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Léopold II, ce géant
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10
LE SUD, dimanche 25 octobre. 1936
PASCAL
Fernand Desonay, publie aux Editions
Catterman, un ouvrage destiné la jeunesse
et qui vient très heureusement enricher la
collection, où ont paru La Légende du
Roi Albert de Paul Werrie, et Astrid,
la Reine au Sourire-», de Jeanne Cappe.
En voici un excellent extrait
Les couloirs du Parlement, le 28
avril 1885.
Deux député» se hâtent vers la sor
tie. Ils gesticulent véhémentement. Ils
sont très rouges. L'huissier chaîne,
dans le geste qu'il fait pour tenir
ouverte la porte, happe des mots, au
vol.
...Un scandale, mon cher
...Rien que des déserts, de la
brousse
Vertige du pouvoir personnel
...Moi, je soutiens, mon cher,
mordicus.
Dans son Palais de Laeken le Roi
attendait, sans beaucoup d'illusions, le
vo>e de la Chambre. Ainsi donc, au
moment qu'après neuf années de lut
tes, d'insomnies, il touche au port, au
moment même que le Congo va n°îtrj,
Etat indépendant, Etat neutre, gardien
du fleuve, quand les Bismarck, les F-r-
ry, l'Angleterre victorienne ont bien
dû se plier sa géniale manoeuvre,
il reste vaincre, pour Léopold II,
la bataille contre son pays Contre
son pays qui ne veut point du cadeau
royal. Et nos deux députés bien pen
sants risquent l'apoplexie l'idée que
Léopold II, sur l'avers des monnaies
d'argent, pourrait joindre son titre
de Roi des Belges celui de Souverain
de l'Etat Indépendant du Congo.
En vérité, dans ce Parlement qui
manque d'air, tant de Fées Carabosses
se penchent, avec des imprécations et
des horoscopes funestes, sur le berceau
du jeune Etat d'Afrique. Et nulle ne
se félidite, ne le félicite. Et nulle ne
l'accueille avec joie. Chacune le subit,
parce que des intérêts sordides, des
jalousies de nains s'accordent pro
visoirement avec les desseins d'un
géant.
On remet Léopold II le texte de
la résolution votée par la Chambre.
La canne du Roi martèle le plancher,
sourdement. Les représentants de la na
tion n'ont-ils pas, stupides et veules,
coupé de la Belgique le Congo, dé
cidé que les deux Etats seront ab-so-
lu-ment séparés
Le Roi a tôt fait de juger la situa
tion. Il sait que la passivité est, pour
un lutteur de satrempe, le pire ob
stacle. Autre Boula Matari Celui-
qui-brise-les-rocs, lui qui a roulé Ferry,
capté Bismarck, fait les Anglais qui-
naud, vaincu le monde, il se rend
compte, la fois, de sa propre volonté
de puissance et de la force d'inertie
qui détourne la Belgique du continent
noir.
Bah l'opinion publique flux et
reflux ajoute, comme pour lui-même,
le Titan obstiné Elle ne tire sa force
que de son écume...
Il sait bien, le Roi, que sa force
lui, elle est là, jeune et vierge, der
rière l'horizon, dans les mines de ra
dium et les mines d'or et les mines
de cuivre, dans l'ivoire des éléphants,
le café, le coton, le copal, la gomme...
Il sait qu'elle est dans ces millions de
noirs arrachés Séfu, guéris des fiè
vres, consolés par la Foi. Et ses bras
s'ouvrent, ses bras de géant, dans un
geste qui est, bien plus qu'un aveu
de lassitude, un geste d'accueil.
Léopold II n'aurait pas su reprendre
le mot de Bossuet il se sentait
l'étroit dans son domestique.
Le Roi se faisait pauvre.
Si pauvre que, pour garder le Congo,
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il -était obligé de supprimer des plats.
Capitaine, disait-il Coquilhat.
un des pionniers de l'aventure d'Afri
que, ne vous étonnez pais, de la fru
galité du déjeuner....
Pendant ce temps-la, dans les res
taurants de sbonne ville, des dî
neurs congestionnés, serviette au cou,
le menton tout luisant de sauce, dé
nonçaient, grands gestes de four
chette, la cupidité du Prince f
Restreindre les menus ne suffit pas
il fallut, bientôt, s'endetter.
Léopold II, cinq ans après la Con
férence de Berlin, a déjà englouti près
de 20 millions Tonneau des Danaï-
des. Tonneau sans fond.
Le Roi souffre dans son orgueil.
Dans sa chair même. Sa santé s'abère.
La Reine en conçoit du souci. Sous les
yeux, moins pétillants, des poches se
sont creusées. La barbe, étalée sur la
po'trine, a blanchi. Le boitement s'ac-
cuve.
Que fait le Roi Son testament.
Et ce testament lègue, dès 1889, le
Congo la Belgique Voulant assu
rer Notre patrie bien-aimée.
A Notre patrie bien-ain ée C'est-
à-dire la Belgique, oublieuse et qui,
jusqu'à cette date du moins, n'avait,
ni soutenu, ni approuvé l'effort royal,
A la Belgique mal informée, dont les
députés avaient tout juste accepté du
bout des doigts, comme on accepte l'of
frande du paria, m fleuron de plus
la Couronne A la Belgique pros
père et dont l'insolente richessi outra
geait, en cette année-là, Dieu sait queiie
pauvreté solitaire ec muette
Léopold II, homme d'argent !':n-
su'te est far trop gratuite! Certes, il
avait goût du risque, des e Vreprises
litaniques et des revenus fastueux. Non
seulement au Congo, mais en Chine,
le Roi faisait ce 'je de méch iitcs ga
zettes appelaient des placea-en"s
Four qui Pou- le pays. Pour cha
cun des Belges.
