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Le catholicisme et la crise
Le discours de Ch. du Bus de Warnaffe,
le défenseur de Fécole libre, et qui sera
le premier ministre catholique des Sciences
et des Arts, le jour où le sectarisme libéral
permettra aux catholiques de détenir ce
portefeuille le discours prononcé Bin-
che par le député catholique de Bruxelles
mérite de retenir toute notre attention.
Nous en donnons un important extrait, et
nous sommes persuadés que nos lecteurs le
lirons avec le plus vif intérêt.
L'avidité du profit rapidement et facile
ment réalisé, en faisant du gain une fin en
soi, a bouleversé les notions d'honnêteté
elle a engendré le mépris des contrats et
la violation de la parole donnée, violation
qu'une casuistique intéressée a vite fait de
justifier par la loi de la nécessité. Mais la
nécessité n'a pas de voix pour pouvoir pro
tester contre l'abus hypocrite que l'on fait
trop aisément de son pavillon pour couvrir,
en contrebande, des intérêts camouflés. Et
en cela les individus donnent l'exemple
aux peuples, et les peuples aux individus
(Revue des Deux Mondes, 15 mars 1932).
Plus qu'on ne le sait, les pots-de-vin
sous de multiples formes en viennent
être considérés comme une pan due des
traitements, émolûments, salaires ou hono
raires concussion, trafic d'influence, di
chotomie, commissions occultes, maquillage
de devis, ne sont que les manifestations di
verses d'abus qui, chez certains, sont en
passe de devenir une règle.
Dans cette ambiance, le sens moral de
la masse insensiblement et inconsciemment
s'émousse les frontières de l'honnêteté per
dent la netteté de leur tracé et d'aucuns,
parmi ceux qui les reconnaissent encore,
se prennent se demander quoi il sert
de les respecter lorsque tant d'autres les
violent impunément.
Et du coup voilà l'autorité ébranlée, alors
que de tous côtés déjà, sur le plan fami
lial et politique elle se voit de plus en plus
discutée par l'impatience orgueilleuse des
individus ou des collectivités qui s'y doi
vent soumettre, et diminuée par l'abdica
tion des pouvoirs qui ont mission de l'exer
cer, mais admettent qu'on la discute
ou la mendie faute d'oser la prendre
ou la reconquérir.
Dans le domaine moral, les règles tra
ditionnelles sont supplantées par les fan
taisies des caprices les plus bas. Et tandis
qu'on prône et qu'on pratique le nudisme
tandis que l'on s'abrutit des marathons
de danse, les concours de beauté et les
compétitions sportives féminines travaillent
l'avilissement de la femme, par ailleurs
objet d'un trafic vénal.
Sur le plan religieux, la révolte contre
l'autorité revêt un caractère que S.S. le Pa
pe n'a pas craint de qualifier de diabolique.
Ce n'est plus, comme jadis, contre l'Eglise
c'est contre Dieu lui-même qu'elle se dé
clare sous le signe de la négation abso
lue, elle vise l'athéisme. Une proposition
de loi comme celle du député socialiste
Delvigne, tendant l'iinstauration de la
neutralité philosophique dans toutes les
écoles communales, et la recrudescence des
activités de la Libre-Pensée dénotent un
travail de la Franc-Maçonnerie, particulière
ment marquant depuis six ou sept ans. Et
du même coup que la croyance faiblit, se
constate une recrudescence de la crédulité,
pour le seul profit des chiromanciennes.
Enivré d'indépendance et d autonomie,
l'homme reste logique avec lui-même lors-
qu'après s'être libéré de ce qui le domine,
il entend ne pas se lier envers ce qui pour
rait lui survivre et de plus en plus il
fait de son égoïsme le meuble central de
ce qu'on ne peut plus appeler un foyer,
parce qu'on n'y trouve plus la chaleur du
véritable amour, seul créateur, parce qu'il
est essentiellement don de soi. Nos villes
deviennent des tombeaux et les divorces se
multiplient.
Mais un nouveau train relie en 29 mi
nutes Bruxelles Gand il reste bien en
tendu que nous vivons une ère de pro
grès...
Non, ne nous leurrons pas. Toute illu
sion serait tragique, car en nous détournant
de l'examen des symptômes morbides et de
la réparation des médications adéquates,
elle précipiterait l'heure d'une issue cata
strophique qui ne serait rien autre que la
ruine de notre civilisation.
