Réglementation du commerce de détail
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LA PROFESSION, mercredi 27-7-'38
RAPPORT DU PROJET DE LOI
Le problème du commerce de détail
se pose, chez nous, comme dans la plu
part des pays.
Une Commission du commerce de dé
tail a été créée, le 8 septembre 1936, par
le Gouvernement elle est composée de
représentants du commerce de détail et
des grands magasins, ainsi que d'éco
nomistes spécialisés en la matière.
Le 28 octobre 1936, M. Collin a été
nommé Commissaire royal aux Classes
moyennes, artisanales et commerçantes.
Son rapport a été déposé le 15 janvier
1937.
Le 27 octobre 1936, le Gouvernement
déposa un projet de loi interdisant
l'ouverture ou l'agrandissement de cer
tains établissements de vente en détail
Ce projet est devenu la loi du 13 jan
vier 1937, dénommée la loi de cade
nas Celle-ci a fait l'objet de trois pro
rogations une première, jusqu'au 1er
juin 1937 une seconde, jusqu'au 1er
avril 1938, et la dernière jusqu'au 31 dé
cembre 1938.
Le 18 mai 1937, le Gouvernement dé
posa le projet portant réglementation de
détail.
Ce projet visait une loi caractère
durable, appelée remplacer la loi de
cadenas. Il devait, conformément au
vœu de la Commission et aux intentions
du Gouvernement, avoir un caractère
plus général que la loi de cadenas.
La Commission des Affaires Econo
miques a consacré plusieurs séances
l'examen du projet du 18 mai 1937. Ses
travaux ont été interrompus, différen
tes reprises, principalement cause de
la crise et de l'insécurité gouvernemen
tales.
Le projet du Gouvernement a été pro
modifié profondément par la Commis
sion dans des parties essentielles. Le
présent rapport est consacré au projet
ainsi remanié.
Le projet présente quatre grandes
subdivisions
1 la réglementation de l'exercice de
la profession de détaillant
2) les mesures d'arrêt la création et
l'agrandissement de grands magasins
3) l'inscription obligatoire au registre
de commerce
4) les mesures contre la concurrence
déloyale
LEGISLATION ETRANGERE
Avant de passer l'examen du projet,
nous tenons fournir aux membres de
la Chambre un aperçu de la législation
sur la matière, en vigueur dans d'autres
pays, pour autant que nous avons pu
nous procurer ces renseignements
France. La loi du 22 mars 1936 a
interdit, pour la durée d'un an, l'ouver
ture ou l'agrandissement de magasins
prix unique.
Tchécoslovaquie. L'ouverture et
l'agrandissement de grands magasins, la
vente de certaines marchandises, la
création de restaurants et de débits de
boissons ont été réglés par la loi du 22
décembre 1933 ainsi que par les décrets
suivants. Par la loi du 21 décembre
1935. une taxe de 5 p.c. fut établie sur
le chiffre d'affaires des grands maga
sins, soit 2 p.c. de plus que pour les
autres établissements de vente en détail.
Angleterre. Une proposition, dé
posée le 17 décembre 1936 la Cham
bre des Communes, tendait soumettre
une licence l'ouverture de magasins
succursales multiples. La Chambre des
Communes ne s'est pas ralliée cette
prooosîtion.
Suède. Une Commission extra-
parlementaire chargée par le Riksdag de
l'étude de la question, a conclu que la
nécessité d'une nouveîte législation ne se
faisait pas sentir.
Etats-Unis d'Amérique du Nord.
Par des mesures législatives spéciales,
certains Etats ont frappé de taxes ex
ceptionnelles les grands magasins. La
Fédéré Trade Commission chargée
en 1938 de l'examen du problème, a con
clu, en 1934, que l'extension de cette
taxation par voie de mesure législative
générale ne se révélait pas nécessaire.
Allemagne. Un décret du 9 mars
1932 a défendu l'ouverture de maga
sins prix uniques, jusqu'en avril 1934,
dans les localités de plus de 10.000 ha
bitants.
Le décret de 1932 a été prorogé pour
une durée indéterminée par un décret
du 12 mai 1933.
Une loi du 15 juillet autorise les auto
rités fédérales de retirer la licence pour
la vente de boissons, produits alimen
taires. etc..., dans les grands magasins.
Autriche. Par décret du 12 mars
1933, il fut défendu de mettre en verte
des produits dans des maagsins piix
unique. Le décret fut prorogé jusqu'au
13 décembre 1937.
