JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT YWiES, IlimaDcbe Onzième année. J\° 11, 16 Mars 1873- PRIX D'ABOIiEMEMT POUR LA BELGLQUE 8 francs par an; A fr."50 par semestre. Pour PEtranger, Ie porl en sus. Uk Numéro 25 Centimes PRIX DES AXIOM li* ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes, Le tout païabi.e d'avance. Paraissant le dimanche. Laissez dire, laisaez-vous blamer, mais publiez votre pensee. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, rue Close, n° On traite a forfait pour les annonces souvent reproduit.es. Tout.es lettres ou envois d'aryent doivent gtre adressés franco au bureau du journal. La Boïte du Journal est transférée a partir <le ce jour rue Close, n° X. LA QUESTION MILITAIRE. C'est a un moine du XIV' siècle, dit-on, qu'est due I'invention de la poudre a canou. Cette opinion est coritroversée, nous le savons bien, et il ne manque pas de mécréants qui, pour faire pièce a l'Eglise, l'attribuent aux Chinois qui, selon eux, la connaissaient déja un bon millier d'années auparavant. Quanta nous, nous tenons pour Bertbold Schwartz, qui était homme a faire la queue aux Chinois. On ne dit pas s'il trouva du même coup les armes a feu. Mais il est probable qu'ayant la poudre, le canon n'était pas loin. Ni le fusil non plus. Ce qu'étaient ces engins primitifs, on le devine sans peine de grossicres ébauches, comparés a ceux de notre temps. C'était l'enfance de Part. Mais ils tuaient tout de même, et c'était le principal. Ils y mettaient sans doute un peu plus de temps, car ce n'était pas une petite besogne que de les charger, mais, au bout du compte, ils attei- gnaient leur but, et comme les guerres d'alors duraient aussi un peu plus que celles d'aujourd'huile massacre revenait au même. Calculez, si vous pouvez, les milliers d'hommes tués par ce melange de salpêtre, de charbon et de soufre, appelé poudre, et cent fois plus meurtrier que les mixtures de nos manipulateurs de denrées alimentaires, et dites-nous si ce moine allemand n'eüt pas mieux fait de charmer ses loisirs de toute autre facon. Calculez anssi,si vous avez le courage, les mille et une transformations par lesquelles ont passé ces canons et ces fusils informes des premiers ages de la poudre pour en arriver aux armes perfectionnées de notre époque, et vous devez convenir que de tous les arts celui qui a le plus progressé, c'est 1'art de tuer son semblahle. Voyez l'impri- merie, par exemple, qu'on a appelée l'artil- lerie de la pensée et qui est contemporaine de la poudre a canonn'en est-elle pas tou- jours a peu prés au même point II n'y a pas deux manières d'imprimer un livre ou un journal. Les caractères et les presses ont bieli pu se modifier, mais la typographic n'a pas subi de changement radical et le fond est resté le mcme. II faut toujours le même temps au typo- graphe pour prendre la lettre moulée hors du easier, la mettre dans le composteur et en faire des lignes. Tandis que l'artilleur ou Ie fantassin en est venu aujourd'hui a tirer, avec son canon ou son fusil, trente ou quarante coups a la minute. Déja on ne les compte plus. Et ce n'est pas encore la fin des fins, tant il y a, de par le monde, des gens a la recherche de nouveaux systèmes de tueries perfectionnées. Aussi ne faut-il point désespérer de voir un jour des fusils se chargeant et partant toutseuls sans plus s'arrêter. Ce sera, a défaut du mouvement, le tir perpétuel. Le diable, c'est que ce progrès militaire et incessant coüte gros. A chaque change ment un peu important de canon ou d'arme portative, c'est une révolution dans les arse- naux de tous les pays. Ce qui était bon la veille lie l'est plus le lendemain, en atten dant que la merveille du moment ait son tour et passé elle-même aux vieux fers. Ce qui n'est jamais long. Si encore cela s'arrê- tait. Mais de la manufacture d'armes, le changement saute dans la tactique, et voila tout l'art de la guerre qui en est bouleversé. Vile, il faut s'initier aux principes de la stratégie nouvelle, sauf a en