Lettre de France
Léon Grillet
VAMDERMARLICRE-
Vbbes DEPUyDT
Ah
LA CIGOGNE
Que nous
apporte-t-elle?
Ameublement
De OOIEVAAR
Rue de la Cigogne W ERVlCQ
LE SUD, dimanche 13 septem 1936
LE SU
ABONNEMENT
LE PROGRAMME DE PAIX
DE M. LEON BLUM.
Si l'on fait le bilan de la situation en
France, immédiatement après la sépa
ration des Chambres, en faisant abstrac
tion de tout esprit de critique, on doit
constater que le gouvernement fran
çais a réalisé en deux mois, un ensemble
de réformes dont l'audace et la rapidité
n'ont pas de précédent. Citons parmi les
réalisations les plus en vues la se
maine de 40 heures, le contrat collectif
de travail, les congés payés, la création
d'un Office national du blé, la réforme
de la Banque de France et la nationa
lisation et le contrôle des industries de
guerre.
Il ne faut pas réfléchir longtemps
pour se rendre compte de la fragilité
de ces réformes, qui, en général, tour
nent au désavantage du nouveau gou
vernement. Tout d'abord, malgré le
contrat collectif et la semaine de 40
heures, l'agitation ouvrière ne décroit
pas. Les grèves éclatent pour un oui
ou un non. D'autre part on sait les vi
ves protestations soulevées, tant dans
les stations touristiques françaises que
dans les villes de l'étranger, par Ja pré
sence des congés payés se condui
sant comme des goujats. Enfin, la ré
forme de la Banque de France, qui de
vait améliorer une situation monétaire
délicate ne semble pas avoir atteint son
but. D'une part, le Ministère des finan
ces doit user de menaces pour faire
rentrer les avoirs français l'étranger,
et, d'autre part, il ne semble pas que
l'emprunt sur lequel on comptait ait
donné les résultats espérés. Enfin, mal
gré que l'on ait muselé la propagande
des marchands de canons on parle
d'une prolongation éventuelle de la du
rée du service militaire.
Comme situation intérieure, on recon
naîtra qu'il peut être difficilement ques
tion d'un succès éclatant.
A l'extérieur, M. Blum et Y von Del-
bos ont prononcé Genève des dis
cours 11 fallait s'y attendre. La France
a déposé un plan de renforcement du
Pacte de la S. D. N. Impartialement,
on doit constater qu'il n'en est pas
beaucoup question, et l'on consacre une
bien plus grande attention la moin
dre parole de Mussolini ou d'Hitler. La
France, d'autre part a encore pris l'ini
tiative de rapporter les mesures dont le
maintien risquait, après la levée des
sanctions, de rejeter 1 Italie hors de la
collaboration internationale. Mais la
France n'a pas été capable de monyer
cet acte, et peine, avait-elle dénoncé
les accords, que l'entente italo-germa-
.nique, non avouée, était conclue. En
fin, c'est la France qui a proposé, né
gocié et conclu l'heureux arrangement
qui met l'Europe l'abri des compli
cations dans lesquelles la guerre civile
espagnole risquait de l'entraîner. Bien
que ce projet de non intervention ne
soit pas observé dans la pratique, il
faut tout de même avouer que l'on se
trouve au point de vue théorique, en
présence d'un acte heureux.
Malheureusement, presque au mo
ment même où les chancelleries discu
taient le projet français, les journaux
de droite, en France, dénonçaient tous
les jours qu'en pratique, la France
n'était pas fidèle la parole donnée. Le
voyage fait par Jouhaux en Espagne,
les fréquentes arrivées d'avions chargés
d'or, des déclarations belliqueuses au
rassemblement de Saint-Cloud, tout
cela justifiait les réserves émises l'ac
cord par les puissances étrangères, peu
soucieuses, pour leur prestige, d'être
victimes d'un marché de dupes. D'ail
leurs, les Puissances savaient fort bien
que la France n'observerait pas sa pa
role et c'est pourquoi, malgré une ap
probation officielle, elles observaient la
même attitude que la France, en four
nissant armes et avions aux troupes du
général Franco. Toutefois, au point de
vue extérieur l'on avait sauvé la face.
Pendant ce temps, les rapports des
ambassadeurs de France annonçaient,
impartialement au Quai d'Orsay la pé
nible impression causée b étranger par
la politique du nouveau gouvernement
français. La défection des alliés com
mençait. En Belgique la propagande
pour la neutralité volontaire et incon
ditionnelle remportait de plus en plus
d'auditeurs favorables. En Roumanie,
M. Titulesco, dont on conait l'influence
au Quai d'Orsay, était obligé de céder
la place M. Antonesco, qui, sans être
hostile la France ne peut cependnat
être qualifié de francophile acharné.
L'Allemagne, brutalement, rétablissait
le service des deux ans, dans les trois
armes. La Russie, laquelle la France a
tout sacrifié, semblait tout coup moins
sûre qu'on ne le croyait généralement.
Enfin, en Angleterre et en Italie, on
ne cachait pas que le nouveau gouver
nement français, par son attitude équi
voque, causait de très grandes inquié
tudes.
On n'étonnera personne en disant
que le Quai d'Orsay fut quelque peu
inquiet de la tournure des événements.
Aussi, par les manifestations franco-
polonaises, on a taché de redonner un
peu d'éclat la politique extérieure
française, mais, quoiqu'on en dise, il
semble bien que le tout se soit borné
de grands spectacles militaires. Jus
qu'à présent, en tout cas, il n'y a pas
encore eu de franche déclaration ce
sujet.
La politique extérieure française va-
t-elle se ressaisir C'est peu probable
açtuellement. Comme le fait un enfant
boudeur, qui casse le jouet qui 1 a
blessé, le Quai d'Orsay veut faire re
tomber sur les autres le poids de ses
erreurs. Le bruit d'un remplacement
éventuel de M. Laroche, ambassadeur
de France Bruxelles, se fait de plus
en plus persistant. D'autre part, un
grand mouvement diplomatique se pré
pare, sous le prétexte de mise la re
traite, et M. de Chambrun, ambassa
deur de France Rome en sera la pre
mière victime. Pourtant, il a, fait preuve,
ce poste, de remarquables qualités.
D'autres suivront sans doute. Et lors
qu'on aura convenablement désorga
nisé le cadre diplomatique, on s'éton
nera du peu de succès rencontré par
la politique française l'étranger.
Il faut voir les choses comme elles
sont et non comme on voudrait qu'elles
soient. Dans ces conditions, on peut
dire que tant que le gouvernement du
Front Populaire sera au pouvoir Pa
ris, il n'y aura pas de redressement pos
sible de la politique française. Espé
rons, pour la France que la scission qui
se manifeste de plus en plus entre so
cialistes et communistes rende bientôt
l'Europe l'immense service d'un gou
vernement français s'appuyant sur les
forces saines de la nation. F. L.
Agent de change correspondant
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