Grand-Duché de Luxembourg. Par
décret du 21 septembre 1932, l'ouver
ture d'un commerce de détail ou l'éta
blissement en qualité d'artisan fut sou
mis une autorisation gouvernementale
donner par une commission d'experts
mandatée cette fin. Par décret du 14
août 1934, plusieurs activités furent en
globées dans la loi et il fut stipulé que,
sauf nouvelle disposition, il ne pouvait
y avoir lieu ouverture de succursales,
magasins prix unique et coopératives.
Suisse. La loi fédérale du 14 oc
tobre 1933 défend l'ouverture et l'exten
sion de grands magasins, de magasins
prix unique et avec succursales. Ou
verture et extensions peuvent être auto
risées (décret du 27 septembre 1935)
lorsque le besoin en est prouvé et que
d'importants intérêts économiques n'y
font opposition.
Italie. La loi du 28 décembre 1927
sur la réglementation du commerce en
public, stipule que l'exercice d'un com
merce est soumis une autorisation
préalable conférer par une commission
communale. Cette commission est con-
stitueé par le Podestat, de deux repré
sentants des commerçants délégués par
leurs syndicats et deux représentants
des syndicats des travailleurs manuels et
intellectuels.
L'autorisation peut être refusée quand
la commission juge que les exploitations
commerciales existantes de même nature
suffisent aux besoins de la commune.
On peut interjeter appel contre la dé
cision de la commission auprès d'un
conseil administratif provincial dont la
décision est sans appel.
En outre, le commerçant doit fournir
une caution de 500 5.000 lires.
Les communes sont autorisées, suite
un accord préalable avec les conseils
économiques provinciaux et avec les or
ganisations syndicales intéressées, fi
xer les prix de détail des principales
denrées alimentaires.
Les commerçants doivent afficher les
prix de vente de leurs produits.
L'autorisation peut être retirée et la
caution peut être confisouée, s'il y a
infraction la loi ou condamnation du
chef de dol.
Pavs-Bas. La loi du 13 mars 1937.
nommée Vestioingwet-kleinbedriif
soumet la constitution d'une exploitation
un minimum de conditions de solva
bilité et de capacité commerciale r
dustrielle C'est le oouvernement qui
pose cps conditions, sur avis des classes
moyennes. Les chambres de commerce
sont charoées de l'application de la loi.
La loi néerlandaise d'établissement ne
concerne pas seulement les Petits com
merçants mais aussi les artisans. Elle
ne distingue pas entre les exploitations
ordinaires de vente en détail et les
grands magasins.
Elle ne s'applique que dans les com
munes spécifiées par le gouvernement.
On peut interjeter appel contre la dé
cision des chambres de commerce au
près du Ministre.
Seules les associations professionnel
les personnalité juridique peuvent faire
opposition l'établissement.
LES PROBLEMES POSES LORS
DE L'EXAMEN DE CE PROJET.
L'examen a donné lieu, au cours des
nombreuses réunions de la commission,
un échange de vues fertile au sujet du
problème du commerce en détail.
Nous compilerons ici les remarques
et les compléterons, s'il y a lieu, par
quelques données.
Au moment où nous rédigeons ce
rapport, nous ne sommes pas encore
en possession des statistiques désirées
sur la situation du commerce de détail
dans notre pays. Il nous faudra donc
en prendre notre parti.
Le Service des Métiers et Négoces du
Ministère des Affaires économiques,
ainsi que les chambres provinciales des
Métiers et Négoces n'ont pas de do
cumentation jour ce sujet. Ils se
plaignent de n'avoir pu disposer des
moyens matériels nécessaires.
LA CRISE DANS LE COMMERCE
DE DETAIL.
Tout le monde doit admettre, que les
détaillants se plaignent amèrement, et
qu'ils se disent la merci d'une con-r
currence inhumaine.
Cet état d'esprit pose des problèmes
sociaux et politiques graves. Ce fait
seul justifie l'attention que le législateur
porte cette classe de la population.
Certains milieux préconisent que les
détaillants ont s'armer eux-mêmes
plus efficacement dans cette lutte contre
la concurrence et que les pouvoirs pu
blics ne peuvent jouer qu'un rôle d'ad
juvant
On préconise également l'organisa
tion forcée comme seul remède effi
cace
Les détaillants eux-mêmes ne voient
leur salut, semble-t-il, que dans des me
sures d'arrêt et de prohibition de leurs
concurrents.