apprendre une autre vingt-quatreheuresaprès. Cela dépend du génie des inventeurs qui tiennent a hon- neur de ne pas laisser mettre la chair a canon deux fois de suite a la même sauce. Ces perfeetionnements coütent gros, disais-je tout a l'heure. II parait que nous allons en faire encore une fois l'expérience a nos dépens. En bons patriotes, nous nous sommes fendus de je ne sais combien de millions pour embastiller Anvers, ce dont notre métropole commerciale, par paren- thèse, ne nous a su aucun gré. La recon naissance n'est pas la vertu du jour. Mais on n'y a pas pris garde, et le pays a agi un peu a la manière du bourru bienfaisant, les Anversois le reconnaitront peut-ètre un jour. Mais la n'est pas la question. La question, pour le moment, c'est que si tout n'est pas arefaire, il y a au moins encore beaucoup a faire pour mettre la place a l'abri d'un bombardement, et ce par la f'aute de certain canon a longue portée, inconnu a l'époque oh on arrêta le plan des fortifications d'Anvers, el qui depuis lors a fait sa malencontreuse trouée dans le monde de l'artillerie. Que le ciel confonde eet inventeur de malheur, et que n'a t-il, pour sa peine, sa pièce de quarante-huit dans le ventreCe qu'il faudrait, pour se garer des artifices et des boulets de ce diahle de canon, nous allons vous le dire, en deux mots, d'après un officier supérieur del'arméequi, lui, s'est donné la peine de faire une bro chure pour nous l'apprendre. II faudrait établir un nouveau fort a Merxem; achever les fortifications de la rive gauche,'con- struire a Termonde la citadelle qui doitrem- placer sur la même rive de l'Escaut la citadelle de Gand qu'on a démolie; élever des travaux de campagne sur la rive gau che de la Nèthe pour défendre les abords d'Anvers; enfin compléter la citadelle de Namur et les forts de Liége qui, dans leur état actuel, piongés de toutes les hauteurs environnantes, ne résisteraient pas une semaine. Voila oü nous en sommes, après nous être saignés aux quatre veiues pour assurer notre défense nationale (style olficiel).C'est- a-dire qu'il n'y a que l'ennemi qui soit assure de nous prendre quand et comment il voudra. Et, cependant, nous nous endor- mions dans une fausse sécurité, nous nous crovions a l'abri des événementset des coups de main, et le gouvernement lui-même, avec une légèreté sans pareille, livrait nos voies télégraphiques a l'étranger, absolu- ment comme si le pays avait été entouré de la grande muraille de la Chine. En fait de murs,nous n'avons que les fortius d'Anvers, lesquels sont a la discretion du nouveau canon et tomberont comme ceux de Jéri- cho au son de la trompette A moins que nous ne nous fendions des trente nouveaux millions que coüte- raient les ouvrages prémentionnés. Trente millions, au bas mot. On sait qu'en ces sor- tes de choses l'imprévu joue un grand róle, et que le supplementaire dépasse toujours, et de beaucoup, le principal. Vous me direz que, lorsqu'il s'agit de la nationalité, il n'y a pas a marchander. Soit; mais qui nous répond que, la défense une fois faite, il ne nous arrivera pas du bout de l'horizon quel- que nouvel engin qui remettra encore une fois tout en question, menacant de souffler sur nos nouvelles constructions comme sur un chateau de cartes? Vous voyez oü cela nous conduirait sans jamais aboutir a rien d'efficace. Nos murs de défense ne seraient pas plus tótélevés, que le progrès militaire, toujours en marche comme le juif-errant, les rendrait parfaitement inutiies. II n'y a que le trésor public, mis a sec, qui s'aper- cevrait de leur portée. Cela étant, nous nous demandons si le patriotisme exige bien de nous ces ruineu- ses folies et, a supposer que le canon ait dit son dernier mot, s'il est prudent de tant dorloter la nationalité Vous souvient-ilde ce jeune homme qu'on tenait enfermé dans sa chambre de peur des bêtes féroces Mais il v en avait plein l'appartement...en pein- -w, jËJ&ï i

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L’Opinion (1863-1873) | 1873 | | pagina 1