3e ANNEE No 19. Hebdomadaire 50 cent. le numéro. DIMANCHE 10 MAI 1936. ABONNEMENT 1 AN 20 FRANCS Direction-Administration Ch. van RENYNGHE, 19, rue Longue de Thourout, YPRES. Compte-chèques postaux 1003.43. LE VRAI SCRUTIN. LES PARTIS TRADITIONNELS. LE PARTI SOCIALISTE. LE PARTI LIBERAL. LE PARTI CATHOUQUE. UNE POSITION NEGATIVE. LES TEMPS NOUVEAUX. VOILA LE BILAN. Ch. van RENYNGHE. USEZ DANS LE SUD Page 2 Chronique Aéronautique. Page 3 Colombophilie. Page 4 Le Sud dans le Nord. Pages 5, 6, 7, 10 et 11 Chroni- niques de la région. Page 8 Au Littoral. Page 13 Les Sports. Pages 14 et 15 Pour la Femme. Page 16 Petites annonces. An nonces notariales. Cinéma. Pour qu'une nation soit, il faut qu'une solidarité nationale existe et qu'elle se cris tallise dans la volonté du pouvoir. I I Nos aînés liquident le passé pendant que nous construisons l'avenir. Du Pays légal au Pays réel Les élections du 24 mai ont une signi fication toute particulière. Les trois grands partis traditionnels étant au pouvoir, il serait absurde de vouloir trouver dans le scrutin, une approbation quelconque pour l'un de ces partis. Pour que le scrutin tra duise l'opinion du Belge au sujet de la po litique gouvernementale, il eut fallu que le gouvernement tout entier présente des listes. Ainsi le vote de l'électeur aurait signifié s'il était pour ou contre la politique gou vernementale. Il est odieux de voir les po liticiens manœuvrer, et attribuer, chacun son parti, les mérites du programme van Zeeland. Aussi ce savant dosage n'inté- resse-t-il pas l'électeur. Les élections revêtent l'allure d'un plé biscite, si nous posons le problème sous son véritable aspect faut-il, oui ou non, changer de régime Cette question n'a rien de tragique. Quel est le régime éternel Un régime corres pond son temps, aux nécessités politi ques, écononrques et sociales de son épo que. Les cas sent bien rares dans l'histoire où on soit parvenu réformer un régime. Et les régimes réformés furent toujours de courte durée. Ils ne se réforment pas, ils se succèdent, parce que la réforme ne se fait pas par un texte de loi, mais par un .changement de mentalité. Croyez-vous possible d'obtenir ce change ment de mentalité du personnel politique de nos trois grands partis traditionnels Peut-être de certains dirigeants, et encore Mais certainement pas des comitards et des sous-comitards, de ceux pour qui le parti politique est une vache lait. Rappelons que c'est Dinant que Ch. Albert d'Aspremont comparait le régime un vieux taxi qui était passé par les mains d'un tel nombre de chauffeurs, qu'il était complètement usé et bon jeter la vieille ferraille. Il faut une autre voiture et cette machine neuve nous ne l'aurons pas tant que subsistera ce que le Comte de Broque- ville a défini la zone intermédiaire entre le pouvoir et le peuple, qui est occupée par des puissances occultes obéissant des inté rêts médiocres et qui entretiennent des que relles mesquines et stériles, auxquelles le pays ne comprend rien et dont il ne veut plus. Cette zone des comitards et de la presse de parti doit être nettoyée, purgée de tous les égoïstes profiteurs de l'électoralisme. Tant qu'une équipe nouvelle ne se sera pas emparée de l'opinion publique pour sup planter les comitards, il n'est pas de ré forme possible. Il n'y aura pas de réforme tant que subsisteront dans leurs forces res pectives les trois grands partis tradition nels Comment voulez-vos obtenir une réfor me de l'Etat au moyen du parti socialiste, qui est avant tout le parti de la lutte des classes donc le parti d'une catégorie de citoyens dressée contre les autres catégories pour leur imposer la dictature du prolé tariat Les socialistes sont ennemis de toute dictature, sauf de la leur Qu'ils ne viennent pas faire patte de velours. Qu'ils cessent de rouler le corps électoral Qu'est- ce qu'une réforme socialiste Du libéralis me ou du communisme Est-ce une ré forme modérée, bourgeoise Qu'ils le di sent et n'excitent plus inutilement la masse. Est-ce une réforme moscoutaire Qu'ils le déclarent et ne flattent plus les classes moyennes et la bourgeoisie. Il n'y a pas de réforme de l'Etat par le socialisme, parce que le socialisme est pé rimé. Comme l'a dit de Man, nous som mes au delà du marxisme et tour le plan économique et social d'Henri de Man a échoué, parce qu'il a lié la destinée de son plan l'existence du parti socialiste. Dans l'Europe actuelle toute œuvre entamée sous les plis du drapeau socialiste est une œuvre morte, moins qu'elle ne passe au communisme. Mais alors autant le déclarer dès le début, ne pas tromper les masses, ne pas berner les ouvriers. Les élections françaises le prouvent il n'y a plus place que pour l'extrémisme de- gauche. Le parti socialiste traditionnel de Belgi que est une assiette au beurre autour de laquelle se pourléchent de nombreux comi tards. Ce ne sera certainement pas l'auteur de la réforme de l'Etat. C'est l'histoire, ou même l'archéolo gie qu'appartient le parti libéral. Il me fait songer ce joli petit traité de la T. S. F., qui nous servait construire nous-mêmes nos postes il y a 15 ans. Comme il nous fut précieux, et comme, actuellement il nous parait