1 -.si banque «le FUnion.
Le monde financier de Bruxelles est en émoi
depuis samedi soir. La maison de Banque Jacobs
frères et Ce, dite Banque de l'Union, vient de dé-
poser au tribunal de commerce une demande de
sursis.
Cette banque, de creation catliblique, jouissait
sur la place d'un crédit illimité.
Les motifs qui amenèrent la suspension mo
rn entanée des paiements sont encore peu connus.
La situation de la Banque aurait été, dit-on,
compromise par des operations faites par .l'une
des succursales de la Banque a l'insu de la direc
tion.
On s'attendait si peu a l'événement qu'a la
Bourse les actions de la Banque Jacobs se co-
taient samedi a 1280.
Le passif de l'établissement est évalué a 71 mil
lions de francs. Le chiffre de l'actif n'est pas en
core fixé, mais on a la conviction que tous les
créanciers seront remboursés. Les commissaires
au sursis, nommés par le tribunal de commerce,
travaiüent du matin au soir dans les bureaux de
la Banque pour vérifier la comptabilité, qu'on dit
parfaitement en ordre.
La nouvelle du désastre a surpris tout le
monde, même les plus gros bonnets de la finance,
et même les employés de la maison. A la Bourse
on ne se doutait de rien. Une heure avant la de-
mande de sursis on cotait les actions libérées a
1290 francs, et la Banque payait a un agent de
change de Bruxelles un mandat de 84,000 francs.
Yoici la composition actuelle du Oonseil de sur
veillance de la Banque de l'Union
MM. Chev. de Wouters-d'Oplinter, président
Yicomte E. de Kerehove, vice-présidentBaron
de Turcli de Keersbeek,secrétaireG.De Decker;
Gachard Comte Ch. de LannoyJos. Sepulchre;
Comte Ed. de Liedekerke Ch. De Muelemeester;
Due d'Ursël A. De Becker Baron Hipp. Della-
faille.
La banque de l'Union a re§u des sommes en
dépot jusque samedi, a 4 heures. Mais depuis
quelques jours, chaque dépot était renfermé dans
un sac portant le nom des déposants.
M. G. V. K., gérant de la succursale de la
Banque de l'Union de MM. Jacobs frères,a Anvers,
et M. P..., ancien gérant de cette même succur
sale, ont été mis en arrestation provisoire sur la
plainte de MM. Jacobs frères, a Bruxelles.
Les dépots faits a la Banque s'élèvent a vingt
millions.
Les créanciers sont au nombre de G,000.
L'escompte que faisait la Banque est évalué a
400,000 fr. par jour.
Le bruit a couru qu'il serait fait immédiate-
ment un appel de fonds. Uien a eet égard n'est
encore décidé. C'est le conseil de surveillance qui
seul peut prendre une mesure a eet égard, et
avant de mettre cette mesure a exécution, il faut
qu'elle soit approuvée par les commissaires au
sursis.
On raconte une anecdote qui, si elle est exacte,
donne a penser qu'avant l'événement la solidité
de l'établissement inspirait des doutes a certains
esprits. Yoici le racontar, je vous le donne pour
ce qu'il vaut.
B y a quelques jours, une femme de modeste
condition, mariée a un serveur, se présente
chez un agent de change et lui remet six actions
de la Banque del' Union en le priant de les vendre
a laBourse le plus tót possible. L'agent de change
étonné, stupéfait, la regarde dans le blanc des
yeux.
Quelle idéé vendre ces actions qui vous ont
rapporté 15 p. c. l'année dernière Vous feriez
beaucoup mieux de les gar der.
Enfin, monsieur, vendez-les. Mon mari ser-
vait hier un grand diner chez des gens qui s'y
connaissaient, et il a entendu dire entre la poire
et le fromage que d'ici a quelques jours ces
actions pourraient bien ne plus rien valoir du
tout, Vendez-les
C'est votre dernier mot?
Yendez-les
Cette femme est folie, se dit l'agent de change,
mais je perdrais mon temps a la dissuader. Elle
est têtue comrae le bourgmestre de Namur. Et il
vendit.
