confu
sion volontaire et intentionnelle souvent, et
insensée dans tous les cas, qui a produit tant de
maux. Les masses en ont été les victimes. Elles
ont injustement conclu des erreurs et des vices du
ministre, a Terreur d'une religion divine comme
son fondateur. On en a vu une application terrible
lors de la revolution fran§aise. Si Ton n'y prend
pas garde, nous pourrions bien avoir a déplorer
depareils résultats sur notre propre sol...
Dans une autre partie de son discours, il n'hé-
site pas a dire qui est a ses yeux coupable du mal
qu'il signale et qu'il déplore La responsabilité
de toute cette affaire, dit-il, les mauvaises pas
sions, fruits de l'ignorance et du fanatisme, sou-
levées et activées tant par les prétentions de
I'évêque, que par les sorties inconsidérées et in-
convenantes d'une coterie qui semble se donner
comme l'organe et le reflet de ses volontés, ce
n'est pas a notre digne clergé du séminaire, ni a
nos estimables concitoyens les marguilliers, que
cette responsabilité se rattache principalement,
mais bien aux prétentions exagérées de I'évêque
de Montréal et de son entourage immédiat.
II blame énergiquement ceux qui essaient
d'effrayer les gens et veulent les contraindre, non
pas d'aimer Dieu, on ne communique pas l'amour
par la crainte, mais de jouer le róle d'liypocrites,
aux quels on pourrait appliquer les paroles du
poëte
Oderunt peccare mali formidine pcenoe.
Tuis après quelques considerations de ce genre,
revenant au fait du procés, il dit
Terminons en disant avec Durand de Mail-
lanex Le refus de sépulture est regUrdé parmi
nous comme une telle injure, ou même comme
nn tel crime que chaque fidele, pour l'honneur
de la religion et la mémoire ou le bien de son
frère en Jésus-Christ, est recevable a s'en
plaindre. Cette plainte se porte devant les juges
séculiers, paree qu'elle intéresse en quelque
sorte le bon ordre dans la société et l'honneur
même de ses membres.
XIV. Jugement. La décision rejette les
conclusions et defenses des défenseurs comme
contraires aux lois civiles et ecclósiastiques et aux
canonsconstate que Guibord était, au moment
de son décès, en possession de son état de catho-
lique romain et de paroissien de Notre-Dame de
Montréal, et contient un dispositif cong.u en ces
termes
Ce qui précède étant dument considéré, la
Cour adjuge et ordonne que la demanderesse se
présentera ou fera au plus tót présenter en temps
convenable, avec offres légales de ce que sera a
eet égard du a ladite fabrique, au cimetière susdit
de la Cote des Neiges, le corps de son mari feu
Joseph Guibord, requérant les défendeurs de par
eux, savoir par ledit curé de ladite paroisse de
Notre-Dame et par tel prêtre qui sera a ce dument
commis et préposé, de conférer et donner aux
restes de son dit mari la sépulture voulue par les
usages et par la loi dans le cimetière susdit
En conséquence de ce, cette Cour ordonne
qu'il émane de suite un bref de Mandamus péremp-
toire, commandant aux défendeurs et curé de
donner aux restes de Joseph Guibord la sépulture
susdite sur la demande qui leur en sera faite
comme dit est, et tel que la sépulture est accordée
aux restes de tout paroissien qui, comme lui,
meurt en possession de son état de catholique
romain, et aussi d'enregistrer suivant la loi, ès
registres de ladite paroisse de Montréal, dont les
défendeurs sont les dépositaires, le décès dudit
feu Joseph Guibord suivant qu'il est prescrit par
la loi
Et de ce qui aura été fait en obéissance au
présent jugement et audit bref de Mandamus
péremptoire, sera fait rapport devant cette Cour
vendredi, le sixième jour de mai courant, a onze
heures de la matinée, pour en cas de refus de la
part des défendeurs d'exécuter ce qui est ordonné
par le présent jugement, être procédé a telle con-
damnation que de droit. La Cour condamne les
défendeurs aux dépens.
Cette sentencen'a point mis fin aux procédures.
Nous taclierons d'être a même d'en exposer un
jour la suite.
Gand, janvier 1872. Ad. D...
Faits divers.
Martyrologe du travail. Hier matin, un grave
accident a eu lieu a la fosse n° 12, a Marcinelle.
Deux houilleurs de Montigny-sur-Sambre s'occu-
paient a battre une mine. La poudre ne faisant
pas explosion dans le délai voulu, les malheureux
ouvriers revinrent a la charge. A peine s'appro-
chaient-ils de leurs tra'vaux que la mine saute en
blessant mor tellement l'un des travailleurs, l'autre
n'a regu que des contusions peu graves. Celui qui
a perdu la vie, Jacques Cassaubon, est un jeune
homme de 27 ans, trés aimé a la Neuville. La
LES MENSONGES PIEUX.
iM IOT»
COUR SUPÉRIEURE DE MONTREAL (CANADA).
(SUITE.)
(la ve GUIBORD C. LA EABRIQUE DE MONTREAL.)
Encore le juge dit-il