inutile, vain et même naïf. Ainsi en est-il du formularie libéral c'est le libéralisme économique c'est l'in dividualisme social, qui fut la base des pires injustices c'est l'anticléricalisme sous son aspect le plus bête et le plus rétrogra de ce sont toutes ces vieilles théories économiques qui furent appliquées mais qui sont devenues inappliquables. Le libéralisme a eu son temps. Il est dé passé par les événements. Pourquoi vouloir obstinément s'en prévaloir en défendant des doctrines anti-libérales, telles que le soli- darisme ou le corporatisme, si ce n'est pour défendre les positions de certains comi tards. Le libéralisme ne peut que disparaî tre. Il est impuissant se réformer, et par conséquent faire triompher les principes qui devraient réformer l'Etat. S'il fallait définir le parti catholique dans ces dernières années nous ne pourrions mieux trouver que cette définition cruelle pour ses chefs le parti des occasions man- quées. Les socialistes et les libéraux ont des excuses de doctrine les catholiques n'ont pas ces excuses. S'ils n'ont pas ac compli l'effort nécessaire pour arriver rapi dement une réforme de l'Etat, que depuis dix ans ils estimaient urgente, c'est parce que l'étiquette catholique camouflait une désorganisation interne, et même des luttes âpres et hargneuses, qui paralysaient toute action et rendaient impossible la sérénité d'esprit indispensable pour envisager la ré forme de l'Etat. D'ailleurs il eut fallu d'abord obtenir la réforme du parti. Nous avons connu un temps où il y avait plus de haine entre ca tholiques, qu'il n'en existait entre conserva teurs et libéraux, ou entre démocrates et socialistes. Le parti catholique n'a eu, de puis la guerre, de l'unité que dans la dé fense. Il a été incapable de construire ou même simplement d'avoir une conception constructive. Le parti catholique a été vidé de tout dynamisme. Il a subsisté grâce l'étiquette idéologique de son nom de catholique. Mais ayant travaillé avec acharnement la ré forme du parti, son unité, et la défense de l'idéal catholique, je dois la vérité de déclarer que le parti catholique est incapa ble de trouver en lui-même la force d'opé rer un redressement complet. Cette faiblesse du parti catholique d'a près guerre provient avant tout de ce que son action est dirigée par ses adversaires. Le parti catholique a été créé au milieu du siècle dernier pour répondre aux menaces anticléricales du parti libéral. Le parti dé mocrate chrétien est né de la lutte contre le socialisme. Jamais nous ne trouvons la base de l'action du parti une volonté con structive, une puissante idéologie créatrice. Il se défend en s'efforçant de mécontenter le moins possible ses adversaires. Il n'a pas d'idéal de conquête il veille étonner le monde par sa modération N'ayant pas d'enthousiasme, il n'a pas d'audace. Etant toujours sur la défensive, il n'entraîne pas les hommes il n'a pas d'apôtres il se contente d'avoir des cadres médiocres et anonymes. Il subit dans toutes ses actions une mentalité de vaincu. Le parti catholique qui a été un parti de progrès en est resté l'esprit du dix-neu vième siècle. Cet esprit ne peut changer cause du réseau inextricable de sa comitar- dite médiocre. Gouverner, pour le parti ca tholique, c'est veiller ne pas périr. Cette mentalité de vaincus et de rési gnés n'est plus celle de l'après-guerre. Pour tous les politiciens la parole de Ch. Woeste reste vraie La guerre n'a été qu une pa renthèse Mais pour le pays réel cette affir mation d'un pareil homme d'Etat est la preuve irréfutable de la rupture entre le pays légal et le pays réel. Les hommes formés par la guerre et l'après-guerre ne pensent plus avec la men talité libérale et bourgeoise d'avant 1914. Les uns par l'épreuve du feu ,et les autres par l'exemple de leurs aînés, ont appris l'utilité, la nécessité du chef. Ils ont com pris l'impérieuse obligation de l'autorité dans la société, de l'organisation et de la discipline dans la vie sociale. Ils préten dent que les chefs doivent savoir prendre leurs responsabilités. Ils détestent l'hypo crisie des étiquettes et l'anonymat des par tis. Ils ne peuvent tolérer qu'on utilise le pays maintenir en place quelques petites côteries, et que les politiciens entretien nent la lutte entre les citoyens au moyen de préjugés ou de destructions subtiles dont la vie réelle de la société n'a que faire. Ils veu lent un retour la vérité de cette vie en société. Nous avons donc d'une part les partis politiques qui forment le pays légal et pour qui la vraie formule politique se traduit par ces mots gouverner c'est durer D'autre part nous nous trouvons devant un pays qui se moque de ces étiquettes et de ces querelles, et demande de l'action et de la collaboration entre tous les citoyens. C'est sous cet aspect que se présentent les élections. Faut-il donner une nouvelle fois carte blanche aux trois grands partis traditionnels. Ou bien la volonté populaire va-t-elle frapper un bon coup sur la table, et prouver qu'elle en a assez de cette comé die des principes, doublée, nous le verrons la semaine prochaine, par la comédie des hommes.

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