La femme du serveur est rentrée dans son
argent. Le due d'A... voudrait bien pouvoir en
dire autant.
Voici un autre fait divers qu'on raconte aussi
et qui expliquerait comment MM. Jacobs frères
ont eu l'ceil ouvert sur le guêpier oü les a jetés la
succursale d'Anvers. Un vrai raccroc. D'abord,
comme me le disait hier un financier, ces choses-
la oir ne les sait jamais que par raccroc. Mais
narrons
Done, un beau jour, un négociant de Brême se
présente a la Banque de VUnion, a Bruxelles. II
est regu par un des chefs de l'établissement, et il
lui tient a peu prés ce langage
Monsieur, votre agent a Anvers me doit des
huiles pour une sommeconsidérable, et je ne par-
viens pas a les obtenir.
M. Jacobs regarde le Brénrois d'un ceil ahuri.
Des huiles Mais, monsieur, nous ne faisons
pas le commerce d'huiles.
C'est possible, reprend le Brémois impertur
bable, mais votre agent a Anvers le fait en votre
nom, car il m'en cloit beaucoup, et ne m'en donne
rien. Je suis du reste trés étonné que vous l'igno-
riez, car le bruit court que votre agent a déja
payé neuf millions de différences dans ses spécu-
lations sur les huiles
M. Jacobs tombe de son haut.
Cet liomme est fou, se dit-il a part lui. II faut
le garcler a vue. Peut-être même le banquier son-
geait-il a faire enfermer le Brémois dans une
maison de santé, dans l'intérêt de la sécurité pu-
blique et privée. Mais avant de se livrer a cette
extrémité, il sonne un huissier, et fait porter au
télégraphe une dépêche mandant a Bruxelles
l'agent anversois. L'agent arrive. On s'explique,
on reprend l'affaire ab ovoet l'on finit par con-
stater que la tache d'huile s'étend beaucoup plus
que ne le supposait le Brémois bien informé.
Nous publions la nouvelle lettre que voici,
uniquement pour déférer au désir exprimé par
notre honorable correspondant
Monsieur le rédacteur de VOpinion,
Voila quelques semaines que j'ai eu recours a
votre estimable journal pour faire appel a Bu
llion, a la concorde du parti libéral. Cependant
jusqu'ici mes paroles n'ont pas trouvé le moindre
écho dans les organes de la politique station-
naire. La scission est-elle done un principe pour
ces messieurs, le seul qu'ils aient peut-être L'ex-
perience leur a démontré pourtant, que l'état de
choses actuel ne peut durer; s'il a réussi aux
élections communales, il a été par contre trés
funeste aux élections provinciales et législatives.
Pourquni vouloir êtreplus aveugle qu'un aveu-
gle, et ne pas se soumettre a l'évidence?
Cet entêtement persistant ne prouve-t-il pas,
une fois de plus, que toutes les promesses faites
par les doctrinaires, avant les élections, étaient
fallacieuses, de nature a leurrer les électeurs de
bonne foi, et a remettre indéfiniment la réorgani-
sation de 1'Association
Libéraux sincères, songez-ysi vous tenez a
voir triompher vos principes aux élections futures,
réformez au plus vite votre Association, qui par
son programme, son règlement, est vicieusene
restez pas inactifs, car vos adversaires travaillent
jour et nuit a affermir leur pouvoir dans l'arron-
dissement; tachez de vous entendre, et si, mal-
gré vos voeux, quelques doctrinaires endurcis
s'opposent a cette entente, votre devoir, dans
l'intérêt de votre parti, vous oblige a, vous. passer
d'eux.
Agréez, etc.
Ypres, 12 décembre 1872.
Nous lisons dans une correspondance bruxel-
loise
Vous avez rapporté avant-hier, en peu demots,
la condamnation a 50 francs d'amende qui a
frappé un curé d'une commune de notre arrondis
sement, pour insulte a un membre du bureau élec-
toral. Ce curé a eu un mot charmant.
