Politique constructive. Un abonnement gratuit A NAMUR 2 LA PROFESSION, mercredi 10-8-'3g Ce qui a de tous temps caractérisé les régimes politiques, c'est la distinc tion plus ou moins nette entre l'Etat et la Société. Une société ne peut exister sans Etat, puisque la Société est un ensemble de personnes qui vivent sous des lois communes. Pour que ces lois soient dictées et appliquées, il faut un Etat qui accomplisse cette double mis sion législative et exécutive. On peut concevoir un système politique dans le quel l'Etat et la SOCIETE restent dis tincts, se complètent, sans que, d'au cune manière, ils se confondent. D'au tre part, le rôle de l'Etat peut prendre un tel développement qu'il informe la Société. C'est l'Etat qui dans cette hypothèse, donne la Société son sens, son esprit, sa volonté. La Société alors n'agit plus comme telle, mais se plie aux directives données par l'Etat. Ab dication de la Société disent les uns, parce que la société n'a plus cette li berté qui est l'élément principal de son existence, liberté de choix et liberté d'autonomie, qui s'éclipsent au profit de la grandeur du travail. D'autres répli quent harmonie vivante entre la So ciété et l'Etat par la juxtaposition, la coïncidence, la superposition jusqu'à l'identité. La Société dans l'Etat inspi re l'Etat, et l'Etat ayant en lui la So ciété n'agit que pour elle. Il n'est pas inutile de faire le point et de déterminer où en est la Société belge par rapport l'Etat belge. Nous écartons de ce débat le grave problème de la recherche du critère d'une socié té race, peuple, nation ou communau té de vie. Nous partons d'un fait l'existence de l'Etat belge. D'où venons-nous De l'Etat-Gen darme. La mission que les théoriciens attribuent l'Etat au dix-neuvième siè cle est, théoriquement, de réprimer les abus de la liberté, mais, pratiquement, les gouvernements parlementaires cher chent maintenir un équilibre sortable entre ces abus. C'est l'état libéral, c'est l'Etat du Contrat Social. L'individu a tous les droits et essentiellement le droit toutes les initiatives. 11 se livre tou tes les expériences qui lui plaisent, et ce n'est que lorsqu'il dépasse avec trop de désinvolture les limites d'une certai ne bienséance, que l'Etat intervient. Tel est le point de départ. Le jeu naturel des forces libres. Mais on constate, l'usage, que la liBërté de l'individu ne trouve pas son frein en elle-même. En présence d'abus excessifs. l'Etat, dans le cours du dix- neuvième siècle, a été petit petit ame né multiplier ses interventions. Dans le domaine social il encourage tout d'a bord l'initiative privée en tant que celle ci veille remédier aux abus. Devant la carence évidente de cette initiative, l'Etat y supplée Sous la nression des mouvements sociaux idéologiques, il accroit cette intervention, il 1 étend. 11 prend goût cette ingérence dans la vie de la Société et, de redresseur de torts, il devient promoteur de réformes. Il avait fallu que la Société abuse de sa liberté, prouve son impuissance en user, pour que l'Etat intervienne et prenne insensiblement attitude positi ve, constructive. mais dans le seul do maine social. Cette évolution prit un demi siècle. Dans l'économique au contraire, la Société garda jusqu'à tout dernièrement le contrôle exclusif de son initiative. Le progrès dans la production, la désor ganisation dans la circulation des ri chesses, le détraquement du crédit en traînent des Sociétés demander 1 in tervention de l'Etat. Lea marchés se rétrécissent et les problèmes de la pro duction deviennent nationaux. Les so ciétés ne peuvent se défendre l'une con tre l'autre, que par l'intermédiaire de l'Etat, leur avocat, ejt.bientôt leur pro tecteur. La Société doit discipliner son travail, se suffire elle même, et elle demande l'Etat d'organiser la pro duction nationale. L'Etat ne se con tente plus de la police de la circulation des richesses. Il est promu conseil ju diciaire d'une Société incapable de se gérer elle-même. Dans le domaine social, l'Etat règle la vie de la Société. Dans le domaine économique, il en établit l'intensité. Et complétant cette prise en main de la direction de la Société, dans quelques pays l'Etat se confond avec la Société, et traduit politiquement cette identité. En Belgique, nous avons connu toute l'évolution sociale. Nous ne pouvons prévenir cette identification de l'Etat et de la Société, que si nous prenons âpre- ment pied d'œuvre la reconstruction de notre vie économique. Une organi sation de l'économie peut seule éviter une économie