Le facteur humain en France, aujourd'hui. Nous croyons intéresser nos lecteurs en leur donnant cet extrait du volume qui pa raîtra prochainement chez Grasset, et signé par le Colonel de la Rocque, chef des Croix- de-Feu. Il est bon de lire ces pages pour se tenir au courant des mouvements d'opi nion qui travaillent le peuple de France. Cacher par principe ses compatriotes les vérités désagréables, promettre l'impos sible, exagérer les résultats atteints, mini miser les difficultés immédiates ou pro chaines, tels sont, tels ont été, les manques de respect commis l'égard du peuple de France. Combien de fois lui a-t-on annoncé des changements qu'il espère encore Com bien de fois l'a-t-on lancé dans des entre prises Combien de fois l'a-t-on grisé avec des programmes auxquels leurs auteurs ne croyaient même pas Survivance du bour rage de crânes qui nous annonça si sou vent des attaques l'arme la bretelle Procédé de suffrage universel, dira-t-on. Exactement. Ce procédé appliqué une masse électorale peut n'engager qu'une lé gislature. Appliqué des collectivités per manentes, il épuise, détruit, affole et tue leurs forces vives. Or un facteur s'est imposé, chaque jour développé depuis 1918 le facteur groupe ment. Des hommes se réunissent en associa tions diverses, afin d'agir de concert leur nombre et la manifestation de leur nombre jouèrent un rôle plus fréquent, plus intense mesure que s'aggravaient les problèmes intérieurs et extérieurs. Des forces de cette nature sont capables d'impulsions vigoureu ses et spontanées l'instantanéité de leurs vibrations les rend infiniment délicates manier. Si elles se disloquent, elles entraî nent, dans leur destruction et par leur des truction, d'irréparables dégâts dans toute l'aire de leur activité. Ces groupements, dont la fonction de vrait être déterminante devant la carence actuelle des institutions, ont été maintes fois détournées de leur objet, dépouillés de leur énergie. On les a le plus souvent di rigés comme on dirige les séances tapa geuses des périodes électorales. Celles-ci ne trompent point leurs membres sur la nature éphémère de leurs destins personne n'y entretient d'illusions sur les protagonistes chacun y apprête, non sans un certain cy nisme, la liste des sollicitations et recom mandations réservée l'élu. Les foules du scrutin se mobilisent derrière des ambi tions individuelles et pour des revendi cations individuelles. Les groupements d i- dées se forment en vue du service public. On a méconnu cette distinction fondamen tale. On en a usé avec ceux-ci comme avec celles-là. Je me moque de vous déplaire aujourd'hui si c'est conforme l'intérêt général. Je demande vos chefs de vous respecter suffisamment pour faire appel votre seul esorit de devoir je veux qu ils ne doutent jamais que vous les compren drez. A l'occasion d'un sacrifice exem plaire demandé mes camarades j ai eu l'honneur de m'exprimer ainsi, en novem bre 1933, devant dix mille personnes d a- bord étonnées, immédiatement compréhen- sives et enthousiastes. A la sortie, un par lementaire qui, dans l'assistance, avait vu l'effet produit, ne me cachait pas sa sur prise. «Une franchise aussi cornélienne vous coûterait cher la veille des scrutins me disait-il. L'opinion appelle des conduc teurs d'hommes et non des candidats. Elle veut qu'on l'enseigne et non point qu on la flatte. Elle attend qu'on la serve et non qu'on la quémande. DEMAGOGIE Le temps n'est pas loin des folles en chères autour de ces maigres aumônes par lesquelles on neutralisa si bien les Anciens Combattants. Les gouvernements successifs et contradictoires qui se relayèrent dans l'impuissance majoritaire ex l'opposition destructive, au gré du balancier électoral se disputèrent farouchement cet assaut de démagogie. Et lorsque, les premiers, les Croix-de-Feu affirmèrent le principe de la participation intégrale du pays au relève ment de la trésorerie, quel anathème de toutes parts 1 Les grandes Associations