JOURNAL DTPRES DE ^ARRONDISSEMENT
VPRES, S>imanche
Onzième année. IV 0 12>
23 Mars 1873
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YPRES, le 22 MARS 1873.
On a vu par une dépêche de Rome,
publiée dans le bulletin de l'étranger avec
quelques réflexions de notre cru, que la
dernière caravane de pèlerins catholiques
était heureusement débarquée dans la ville
éternelle.
Au premier rang de cette deputation cos
mopolite, brillaient nos pieux senateurs de
Cannart-d'Hamale etde Robiano, nantis d'un
pauvrc demi-million arraché a la misère
des Flandres, et aussi graves que l'ane por-
lant des reliques. II faut croire ce,pendant
que c'était le gros lot, car on ne mentionne
pas les autres sommes pêehées dans les eaux
de la catholicité.
On a vu aussi avec quelle bonté le pópe
avait recu les pèlerins dans son splerfdide
palais du Vatican, au milieu des suisses et
des hallebardiers qui pullulent dans le séjour
enchanté, et avec quelle grace il avait dai-
gné recevoir le tribut de dévotion panachée
des infidèles.
De tout quoi il appert que le pape est
libre comme l'air et qu'il ne s'arrange pas
trop mal pour passer le plus confortable-
ment possible cette vallée de larmes, en atten
dant le jour ou il monteraau ciel oü battend
la beatitude éternelle.
Ce dont, pour notre part, nous n'avons
jamais douté, et nous lefélicitons même trés
sincèrement de cette sage ordonnance de la
vie tout a fait conforme a la doctrine de saint
Epicure, le cinquième évangéliste qui s'en-
tend comme pas un a préparer des saints
pour l'autre monde.
Mais il n'en est pas moins curieux et in-
structifde mettreen regard'de cette félicité
terrestre du successeur des apotres, le som
bre tableau que nos pieuses feuilles tracent
journellement des misères pontificales.
Yoici, par exemple, un spécimen trés
réussi de ces lamentations de nos modernes
Jérémies
Rome, le lieu de la prière, le rendez-vous des
pèlerins, Rome, la Ville de Dieu, la Cité du calme,
du repos, de la paix, est devenue l'antre des
crimes les plus affreux, des forfaits les plus exé-
crables. Sous les yeux du Ministre du Dieu d'a-
mour et de charité, a, l'ombre du Vatican, se tra
ment les plus sombres complots. Et alors on ne
rougit pas de dire Pie IX est libreMais si le
Représentant de l'Eternel était libre, on ne l'in-
sulterait pas, on ne le baffouerait pas Mais si le
Représentant de l'Agneau était libre, la cbrétienté
ne serait pas opprimée, la chrétienté ne serait pas
plongéedans les larmes et le deuil...PieIX, alors,
pourrait librement communiquer avec le monde
catbolique. Le secret des bureaux pontificaux,
des congrégations religieuses ne serait pas violé.
Le silence du cloitre ne serait pas trouble. Les
humbles servantes du Seigneur ne seraient pas
brutalement chassées des couvents et les minis
tères ne seraient pas profanés. Les prétres, les
religieux ne seraient pas assassinés sous les yeux
du Pontife-Roi
Ce passage est extrait d'une brochure a
couverture rouge, tombée depuis plus de
trois semaines du ciel sur notre table et a
laquelle nous ti'avons osé toucher avant
d'avoir les grandes pincettes acbetées par
nous ces jours derniers a l'intention du
Courrier. Et cette brochure n'est elle-même
que la collection d'articles de ce genre parus
dans la Gazette catholique, la congénère
du dit Courrier
II s'v trouve surtout un portrait, au phy
sique et au moral, de Victor-Emmanuel,
non moins ressemblantque ce croquis désolé
de la Rome des papes et pour lequel le
fantaisiste écrivain de la feuille catholique
s'attendait bien a être livré aux bêtes et a
recevoir la palme du martyre des mains de
la cour d'assises du Brabant. Mais le repré
sentant du roi d'Italie a Bruxelles eut le
mauvais goüt de ne pas y reconnaitre son
maitre etdedéférer l'ceuvre du sieur Arthur
Moens a un cabinet qui n'est pas celui du
juge d'instruction.
Que n'en faites-vous autant de votre cóté,
nous dira-t-on A quoi bon s'occuper des
élucubrationsdecesénergumènes Ils men
tent, c'est vrai, dans l'intérêt de leur bou
tique, mais qui croit encore a leurs inven
tions ou s'inquiète de leurs objurgations
Qui? Mais ceux pour qui elles sont faites,
les simples a qui elles tirent des larmes des
yeux et des écus de la poche Est-il bon de
laisser se pro pager l'erreur qui entretient
le fanatisme en visant la bourse des naïfs?
N'est-ce pas le devoir de la presse libérale
de confondre le mensonge, sous toufes ses
formes, et d'y substituer la vérité?
Tous les jours en signale des faits d'es-
croquerie et d'abus de confiance, ou des
affaires véreuses montées a l'usage des
gogos on imprime les noms des coupables
ou des Robert-Macaire, 1'on donne le plus
de retentissement possible aux condamna-
tions judiciaires qui interviennent, et 1'on
a raison cela met le public en garde con-
treles machinations de messieurs de la basse
et de la haute pègre. Pourquoi done Sexploi
tation de l'imbécilité humaine, outre l'im-
punité légale, bénéficierait-elle encore du
silence de la presse honnête Le taire en
pareille circonstance, n'est-ce pas s'en faire
le complice et assumer sa part de respon-
sabilité
Ce n'est pas un délit, dira-t-on, on est
libre de donner ou de ne pas donner.
Ce n'est pas un debt, soit; bien qu'au
fond cette mendicité a, jet continu présente
tous les caractères constitutifs de l'escroque-
rie. Car, enfin, comment qualifier le fait
d'apitoyer les ames sensibles sur des
malheurs imaginaires pour se faire remettrc
de l'argent Nous ne parions pas des espé-
rances chimériques qu'on fait naitre pour
l'autre monde, c'est affaire de croyance et
de conscience. Mais combien en est-il qui,
s'ils étaient au courant de la situation véri-
table du saint-Père, situation fort enviable
sous le rapport materiel, enverraient pro-
mener les collecteurs rapaces de l'Eglise, se
disant judicieusement que charité bien
ordonnée commence par soi-même
LES PRIVILEGES DE LA PRESSE.
Une première satisfaction est donnée a l'opi-
nion publique au sujet des renseignements pu
bliés par la presse sur la falsification des denrées
alimentairesLa justice vient de condamner, non
pas un falsificateur, mais un journaliste, M. Gus-
tave Lemaire, de YEtoile beige.
Ce journal annonce ainsi la cliose
C'est décidément nous qui sommes les pre
miers condamnés, non pas pour falsification de
denrées, grace a Dieumais pour avoir refusé de
dénoncer les notaires qui se sont adressés a nous
avec confiance pour donner au parquet les indica
tions qui ont dü, si nos renseignements sont
exacts, le mettre sur la trace d'une falsification
trés importante.
n En vertu de Partiele 80 du Code d'instruction
eriminelle, celui de nos collaborateurs qui s'est
rendu a la citation du parquet a été condamné a
100 fr. d'amende, et a défaut de paiement a deux
mois de prison pour n'avoir pas satisfait complé-
tement a cette citation.
n Mais nous sommes obligés de reconnaitre que