Interrogé, il a protesté de toute son indigna
tion contre les depositions des témoins
Jamais, a-t-il dit, je ne me suis mêlé de
politique, et personne ne sait pour qui je vote,
pas même ma servants
Pas même sa servante
Faut-il qu'elle en sache long, cette servante
sur... tout ce qui ne touche pas a la politique
CHRONIQUE JUDICIAIRE.
Le tribunal de Töurnai vient de decider qu'un
voyageur muni d'un coupon aller et retour, ne peut
descendre a une station intermédiaire du lieu oil
il se rend et reprendre ensuite un autre train pour
se rendre a destination, sans commettre une con
travention.
Voici l'appréciation faite par un journal spécial
de l'oeuvre exposée au dernier salon de Bruxelles
par un de nos meilleurs peintres yprois
M. Ceriez expose une toile un peu froide, qui
rappelle certains tableaux de Breughel par la
naïveté du fond et la disposition des figures. Son
Arracheur de dents est peut-être placé un peu haut
pour qu'on puisse l'apprécier d'une manière com
pléte. Dans tous les cas, ce n'est pas l'oeuvre du
premier venu, et son réalisme rétrospectif a de la
facture et de la vérité.
Faits diver's.
L'inondation. Les nouvelles affligeantes arri-
vent de presque toutes les provinces concernant
les inondations et les dégats causés par la persis-
tance des pluies. La ville de Bruxelles jusqu'ici
est épargnée exceptionnellement, et ce rósultat
heureux est attribué aux travaux accomplis jus
qu'ici pour favoriser l'écoulement des eaux de la
Senne dans la traverse de la capitale.
Hier matin, le train arrivant d'Anvers a passé
dans l'eau aux environs de Vilvorde.
Dans les bureaux télégraphiques de Bruxelles
on ne pouvait pas garantir l'expédition des dépê
ches dans certaines directions, l'inondation ayant
interrompu plusieurs lignes.
On lit dans le Progrès de Charleroi
La crue des eaux de la Sambre a été consi-
dérable depuis hier a midi, elle accuse plus d'un
mètre a l'etiage de notre écluse et cette crue
augmente d'heure en heure d'une fa<jon inquié-
tante. Les caves de la Ville-Basse et de l'Entre-
deux-Villes sont inondées ainsi qu'une partie des
quais et de la rue du Comptoir.
En amont et en aval de Charleroi, la Sambre
est sortie de son lit, et les prairies sont partout
couvertes d'eau, ainsi que toutes les propriétés
longeant le canal de Bruxelles et le Piéton.
Effet de punch. II y avait grande soirée avant-
hier, rue de Varennes, chez la marquise de
Une des plus charmantes cotillonneuses de 1'en-
droit se trouva, au cours du bal, engagée dans
une conversation tellement intéressante avec un
sien partner qu'elle but, par pure distraction,
trois verres de punch en quelques minutes, croyant
probablement que c'était de l'orgeat.
Un instant après, quand elle voulut se lever et
danser un quadrille, elle se trouva complétement,
mon Dieu, oui complétement grise.
Diable se dit son cavalier, un gommeux, ma
danseuse qui est dans les brandesinguesConseil-
lons-lui un cavalier seul.
Hólas la pauvre petite baronne écouta le
Méphistophélès en gants paille, et le cavalier seul
fut risqué, trés risqué même
Ce fut alors une terrible chose que l'indi-
gnation des vénérables chatelaines qui faisaient
tapisserie
Cependant, la petite baronne, tenant sa jupe a
deux mains, continuait, au milieu des chuchotte-
ments, son cavalier seul sur l'air du Hu qui s'avance!
On ne reverra jamais cela.
Le baron, un ancien militaire, qui jouait son
whist, fut attiré par tout ce tapage
Sabre de mon pèremadame, tonna-t-il de
sa voix de commandement.... que faites-vous
la?...
Et il ajouta de la même voix avec la rude fran
chise des camps
Mille tonnerres la baronne s'est ivrognée