Supplément
illustré du
13 novembre
1938
Grand Bailli d'Ypre*.
C. v. R.
No 11.
Pierre de LICHTERVELDE,
Une ville ayant un grand passé his
torique a le droit de demander son
élite de connaître les noms et de res
pecter les souvenirs des familles qui
contribuèrent créer ou maintenir
cette tradition historique. Nous n'igno
rons pas que les puissants du jour sou
haitent rompre avec ces traditions, mais
comme leur puissance est éphémère, et
que seule la tradition de nos cités ré
siste aux outrages du temps, nous
croyons remplir un devoir en consacrant
de- teihps autre une page du supplé
ment illustré aux souvenirs des hom
mes qui dirigèrent nos villes.
Nous avons la bonne fortune de pou
voir illustrer ce numéro d'un fort beau
cliché que nous devons l'aimable col
laboration du directeur de la revue Le
Parchemin». M. Tony Cardon de
Lichtbuer, et l'autorisation du Comte
Pierre de Lichtervelde, commissaire
d'arrondissement Soignies, dont la
collection de tableaux contient ce joli
portrait. Le numéro de juin 1938 de la
revue Le Parchemin a donné un très
intéressant article, dû la plume de no
tre ami Louis Robyns de Schneidauer,_
concernant le beau portrait de Pierre de
Lichtervelde. Nous lui empruntons de
nombreux renseignements.
La famille de Lichtervelde, ancienne
maison chevaleresque du Comté de
Flandre était établie Ypres depuis le
quatorzième siècle et Arthur Merghe-
lynck cite Victor de Lichtervelde, sei
gneur de Staden. comme échevin de la
ville en 1400. D'ailleurs les Lichtervelde
étaient apparentés la famille Belle,
dont la générosité a résisté l'épreuve
du temps, et, lors de l'anniversaire des
fondations Belle, les descendants, des
de Lichtervelde, l'historien Louis de
Lichtervelde et son frère Pierre ont as
sisté la séance commémorative
Ypres.
Et nous avons pu constater person
nellement combien ils étaient attachés
aux souvenirs de leur famille Ypres.
Les Yprois se souviennent du magni
fique hôtel, rue Saint-Jacques, occupé
par le bourgmestre René Colaert. C est
dans cet hôtel construit par la famille
brugeoise Wvnckelman de Walhove,
qu'habita Mademoiselle Françoise-Fer-
dinande de Lichtervelde, dernière du
nom Ypres.
Pierre de Lichtervelde naquit le 20
septembre 1594. Il était fils cadet de
Ferdinand de Lichtervelde, et, son frère
aîné vivant encore en 1620, époque du
portrait, on distingue une brisure dans
les armoiries une toile de gueules. Fer
dinand fut avoué de la ville d'Ypres et
avait épousé Catherine de Preud homme
d'Haillv. dame d'Annapes, fille de Jean,
baron de Poucques, seigneur de Neuf-
ville et d'Antoinette Grenet, vicomtesse
de Nieuport.
Ferdinand décéda le 24 mars 1618 et
fut inhumé en l'église Saint-Jacques
Y près, où se trouvait une épitaphe or
née de huit quartiers, et qùf mériterait
d'être restaurée.
Lefe de Lichtervelde tenaient un rang
Portrait de Pierre de LICH TERVELDE, Chevalier
Seigneur de Beaurewart, Vellenaere, Caeskercke, Stuyvekenskercke, etc.
Grand-Bailli des ville, salle et châtellenie d'Ypres
important en Flandre, et pour l'appré-
cir il suffit de signaler que le frère aîné
de Pierre, fut choisi avec dix chevaliers
pour participer au cortège des funérail
les de l'archiduc Albert. En 1622 la
mort de son frère, Pierre était devenu
le dernier héritier mâ}e de sa famille,
et il fut créé chevalier le 22 août 1639.