ne réclamaient-elles pas, la même heure, plusieurs millions de crédits pour une ex cursion vers l'Amérique Mes meilleurs amis me suppliaient de ne point recom mander nos camarades ces restrictions, dont ils reconnaissaient cependant la néces sité. Vous savez bien que je subordonne ces sacrifices des Anciens Combattants une amputation préliminaire, au moins éga le, imposée toutes les autres parties pre nantes du budget, hormis la Défense na tionale leur répliquai-je. Vous avez cent fois raison. Seulement, taisez-vous sur ce sujet, au nom du Ciel. Demandez ce que vous voudrez nos camarades et ils vous suivront excepté un sou, même éventuel Sinon vous serez abandonné de tous. Quelle erreur Avant même que les événements nous aient donné raison, avant que les autres Associations aient adopté notre attitude, les Croix-de-Feu, et, en tête, ceux des quartiers populaires m'avaient unaniment compris, approuvé, encouragé. Nous leur devons tout notre ascendant sur les hommes de l'après-guerre. Nous leur de vons le succès unique des Volontaires na tionaux. Qu'ils soient ici remerciés avec émotion, avec déférence Au cours des dernières semaines de 1933, un homme fort respectable et sympa thique me téléphona plusieurs' reprises. Il avait la responsabilité de quelques cen taines de citoyens ceux-ci réclamaient un mot d'ordre en prévision des troubles im minents il me demandait conseil. Je lui répondis, définissant la ligne de conduite dont nos interventions des 5 et 6 février furent l'aboutissement logique. Vous avez raison, me rétorqua cet homme de bien, et je vois exactement comme vous. Mais si ie ne lâche pas la bride ces jeunes gens, ils me quitteront. Démagogie inconsciente mais combien dangereuse. Le chef a reçu mission de diriger. Il a obtenu la con fiance et l'affection des siens. Il a l'auto rité son poste le situe distance des in cidents de détail il possède la vision glo bale des choses, la notion exacte du but. Et, chef, il renonce guider, il se contente de suivre. Il préfère l'abandon de sa char ge l'éventualité de quelques dissidences. Comme si l'abandon, l'ingratitude, l'im popularité n'étaient pas préférables la plus légère faiblesse dans l'exercice d'une responsabilité reçue. L'oubli de pareils préceptes expliaue lui seul toutes les déroutes. II ne s'agit dans les cir constances actuelles ni de se faire accla mer ni de se faire conspuer. A partir du moment où l'on entraîne un seul homme derrière soi, on lui doit de le diriger con formément son mandat. S'il déchire ce mandat, alors, alors seulement, on rede vient libre on est rendu sa propre in dividualité. Quand l'intérêt de la Cité se trouve en jeu, les individus ne comptent pas ils s'effacent. Les chefs de groupement doivent s'imposer, non dans la popularité, fille de la démagogie, mais par leur per sonnalité agissante et responsable. LES BUTS. LES MOYENS. L'immense respect dont le mouvement Croix-de-Feu est entouré nous a valu de précieuses attaques de nos adversaires. Il a suscité aussi, chez ceux qui se croient soit notre droite, soit notre gauche, une sorte d'esprit de concurrence. Je démontre rai plus loin quel point cet esprit et cette crainte sont infondés. Toute méthode porte en elle sa justification, ses avantages, ses faiblesses. Quant la mienne, un souci te nace la domine ne jamais confondre agi tation avec action, nrocédé avec principe, moyen avec but. Expliquer notre ligne de conduite et mettre nos camarades en garde contre ce que je juge inopportun n'est pas attenter la nensée ni au libre arbitre du voisin. Il suffit de se reporter aux nom breux articles que j'ai donnés notre feuille mensuelle. Le Flambeau, pour con stater ma préoccupation de rendre justice aux efforts des hommes de bonne volonté. Te me suis toujours refusé engager les Croix-de-Feu dans des manifestations bruy antes, dépourvues d'objet, immédiat et pré cis. Que de telles manifestations puissent avoir leur intérêt je ne le conteste