dirigée. Pour le moment, l'Etat se trouve devant la crise, sans plan d'ensemble et la Société sans vo lonté constructive. Chacun court au plus pressé, et l'action n'est qu'une dé fensive dirigée par les événements et exclusive de la défense d'intérêts parti culiers. fragmentaires. Remèdes pris au jour le jour, contradictoires souvent, et qui livrent l'économie du pays une tragique incertitude du lendemain. C'est de cette incertitude née du désordre qu'a surgie dans d'autres pays la for mule de la dictature. Si nous désirons l'éviter, il est grand temps d'avoir une volonté constructive, un plan. La po litique parlementaire est incapable de concevoir pareil plan. Ce plan ne peut être l'objet d'un compromis entre les partis politiques. Il doit être élaboré par un organisme ayant une autorité écono mique, si celui-ci n'a pas en quelque sorte une fin supérieure la restaura tion de l'économie. L'économie, qu'elle soit dirigée, conseillée, organisée ou planifiée, l'économie de la crise est une discipline et une Société n'admet une discipline que si celle-ci est animée par une idéologie. Que si la Société rejette cette discipline parce que l'idéologie n'est pas suffisante, ou a été trop fai blement mise en valeur, il ne reste plus que la force, c'est-à-dire la dictature. Le pays ne retrouvera la confiance que s'il aperçoit cette volonté construc tive. Il serait naïf de croire que l'opi nion publique se satisfasse des remèdes de bonnes femmes que nous apportent les pleurnichards d'un régime vidé. Les hommes politiques actuels, utilisant les institutions actuelles, sont dans l'impos sibilité de construire ce plan de l'éco nomie nationale. Impossibilités matériel les ils n'en onit ni le temps ni le goût. Impossibilité morale ils n'ont pas l'in dépendance nécessaire. Le parlement doit abdiquer l'économique. Ce n'est pas son métier. Il doit permettre au Gouvernement de constituer d'urgence, en dehors de la politique, et, par consé quent, de la finance les conseils de pro duction. Le seul fait de cette réaction, dont les modalités sont fixer, rendra au gouvernement le prestige qui lui per mettra de coordonner les propositions élaborées par ces conseils. Quels sont les porte-paroles actuels des nécessités économiques du pays Les députés et les sénateurs Qu'en connaissent-ils Comment pourraient-ils apprécier les problèmes de la production Ils tou chent tous ces problèmes sans en ap profondir aucun et quand ils les effleu rent, c'est au nom d'un groupe social, d'un intérêt dans la production et non de la production, c'est l'économie d'un arrondissement, ou parfois d'un indus triel, mais jamais l'économie de la So ciété. Nos hommes politiques agités sont incapables et, ils le reconnaissent volon tiers, d'étudier tous ces problèmes. Il faut remettre chacun sa place, et ces ser de vivre dans le désordre général. La défensive érigée en système, conduit Nos lecteurs étant en vacancesnous croyons de notre devoir de les aider passer agréablement le temps, un jour de pluie. Et afin de donner plus d'in térêt au jeu de société que nous propo sons, nous offrons, au lecteur qui nous adressera la réponse» la meilleure, un abonnement gratuit La Profession Voici ce dont il s'agit. M. Laurent Dechesne a publié un li vre édité chez Thône Liège (20 frs) et ayant pour titre L'expérience hts- U Premier texte tiré du Bulletin des Jeunes de la Chambre de Commerce de Bruxelles Interventionnisme, dirigisme, corpo ratisme, planisme, autant de mots bar bares, autant de formules pour lesquel les d'aucuns s'enthousiasment, sans tou jours apporter l'élaboration de leur jugement tout le sens critique désirable. L'histoire est pourtant pleine de le çons pour qui veut estimer la valeur pratique du dirigisme, ainsi que ses con séquences inéluctables. C'est ce qu'a si bien mis en lumière M. le professeur Dechesne. en un ouvrage d'une lecture fructueuse, fertile en enseignements. L'action du dirigisme, au cours des siècles, y est étudiée tant au point de vue de ses résultats matériels que de son influence sur la liberté humaine. Toute son évolution, depuis le communisme intégral primitif, jusqu'à l'individualisme extrême de 1789, puis la réorganisation de la concurrence au XIXe siècle y est magistralement tracée, avec toute la probité scientifique, la vaste érudition qui caractérisent cet auteur. Les chapitres réservés l'étude du corporatisme médiéval sont particulière ment remarquables les conclusions qu'en tire l'auteur valent de retenir tout spécialement l'attention de ceux qui veu lent voir le salut de l'économie contem poraine dans la restauration d'un régi me corporatif. J.