LE SUD, dimanche 8 janvier 1939. Poperinghe et les Monts. Cet article dû la plume de Madame Auguste van Merris est illustré des beaux clichés Nels, qui ont été mis gra cieusement notre disposition par le Touring-Club Royal de Belgique. Nos lecteurs trouveront avec plaisir le nom de van Merris dans Le Sud et se souviendront du dévoué député, Félix van Merris, père de M. Auguste van Merris, greffier au Conseil des Mines. Le touriste qui aperçoit Poperinghe de loin, qu'il arrive par chemin de fer ou par la route ne manque pas d'être frappé par le caractère de cette petite ville bien tranquille, aux maisons basses que dominent, de très haut, trois belles églises dont les tours de briques blan ches prennent une tonalité si curieuse dans le bleu cendré du ciel flamand. A 1 entour, s'étendent des cultures variées et riches, des champs soignés amoureu sement comme de petits jardins, de bel les prairies, arrosées par cent ruisseaux. Tout cela forme un immense et merveil leux tapis aux couleurs chatoyantes, changeant au gré des heures et des sai sons. Au loin un peu noyées dans la brume, les molles ondulations des monts de Flandre le Kemmel le mont des Cats, Cassel. C'est dire que Poperinghe n'a pas été épargnée par la guerre. Restée avec Ypres et Furnes dans le dernier lam beau de la Patrie inviolée, la petite ville qui se trouvait un nœud de voies de communication importants entre Ypres, Furnes et la France, fut victime de bombardements incessants qui rendirent bientôt nécessaire l'évacuation de la po pulation civile. Ceux que leurs obliga tions militaires mirent dans la nécessité d'y passer ne prononcent pas son nom sans un" souvenir d'effroi. Les dégâts y furent considérables. Ils sont aujour d'hui réparés, mais la restauration n'a en rien modifié le caractère de la ville aucun de ces édifices tapageurs qui blessent le regard, aucune fausse note, 'i out est resté dans le cadre et le visi teur non averti distinguerait peine les constructions récentes des autres. Le traditionalisme flamand a parfois du bon. Par bonheur, les principaux monu- POPERINGHE. Panorama de-la Ville. ments ont été sauvegardés les trois églises, en particulier, si attachantes pour qui s'intéresse au développement de l'architecture gothique en Flandre. L'Eglise Saint Bertin nous retient tout d'abord c'est le seul vestige de l'Ab baye fondée, dit-on, par ce saint au dé but du Ville siècle. Son style gothique primaire, sobre, met bien en relief le très beau buffet d'orgue de style Re naissance, la chaire en bois sculpté, avec des personnages grandeur naturelle, les riches confessionnaux dont l'un surtout, avec ses personnages représentant la Pénitence et le Pardon, est magnifique et n'a peut être pas d'équivalent en Bel gique. A quelques pas de là se trouve l'hôpital. Le portail en est mi-clos. N'ayez crainte, cependant, de le pous ser pour aller voir la Cour intérieure, et la chapelle avec ses boiseries Renais- Suivez la rue elle vous conduira la belle église Notre-Dame dont la flèche audacieu-,e s aperçoit de loin. Faites le tour de l'édifice avant d'y pénétrer vous serez séduit par les belles propor tions de l'ensemble, en même temps que vous apprécierez tout le parti que les constructeurs de jadis surent tirer de la brique. A l'intérieur ce sont encore les boiseries qui attirent le regard buf fet d'orgue, boiseries du chœur et banc de communion d'une grande richesse de décoration chaire de vérité, qui, elle seule, est un chef-d'œuvre. En revenant sur nos pas, voici la Grand'Place vaste et déserte, sauf le jour du marché où, pendant quelques heures, vous auriez de la peine circuler seul, le petit tram qui mène Furnes, en serpentant tra vers la campagne, la tire, de temps autre, de sa torpeur. Dans le fond, se dresse l'hôtel de ville, heureuse adopta- tion moderne du style régional. Der rière cet édifice, se profile l'église Saint Jean, avec sa tour massive si curieuse, surmontant le transept et datant de la période romane. Un beau portail donne POPERINGHE. Eglise Saint-Bertin. Avant la guerre les grandes ogives des deux nefs latérales étaient aveugles. L'ogive de droite ayant été détruite par le bombardement, elle fut restaurée et la grande verrière qui l'orne a été offerte par William et Charles van Renynghe de Voxvrie. accès l'intérieur qui, la grande sur prise du visiteur, est tout entier décoré de jolies boiseries Louis XVI. Disséminés et là dans la villette, quelques très beaux hôtels du XVIIIe siècle attestent, de l'opulence de l'an cienne cité. Il fut même un temps où Poperinghe était la rivale d'Ypres. Ce fut la cause de nombreuses querelles dont les détails remplissent les archives, mais, seuls les érudits consultent e core ces vieux grimoires. La pacifique popu lation de Poperinghe n'a cure de ces anciennes discussions. La petite ville a une vie qui lui est propre c'est un centre agricole impor tant qui détient, avec Alost le marché du houblon dont la culture constitue une grande ressource pour les environs il n'est pas une ferme, une maison qui n'ait sa grande ou sa petite houblonnière et, la saison, de la cueillette c'est un spectacle fort intéressant et pittoresque hommes, femmes, enfants, tout le monde s'y met les longues tiges de houblon, soutenues par une armature compliquée de fils de fer, sont descendues terre, et c'est qui remplira le plus vite sa corbeille des cloches parfumées. Al lez voir et, septembre la belle ordon nance des houblonnières pendant qu'il en existe er.ccre car, là aussi, nous som mes en pleine crise. Traditionalisme, c'est le mot qui traduit bien l'esprit du pays. Ne soyez pas surpris de voir en core dans les ruelles, derrière les fenê tres ornées de géraniums, des femmes courbées sur les métiers dentelle, et faisant danser les fuseaux avec une dex térité prodigieuse. Au siècle de la ma chine et de la standardisation, c est une gageure. Mais voilà, les Flamandes ont toujours vu faire de la dentelle autour d'elles. Toutes jeunes, elles ont appris manier les fuseaux elles ont étudié longtemps le jeu mystérieux des fils dont l'entrecroisement dessine des ara besques si variées. Comment ne pas être subjuguée par un ouvrage d'une telle élégance Enfin, c'est un travail qui peut se faire domicile, dans le cadre de la vie familiale. La dentelle a tou jours ses partisans. Voir suite page 3)

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