Ce projet veut donner certaines satis
factions aux détaillants, tout en cher
chant assainir cette branche de l'ac
tivité commerciale.
PLETHORE DE MAGASINS
DE DETAIL.
D'après certaines statistiques, il y
aurait dans les divers pays une mai
son de commerce de détail pour un nom
bre d'habitants donné, tel qu'il est indi
qué au tableau ci-dessous
France169
Suède119
Etats-Unis95
Suisse89
Pays-Bas83
Allemagne80
Italie89
Angleterre70
Autriche61
Belgique37
(Ces chiffres sont extraits d'une en
quête faite par le Bureau International
de la distribution des richesses les
chiffres des Etats-Unis, du Census of
Distribution of 1930 ceux de la Bel
gique, du Recensement du commerce
et de l'industrie de 1930»),
Notre pays se trouverait donc la
tête du mouvement pléthorinue dans le
domaine du commerce de détail.
On nrétend que le nombre des dé
taillants a augmenté de 40 p. c. dans
les 10 dernières années, et que nous
en avons pour le moment 25 p. c. de
trop.
Admettons donc, ce qui d'ailleurs
n'est guère contesté, qu'ils soient effec
tivement chez nous en surnombre.
On peut différer d'opinion sur le
point de savoir si c'est un bien ou un
mal pour le consommateur et si l'auto
rité doit intervenir et de quelle façon.
Nous donnons ici les points de vue
qui s'affrontent pléthore de détail
lants, ce qu'on prétend, veut dire
grand choix et bon service pour le con
sommateur la lutte pour la clientèle
force le commerçant être prévenant
avec le public, rechercher ses préfé
rences et y satisfaire séduire tant
par le prix que par la qualité.
La dure loi de la vie éliminera de la
concurrence le plus faible, et ceux qui
resteront seront les mieux armés pour
faire jouer au commerce de. détail son
rôle économique avec le maximum d'ef
ficacité.
On rétorque que c'est là une illusion
et que dans la réallité les résultats sont
tout autres.
Puisque chacun peut devenir si facile
ment détaillant, et que beaucoup sont
portés par le chômage courir leur
chance dans le commerce de détail, il
s'en suit que des débutants, qui ne con
naissent rien au métier, ne cessent d'af
fluer et de faire ûn commerce qui n'a
rien de normal. Beaucoup ne connais
sent pas l'article, ne sont pas même de
chiffrer leurs frais, font des prix non-
rémunérateurs, vendent une marchan
dise qui ne convient pas, perdent leur
capital investi et ne tardent disparaî
tre.
Ce faisant les besoins engendrés par
cette concurrence ont poussé les com
merçants exercés, par mesure de légi
time défense, des prix impossibles et
des pratioues commerciales malsaines.
Si cet afflux de détaillants inexpéri
mentés et téméraires continue, il est im
possible d'assainir la profession.
Un débit trop restreint amène le com
merçant prendre un bénéfice plus éle
vé en vue de faire face aux frais géné
raux qui sont proportionnellement trop
considérables et en vue de s'assurer un
revenu convenable. Très souvent de
nombreux détaillants s'entendent pour
mettre leurs prix au même niveau ou
pour les surélever.
Nous pouvons en conclure que les
détaillants sont onnosés l'encombre
ment de la profession que les consom
mateurs n'ont pas toujours intérêt
cette situation.
La projet tend freiner l'afflux de
débutants.
C'est cet encombrement oui a Pr0'
votif* la tentative rie soumettre l'exer
cice du commerce de détail certaine®
mesures restrictives et d'introduire, en
ce domaine aussi, le continqentement.
Mais en présence de cette tentative,
il v a lieu de se demander ce ou'il fa"j
entendre par pléthore nuand v a-f^1'
assez, trop ou trop peu de magasins
Oui est-ce oui accordera ou refusera
l'autorisation 7
La notion de nécessité dans le eom'
mer ce de détail n'est pas facile dp
nir.
Celui oui déli'wre l'autorisation ne v
vr-> nas Perdre ffe vue nue le Heeré
nécessité oeut varier d'un four au
dans une local'té ou un quartier d f
miués
Il serait amené étab'ir l'nrn-uu'sn
commerciale de l'entreprise suivant
articles pratiqués
Il se verrait forcé peut-être de fj*^
des prix et des bénéfices maxima en v
ri" orctéqer le corso—"nateur.
fVoir suite page 5)