Voulant assurer Notre patrie
bien-aimée les fruits de l'œuvre que,
depuis de longues années, Nous pour
suivons dans le continent africain...
Convaincu de contribuer ainsi
assurer la Belgique, si elle le veut,
les débouchés indispensables son com
merce et son industrie et d'ouvrir
l'activité de ses enfants des voies
nouvelles.
Déclarons léguer et transmettre
la Belgique tous Nos droits souve
rains...
Langage royal
Avec les années, avec les perspec
tives du placement-qui-rapporte les
Belges viendront apporter leur or aux
entreprises coloniales.
Le caoutchouc monte, raillait,
amer, Léopold II comme on va m'ai-
mer
Mais que de rocs faire sauter en
core Quelle crise, lorsque le Souve
rain, roi personnel et omnipotent de
tout ce territoire congolais, est obligé
de soutenir tout le poids d'une inven
tion qui risque d'écraser l'inventeur
Oui, les stations se sont multipliées
Des villages, bientôt des villes, en bor
dure de la forêt éventrée, groupent les
colons blanc. Vingt-sept steamers sur
les eaux du Pool. La route des cata
ractes est devenue une voie banale...
Mais les ressources du Prince sont en
gagées jusqu'au dernier centime. Il a
fallu signer des billets. Les banquiers
se font pressants...
...Plus tard seulement, le Congo de
viendra colonie belge. Il aura fallu pres
que un quart de siècle pour que le dra
peau tricolore flottât, côté du pa
villon étoilé, sur tous les mâts de tous
les postes. Jusqu'au bout, le Parlement
aura poursuivi Léopold II de ses mes
quineries, de ses soupçons. A entendre
les députés, la Belgique acceptait bien
les bénéfices du cobalt, du coton, de
l'ivoire elle refusait de se charger du
moindre risque. II y eut des querelles
de francs et de centimes. Plus insul
tants que des soufflets, des chiffres
furent jetés la tête du vieux Roi.
Dans un dernier testament, qulil rédi
geait deux ans avant sa mort. Léo
pold II, l'homme d'argent -pouvait
se rendre ce témoignage qu'en: dehors
de la fortune personnelle, héritée de
ses parents, il ne possédait; rien pas
un maravédis.
...Plus tard encore, beaucoup plus
tard, après la guerre, il y aura, autour
des richesses congolaises, ur»e folie mê
lée d'usuriers en délire. iL.e» chercheurs
d'or du Klondyke ou du TransvaaL
quand un gisement nouveau vient d'être
découvert, se assemblent en foule, de
cent lieues la rondé Une corde les
maintient alignés. Pareils aux chevaux
de course derrière Les rubans, ils atten
dent, piaffant de désir. Un coup de
revolver. La corde s'abat... Et c'est,
vers les placers, l'innommable ruée I
Ainsi, les Belges de 1928 voulaient
des mines de euivre, des champs de
caféiers, des factoreries. Ils se dispu
taient, sur 1 escalier de la Bourse, ees
vignettes de couleur qu'on appelle des
actions. Le Congo était bien l'Eldorado
promis leur rêve brutal.
Telle la boule de celluloïd sur la
gerbe d'eau, les coloniales com
me disait l'agent de change ont
monté, monté... Puis, elles sont retom
bées. Le jet d'eau n'avait plus sa
force vive. Les vignettes ont perdu la
moitié, les trois quarts, les neuf di
xièmes de leur valeur. Alors, des mal
veillants ont accusé la mémoire du Roi.
défunt
Car il serait dit que Léopold II, mort
pauvre, serait poursuivi jusqu'au delà
du tombeau par les insultes de ceux
qui mettent leur cœur dans les riches
ses et un coffre-fort dans leur cœur.
ETAT-CIVIL
Naissances
Thennon Gérarda, Ch. de Ten Brie-
len, 31Cael Irène, Ch. de Ten
Brielen, 10.
Décès
Berqué Gustave, 70 ans, Rue de la
Station, 24. Bostyn René, 48 ans.
Rue des Epingles, 75. Devos Jeanne,
17 ans, Rue de la Procession, 123.
Publications de mariages
Marcel Vandamme, tisserand et Ber-
tha Koopman, empaqueteuse, tous deux
Wervicq. Georges Vandevelde,
boucher Ledeghem et Adrienne Van-
tomme, servante Wervicq.
Mariages
Marcel Durnez, déchargeur et Ca
rotte Julia, ouvr. d usine, tous deux
Wervicq. Henri Vandoolaeghe,
cultivateur Gheluwe et âamain Jela,
cultivatrice Wervicq
AU DAVIDSFONDS
La prochaine réunion du Cercle
d études aura lieu JEUDI prochain 29
octobre, au Café du local St-Paul
Rue des Pigeons.
Le président du Cercle d'études,
M. le Dr. D'HOORE y prendra la pa
role.
SUJET
DIEU EXL5TE-T-IL
Nous espérons que l'affluence des
cerclistes sera au moins aussi nom
breuse qu'à la conférence donnée par le
R. M. SPRUYTTE, ancien ivicaire de
Wervicq.