pas. Elles créent une atmosphère elles con tribuent alerter, entraîner les uns, in timider les autres. J'ai, pour n'y point as socier les Croix-de-Feu et Volontaires na tionaux, des raisons primordiales tenant leur nature et j'en ai déjà rappelé les rai sons. Il convient de ne pas oublier que pen dant toute la durée de janvier 1934 nos camarades assurèrent sans répit des missions délicates, le plus souvent périlleuses, quoti diennes par surcroît. Je savais quel point il est difficile de doser l'élan d'une force privée. Je savais l'incompatibilité entre la dispersion, la nervosité de l'effort, d'une part, sa capacité de cohésion et de per sistance d'autre part et je tenais cette capacité pour la condition unique d'avantages durables. Notre intervention ne pouvait être que capitale pour donner son plein effet, elle interdisait le tumulte préa lable. Chacun, en ces jours difficiles, a fait de son mieux dans la limite de ses res sources matérielles et morales. L'action mas sive, exacte et disciplinée aux points essen tiels ne pouvait être réussie que par nos cohortes organisées. Ceci ne diminue le mé rites de personne. Mais la question est plus haute. On ne saurait trop s'élever contre la confusion fré quente entre le secondaire et le principal. Une semblable confusion fausse le jugement des hommes, les habitue se contenter des apparences du succès ou de leurs préam bules. L'agitation en soi se classe vers la rubrique de coups de main inopérants par lesquels, jadis, on grignotait l'ennemi. On dirait d'un moteur sans cesse en prise directe ou d'une troupe constamment aler tée, Ainsi s'épuisent les ardeurs, s'exclut leur emploi aux fins supérieures, se détruit leur rendement. Ainsi se produit l'éparpil- lement fatal, «e réalise l'introduction d'élé ments étrangers et provocateurs. Ainsi les chefs sans courage civique ni caractère peu vent-ils arguer de leur impuissance et diluer leurs responsabilités. L'agitation abusive et mal dosée explique la déchéance de nos in stitutions, la corruption politicienne, le gas pillage de tant de générosité depuis 1918. Pour revenir aux 5 et 6 février 1934, j'y trouve la récompense de notre réaction con tre cette erreur triomphe de notre volonté, réussite de nos interventions sans événe ments dramatiques ni pertes mortelles, soit dans les rangs des Croix-de-Feu et des Vo lontaires nationaux, soit dans les rangs du service d'ordre placé sur leur route. Nos adhérents ont bénéficié de la surprise, et leur discipline les a protégés contre les in filtrations louches dans les secteurs de no tre choix, où nous opérions seuls, nous avons déjoué sans peine les provocations d'un gou vernement facétieux. L'agitation est négative. Elle peut être un expédient, jamais une méthode. Sa place est l'antichambre des événements. L'ELECTORALISME Dussé-je être accusé de néologie et ac cusé d'idée fixe, je ne cesserai d'incriminer l'électoralisme. J'entends par là une défor mation trop répandue, qui voit dans les ver dicts du suffrage universel ou restreint un but supérieur. De bonnes élections sont prêchées comme le salut un siège électo ral est désiré comme le rêve, l'espoir secret, le tremplin vers les grandeurs. Le mot électoral isme reviendra ici comme un leitmotiv L'état d'esprit auquel il cor respond explique l'improductivité de nos temps médiocres. Les gestes qu'il insprie augmentent la masse des énergies perdues, multiplient les faux chefs ils activent la décomposition de l'opinion et précipitent sa chute vers le scepticisme. Agitation, tartu ferie, exploitation électorale des générosités individuelles y trouvent leur compte. On attire autour de soi quelques centaines ou milliers d'hommes aux idées généreuses on leur demande ce véritable héroïsme quoti dien que représente, pour un citoyen mo deste. la réponse courageuse des appels incessants, parfois éloignés, souvent péril leux. On les exalto par la pensée qu'ils travaillent pour le bien général, sans nulle