Le monde est ulcéré dans son âme, et
la crise est dans l'homme avant d'être
dans les institutions et les régimes. Elle
est dans l'homme, esprit et matière, mais
qui oublie qu'il est esprit et en souffre jus
que dans son corps.
Ah certes, le drame visible est un dra
me économique, et d'un paradoxe inoui,
puisqu'on meurt de faim devant des gre-
nieis regorgeants. Mais si Wèrner Sombart
peut écrire que l'intervention des facteurs
spirituels dans la vie économique est évi
dente si Lucien Romier peut affirmer
que la morale est la première loi de l'éco
nomie politique ne pouvons-nous pas re
chercher, a cette lumière, si le salut éco
nomique ne doit pas être l'œuvre de me
sures techniques, certes, mais inspirées d'un
esprit qui les vivifie
Comment ne pas se passionner pour cette
recherche, lorsque des confins les plus re
culés d'un horizon qui n'est pas toujours
nôtre, nous entendons un Chautemps, Pré
sident du Conseil, proclamer la Chambre
française qu'il est temps de réaliser une
réforme morale Lorsque nous voyons
ufi Caillaux écrire qu'il n'est pas d'évolu
tion sociale ou de révolution qui soit pos
sible si elle n'a point pour support une
évolution morale et qui ajoute que la
culture de l'âme, l'accomplissement spiri
tuel de l'individu conditionnent le progrès
du monde Lorsque partout enfin
nous constatons la nostalgie d'un paradis
perdu, où l'homme serait intégralement
humain
Ne serions-nous pas les témoins de cette
heure prédite par le vicomte d'Avenel, cette
heure où le peuple vomira les religions
laïques et pleurera pour avoir une âme et
pour qu'on lui rende un Dieu
Car voici que du lointain horizon d'au
tres voix encore s'élèvent. Bon gré, mal
gré, il va falloir qu'on recommence croire
quelque chose. Il faut que notre société
retrouve non seulement un ordre, mais
les raisons profondes de cet ordre. L'insta
bilité actuelle n'est pas seulement celle des
cadres de la société, mais celle des idées
sur ces cadres (Galsworthy G. Jean
Aubru, suppl. litt. du Figaro 18 mars
1933).
Croire, avoir des raisons d'existence qui
dépassent les limites d'une pauvre vie ter
restre s'accrocher une servitude et retrou
ver l'équilibre avec la sérénité dans une
Foi
Et Masaryk répond, dans un appel aux
prêtres de Tchécoslovaquie, en soulignant
l'importance de la religion, une époque
chaotique comme la nôtre, pour accentuer
la moralité des nations. Mussolini, dans
un article sur le Fascisme publié par l'En-
ciclopedia italiana, écrit que le monde, plus
que jamais, doit être porté par les forces
morales, et que les gouvernants doivent
considérer l'homme dans son rapport su
blime avec la loi supérieure. Dolfuss, indi
quant le sens de la restauration de l'Au
triche, disait et répétait qu'il fallait qu'elle
fut chrétienne.
Il y a quelques jours peine, Justo, Pré
sident de la République argentine, ne ré
pétait pas autre chose Le catholicisme
est la fraternité chrétienne. Aujourd'hui
plus que jamais, le monde a besoin de
resserrer ses liens spirituels afin de réta-
blir la fraternité parmi les hommes acca-
blés par les graves problèmes actuels
Troublant concert, en vérité, et émou
vante orchestration du thème de Léon XIII.
écho de la voix éternelle de l'Eglise Si
la société humaine doit être sauvée, elle ne
le sera que par un retour la vie et aux
institutions du christianisme (Rerum
Novarum)
Sagesse de l'Imitation Où que vous
soyiez, de quelque côté que vous vous tour
niez, vous serez misérable si vous ne re
venez pas Dieu
Nous croyons au salut de la société par
le retour Dieu et la doctrine de son
Christ. Notre civilisation désemparée est
chrétienne. Or, pour reprendre Faguet,
c'est ce qui a fondé qui conserve, et l'ou
bli de ce qui a fondé qui détruit Notre
civilisation s'anémie et meurt dans la me
sure où elle abjure le christianisme de son
origine. Pour vivre selon sa nature elle
doit, suivant le mot de Machiavel, être
ramenée son principe
Mais dissipons les équivoques, et pré
venons les déformations tendancieuses.