-D. Lhoneux. torique de l'économie dirigée, ou Phom- me la conquête de la liberté. Or de ce livre viennent de paraître deux critiques et nous prions nos lec teurs de les comparer. Les deux criti ques sont écrites par des intellectuels sérieux, et chacune se prétend absolu ment objective. Quel sera le lecteur de La Profession qui nous adressera une troisième critique de ce livre qui ex plique et concilie les deux textes en pré sence Deuxième texte tiré de la Revue de l'Ordre corporatif. Pour Monsieur DECHESNE. la li berté est la fin suprême et primordiale que poursuit l'humanité, aussi donne-t- il comme sous-titre son livre l'Hom me la conquête de la Liberté Nous ne parlerons pas de la thèse de M. Dechesne car, franchement elle n'en vaut pas la peine. Mais nous de vons dire combien il est pénible de re lever sous la plume d'un auteur qui fait étalage de grades et de dignités (doc teur en droit, docteur en science admi nistrative et politique, docteur spécial en économie politique, professeur l'uni versité de Liège) des approximations et des relâchements de pensée et de lan gage. qui sont généralement le lot des primaires. Ajoutons que M. Dechesne. qui n'a que le mot science la bouche, est pour ce qui concerne l'histoire des anciennes institutions corporatives de la Belgique, en contradiction formelle avec le seul spécialiste qui fasse autorité en cette matière: HENRI PI RENNE. Et ce'st le même qui a le front d'écri re au sujet de LA TOUR DU PIN cet apôtre du néo-corporatisme, dont l'enthousiasme ne parait pas suffisam ment éclairé par l'esprit critique de la science... Il faut n'avoir pas lu une ligne de La Tour du PIN pour oser parler de son enthousiasme et de son absen ce d'esprit critique. S. V. I (Suite de la Ire page) Il faut, coûte que coûte, que le renou vellement de pareils coups de force ne se reproduise plus si on veut éviter d'ir réparables brisures. A la veille d'une période qui donnera sur les volontés du pays des lumières dé cisives, il est bon de méditer nouveau notre devise nationale qui si nous le voulons, et nous le voulons, nous fera jouer un orand rôle national. Si les Classes Moyennes sont les der nières s'organiser dans la société na tionale. c'est que, reconnaissons, elles ont méconnu trop souvent le principe de cette indispensable union. Et voici la déclaration de M. le Mi nistre Heymans. Je ne veux pas vous décevoir et m'ex pliquerai franchement sur la politique du gouvernement l'égard des classes moyennes. Notre point de départ sera ce qui a été fait avant nous. Divers ef forts ont déjà été faits pour la caisse d'outillage et le crédit aux classes moyennes. Le commerce ambulant a été sérieusement limité, un temps d'arrêt im posé au développement des grands ma gasins. Ne craignons pas d'envisager des réformes plus profondes. Amélioration technique et allégement de la fiscalité Le gouvernement doit d'abord assurer l'équilibre budgétaire. S'il a dû faire voter de nouveaux im pôts. il devra faire de sérieuses réduc tions de dépenses. Il doit aussi répartir équitablement les impôts, éviter qu ils la défaite. C'est d'une manière posi tive, constructive, qu'il faut aborder ces problèmes complexes. Pour cela il faut arracher la politique les problè mes de la production. Ce sera le moyen le plus expédient de les enlever la Finance. Charles van Renynghe de Voxvrie. Cahiers de l'Autorité. Janvier 1934. soient vexatoires par leur nature ou !euf mode de perception, peser leur incidence économique. Vous pouvez compter quf. j'y veillerai. J'espère par ailleurs déposer bientôt un projet de réglementation du commer ce de détail. Je souhaite que les Cham bres puissent poursuivre brève échéan ce le projet Van Ackere et celui auque mon département met la dernière main* Ainsi arriverons-nous l'indispensab e organisation professionnelle. J cspej aussi que la Chambre adoptera dés rentrée le projet déjà adopté au Séna et créant l'Institut d'études économiqt'e des classes moyennes. Notre communauté nationale n L pas seulement politique, mais aussi eco nomique. Aussi une collaboration co diale de toutes les classes doit PernlCuS tre les améliorations techniques que vo souhaitez voir apportées aux lois son les. Comme je l'ai dit Anvers, je meure profondément attaché aux p cipes de liberté et d'initiative Pn l'Etat devant limiter son interven au minimum.

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Le Sud (1934-1939) | 1938 | | pagina 6