arrière-pensée particulière. Au même mo ment, on se livre déjà au calcul sournois des bulletins ramasser le jour venu on se penche clandestinement sur la carte électorale on prévoit la circonscription où, le plus tôt possible, quelques amis vien dront vous supplier de sacrifier votre li berté Le siège municipal, législatif ob tenu, la trahison commencera, involontaire ou préméditée, la demande et la me sure des combinaisons de partis, des arri- vismes personnels. L'électoralisme est de venu pour beaucoup une manière de reli gion laïque, un couronnement de carrière, une lampe d'Aladin, un abri contre la crise, un gagne-pain, un hochet de la vanité. Ses basses machinations ont pris le nom de tech nique, ses disputes vulgaires, ses luttes avi lissantes ont emprunté la noble termino logie de nos combats. Ses résultats, loin d'être tenus pour les conséquences de la mo ralité ou de l'immoralité, de la conscience ou de l'inconscience publiques sont présen tés, attendus comme l'instrument suprême quasi sacré de la vertu civique. Plus que jamais, confusion entre le but et les moyens explication, justification, célébra tion de cette décadence collective où la France de 1934 semble attirée comme vers un précipice. DEFAUT D'ORGANISATION Quelques mots sur le défaut de l'organi sation des forces de l'opinion. Dans un pays aussi individualiste que le nôtre, ces forces sont morcelées en une série d'éléments dis tincts chacun d'entre eux possède sa doc trine et son recrutement propres. Ce parti cularisme n'est pas synonyme de personna lité ni d'homogénéité. De pareils résultats exigent une besogne ardue, d'autant plus in lassable et précise que les conditions d'exis tence des participants sont plus hétérogènes. Comment la démagogie, la confusion en tre buts et moyens, l'électoralisme, le ba vardage, le snobisme se seraient-ils prêtés un labeur aussi ingrat Comment l'aveu lissement des caractères, la recherche du geste effet se seraient-ils accommodés d'un ouvrage de si longue haleine et de pareille abnégation Car l'organisation appelle et complète l'autorité du chef elle exige son recul, faute duquel nul plan d'ensemble ne pourrait être exécuté elle concentre sur lui les responsabilités présentes et futures. Tout groupement possède ses statuts et ses règle ments quels sont ceux où l'on ne s'est pas contenté d'une discipline superficielle L'examen d'un type d'organisation ne trouverait point de place ici on peut en concevoir l'infini. Les réalisations prati ques seules sont intéressantes. Pour ne par ler que des ennemis de notre civilisation, on ne peut expliquer, sinon par une para lysie fonctionnelle, cette incapacité où se trouve le Front commun de convoquer ses adhérents, de leur transmettre ses con signes, ses dispositifs d'alerte en dehors de sa presse et de ses affichages. Problème in soluble par des méthodes plus discrètes. Pauvres, dépourvus de feuilles quotidiennes, les Croix-de-Feu et Volontaires nationaux l'ont brillamment résolu. Grâce la con viction ardente et ordonnée qui les caracté rise, il est vrai. Au prix d'une besogne as treignante, fastidieuse, ne le laissons pas oublier. Mais quelle récompense Maxi mum de résultats, minimum de sacrifices dans le minimum de temps. Les forces de l'opinion n'ont pas été vraiment ordonnées et tenues en main elles n'ont pas été te nues aptes intervenir de façon calme, cohérente, massive on y a trop recherché le communiqué, considéré le chiffre des per tes et des arrestations comme un critère. J'ose dire que les Croix-de-Feu ont échap pé ces erreurs. En février 1934, il n'avaient que six ans d'existence et ont remporté le succès que l'on connaît. Si les forces de l'opinion avaient, depuis tant d'années, sacrifié les apparences et la publicité un réel souci du rendement or ganisé, l'équilibre et la santé seraient ré tablis en France. Colonel DE LA ROCQUE.

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Le Sud (1934-1939) | 1934 | | pagina 7