Il ne s'agit pas de prétendre que le christia
nisme, seul et comme tel, constitue le re
mède la crise économique. Que des niais
nous imputent cette bêtise, libre eux
mais nous ne la disons. Le christianisme
n'est pas une technique il transcende tou
tes les formes de politique, d'économique
et d'intellectualisme il n'est lié aucune
son rôle est de les informer toutes. Nous
nous bornons croire que le christianisme
sauvera notre société dans la proportion
où, par l'adhésion des hommes ses prin
cipes, il rétablira la primauté du spirituel,
c'est-à-dire de ce qu'il y a de supérieur, de
spécifique et d'éternel dans l'homme. Et
nous nous soucierons peu des querelles
byzantines qui opposent les politique d'a
bord aux économique d'abord s'ils se
souvenaient, les uns et les autres du spi
rituel toujours
Il ne s'agit pas non plus de cléricalisme.
Il n'est pas question d'une conversion for
cée de l'humanité la foi chrétienne. Nous
ne serions pas les fils de l'Eglise si nous
ignorions que la Foi ne s'impose point de
force, mais qu'elle est, fruit de la grâce,
une libre adhésion de l'esprit la Vé
rité reconnue et professée pour telle.
Il ne s'agit pas davantage d'instaurer
une théocratie qui plierait ses disciplines
la vie individuelle et collective. Pareille
tentative serait frappée de la stérilité con
génitale de toute réforme résultant de la
contrainte du dehors une réforme n'est
profonde et durable qu'à condition de pro
céder d'un mouvement intérieur et spon
tané.
La tâche individuelle. N'ayons crainte de
préciser ayons le courage d'aimer assez la
vérité pour aller là où elle aboutit, c'est-à-
dire, avant tout, chacun de nous-mêmes.
Le levier qui doit désembourber notre
monde noé-païen, du matérialisme où il
s'enlise, ce n'est pas un catholicisme éthéré,
salué avec commodité et révérence comme-
remède théorique ce n'est pas l'Eglise en
visagée comme une hiérarchie et une au
torité d'origine divine, mais abstraite ce
ne sont pas les catholiques considérés de
manière idéale comme le troupeau élu.
Tout cela, ce sont des mots ce n'est pas--
par des formules que l'on se sauve.
Le levier, c'est chaque catholique per
sonnellement, par le rayonnement de sa.
vie intérieure, dans chaque acte de son
existence quotidienne. C'est chaque catho
lique vivant sa foi, et défaut de la faire-
partager, arrivant la faire admirer par
les œuvres qui en sont la fleur. C'est chaque
catholique, instruit fond des préceptes de-
sa religion, et les appliquant dans toutes-
les circonstances de sa vie privée et de sa
vie publique, simplement, logiquement
et intégralement
Bref programme, mais difficile, parce-
qu il exige pour nous la soumission aux:
rigueurs du'ne véritable ascèse, et que sa
réalisation ne requiert point l'habileté des-
discours, mais la fermeté du caractère. Pro
gramme d'exécution ardue, et l'accom
plissement duquel nous nous évertuerions
peut-être davantage si nous comprenions
que le scandale n'est pas tant l'apostasie des;
incroyants que la contradiction de beaucoup-
de soi-disant catholiques qui compartimen
tent leur vie, et pratiquent une religion
éclipses.
Nous nous prétendons détenteurs d'une
doctrine de perfection il est normal, dès
lors, qu on nous observe l'œuvre. Notre
responsabilité envers cette doctrine est
d'autant plus grande que la malice accusera
plus vite nos principes que nos faiblesses,
comme les esprits simplistes ont tendance -
incriminer les institutions plutôt que les
hommes qui les incarnent.
La doctrine de perfection promulguée par
le Christ, nul ne l'ignore et tout le monde
l'admire c'est l'amour de Dieu, et l'amour
du prochain dans le Christ. C'est la doc
trine de charité chrétienne, antidote du
mal dont nous dépérissons et qui meurtrit
chaque jour la justice l'égoïsme païen.
Nous devons être, avant tout, les restau
rateurs de la Justice, de cette justice dont
Mirabeau disait qu'elle est un besoin de
tous comme elle doit commander le res- -
pect, elle doit inspirer la confiance