Louis Robyns, ayant eu l'occasion de
consulter les papiers de famille des Lich
tervelde, écrit Pierre de Lichtervelde
possédait une importante fortune immo
bilière comprenant entre autres la terre
et seigneurie de Beaurewaert, ancien
patrimoine de la famille, située une pe
tite lieue d'Ypres la seigneurie de Vel
lenaere tenue de la salle d'Ypres la
terre et seigneurie de Croix située près
de la ville de Warneton et tenue de
cette dite ville avec manoir bien amai-
sonné, motte, douves cingles, bois, prêts
et terres labourables la terre et sei
gneurie de-'Caersperck près de Dixmu-
de, tenues du bourg de Furnes, conte
nant également un manoir bien aima-
sonné, cingles, motte, fosses et grases
pâturages une autre seigneurie tenue
aussi du bourg de Furnes, nommée la
mairie de Caerskercke et Stuvekincker-
cke, avec une franeque pescherie en la
rivière de Dixmude la seigneurie de
Vrylande située près de la ville d'Y
pres une seigneurie de deux bonniers
située près de Courtrai la seigneurie
de Bruincastel près Warneton deux
fiefs nommés le Chaufhuis, près des
murailles de la ville la cence de Se-
rentage contenant un manoir, prêts et
terres labourables ainsi qu'une maison
en la ville d'Ypres.
Quel plaisir éprouve l'archéologue en
faisant un rapprochement entre ces
noms d'il y a trois siècles, et les noms
actuels de ces lieux. Quant la maison
d'habitation, elle était située rue de Me-
nin. droit c, et était probablement
l'emplacement de l'actuelle école profes
sionnelle. Sur le plan de la ville d'Ypres
qui orne l'ouvrage de Sanderus, on re
trouve parfaitement l'emplacement de
la maison. Dans les archives de la fa
mille de Renesse, Oostmael, une note
indique l'importance de cette demeure
seigneuriale cette demeure en vente
vaudrait pour le moins huit neuf mille
francq sans y comprendre les meubles,
tapisseries, vasselles et bagues. Pour
établir la valeur actuelle il faut certai
nement multiplier par le coefficient cent
Et il se trouvait une petite masion pro
che la grande et, dit le document
que l'on loue
Ce document se trouve dans les ar
chives de la famille de Renesse, Pierre
de Lichtervelde ayant épousé en Bra-
bant le 21 mai 1628, Anne de Renesse
d'Elderen, née Utrecht, dans la mai
son de Lockhorst le 6 août 1609. Celle-
ci fut dame d'honneur de l'Infante Isa
belle d'Espagne, Souveraine des Pays-
Bas, et s'éteignit Ypres le 24 février
1670. Elle a été inhumée Ypres devant
le grand autel aux Récolîets. Nous
avons eu le plaisir de voir une belle re
production de son portrait tout récem
ment chez le Comte Louis de Lichter
velde et Louis Robyns signale qu'il fi
gure également la page 24 dés Chro-
nicles of the castle of Amelroy par John
Box (Londres, 1870).
Pierre de Lichtervelde, grand sei
gneur, se dévoua au service de la ville
d'Ypres. Il en fut échevin en 1617, en
suite conseiller, avoué de l'hospice Bel
le. avoué héréditaire de l'hospice Saint-
Nicolas et chef homme de la ghilde
Saint-Georges Ypres.
Ainsi étroitement mêlé la vie de la
cité Pierre de Lichtervelde mérite d'oc
cuper une place de choix dans le sou
venir des Yprois, et nul ne nous dira la
quantité de bienfaits et de dons qu'il
prodigua aux pauvres de la ville. Nous
savons qu'il offrit l'Eglise Saint-
Jacques le très beau tableau de Janssens,
représentant le martyre de Saint-
Jacques.
Continuant remplir des charges
exercées par ses ancêtres, il devint le
25 avril 1648 Grand-Bailli de la ville
d'Ypres. et, comme le fait remarquer
Louis Robyns, son administration dut
être fort troublée. Ypres fut prise par
les Français le 29 mai 1648, reprise par
l'archiduc Léopold en 1649, assiégée
par les Français en 1658 et restituée
au Roi d'Espagne en 1659.
Il ne faut pas croire que les citoyens
d'Ypres étaient d'humbles serviteurs de
ce grand seigneur. Lors de son arrivée
d'Italie en 1620 ils lui offrent bien 8
pots de vin, mais le 30 avril 1648 pour
célébrer sa nomination de grand-baiîîf
il reçut deux pièces de vin avec pro
messes de générosité plus grande quand
il montrera ses services. Il faut croire
que ceux-ci furent bons, car Pierre de
Lichtervelde s'éteignit entouré de la
considération de tous, âgé de 83 ans, le
18 janvier L678 Ypres.