le musée de guerre du taillant d'Ypres
/upplément
illustré du
11 Juin 1939
N* 25
Une vitrine du Musée de Guerre du Saillant d Ypres.
(Photo Nels)
L'impression de quiconque entre
maintenant dans le Musée du Saillant
d'Ypres, est bien l'impossibilité absolue
qu'il y aurait reconstituer pareille col
lection. Aussi est-ce cette impression
qui lui donne sa caractéristique elle est
unique. Qu'il nous soit permis de met
tre en parallèle les collections connues
des Musées de l'armée. Elles donnent
l'impression d'une documentation pré
cieuse et très complète, mais elles ne
peuvent offrir cette caractéristique du
Musée du Saillant d'Ypres l'authenti
cité d'objets ayant servi, d'objets QUI
ONT FAIT LA GUERRE, et non
pas d'objets avec lesquels on fait la
guerre.
Toutes ces bayonnettes rouillées, qui
portent des tâches de sang ces fusils
sur lesquels colle encore la terre des
tranchées ces obus éclatés ou même
perforés par d'autres obus rencontrés
dans le ciel infernal d une préparation
d'artillerie tous ces souvenirs, qui au-
Cependant nous ne pouvons nous em
pêcher d enumérer ce que nous pour
rions nommer les départements des
collections Murphy.
Il est évident que nous y trouvons au
complet, et de fort nombreux exem
plaires, toutes les balles, toutes les gre
nades des différentes armées, toutes les
douilles d'obus et tous les projectiles,
tous les sharpnells et toutes les bombes.
Les murs sont littéralement couverts
de fusils, de bayonnettes, de sabres et
d'épées, de carabines et de casques, de
tous les types et de toutes les armées.
Ici nous voyons une rangée de ces
bayonnettes cruelles dont un des côtés
était en profil de scie là ce sont des
armures de soldats dans les tranchées
qui jettent un pont original entre les
combats du Moyen Age et les guerres
modernes.
(Voir suite page 2)
Les champs de bataille ont, de tout
temps, été l'objet de la curiosité et de
la vénération des peuples. Les pays qui
ont, comme la Belgique, le douloureux
privilège d'être le champ clos sur lequel
les puissances de l'Europe se livrent
d'âpres combats, connaissent ces pèle
rinages de la guerre. Les nombreuses
batailles livrées par l'armée britannique
dans le Saillant d'Ypres donnent cette
ville un renom mondial, que commen
tent les innombrables cimetières, les mo
numents commémoratifs et la grandiose
Porte de Menin.
Ce n'est que vingt ou trente ans après
la Grande Guerre que l'on peut mesu
rer toute la signification que gardera
dans l'histoire, pour l'Empire britanni
que, le nom d'Ypres. Tout ce qui pour
ra évoquer le souvenir des combats hé
roïques retiendra l'attention des visi
teurs. C'est ce qui explique l'efflores-
rrence des Musées de Guerre proxi-
nité des champs de bataille. Le pèlerin
:st parfois fort embarrassé de distin-
juer le vrai du faux. Mais ce n'est pas
e cas Ypres, car une admirable col-
ection de souvenirs de guerre a été réu-
îie, dès le lendemain des hostilités, avec
me persévérance digne d'éloges par un
tncien combattant de la méprisable pe-
ite armée un old contemptible de
vlons, M. L. N. Murphy.
Tout récemment nous avons cité dans
LE SUD l'effort méritoire de la Com
mission du Musée d'Ypres et de son
conservateur, M. Daniel Tack. A côté,
ou plus exactement en-dessous de ce
musée, dans le sous-sol de la Vieille
Boucherie d'Ypres se trouve la collec
tion de M. Murphy, et la modestie du
local n'enlève rien la valeur excep
tionnelle de la collection. Il est évi
dent que pour une ville de tourisme,
devenue essentiellement un pèlerinage
de la guerre, Ypres se devrait d'offrir
au Musée de Guerre du Saillant d'Y
pres un local beaucoup plus important
qui permette d'exposer dans ses moin
dres détails cette collection énorme.
Au moment d'écrire cet article, que
nous faisons coïncider avec la réception
par M. Murphy Ypres des membres
de la Chambre de Commerce Britanni
que de Belgique, nous avons été revoir
les collections exposées, et nous nous
sommes trouvés devant ce musée de
guerre... complètement désarmés Com
ment décrire, non pas les objets innom
brables, les dizaines de milliers d'objets
exposés, mais comment énumérer seu
lement les diverses collections.
Une vue prise de l'entrée du Musée (Photo Nels).
Si d'aucunr tentent d'imiter après
coup, et quand il est trop tard, ce qu'a
fait M. Murphy, celui-ci a eu le mé
rite et le flair de comprendre avant les
autres ce qu'il fallait faire et. aussitôt
de le réaliser. Qui dira ce qu'il a fallu
de patience cet ancien combattant de
1914, d'août 1914, d'Ypres en octobre
1914, de la Somme, qui s'est installé
Ypres après la guerre, pour réunir une
une les pièces qui forment ses collec
tions. Combien de tonnes de mitraille
n'a-t-il pas dû faire explorer pour dé
couvrir tel obus rare, telle douille in
téressante, tel fusil ou telle baïonnette
Ce n'est qu'après des années d'efforts
que les premiers éléments de la collec
tion furent exposés, et ils retinrent aus
sitôt l'attention des visiteurs. Le résul
tat acquis ne ralentit pas le zèle du col
lectionneur, et il est difficile, pour ceux
qui connaissent bien M. Murphy, de ne
pas être fréquemment invité voir telle
pièce nouvelle, ou tel exemplaire qui
complète une collection.
raient chacun une tragique anecdote
citer, s'ils pouvaient décrire leur his
toire, illustrent éloquemment ce que ne
manque de répéter M. Murphy le mu
sée de guerre du Saillant d'Ypres est
un pieux hommage au souvenir de»
héros et une grande œuvre de paix par
la leçon qu'il suggère.
Quand tous ces morceaux de fer
échappés de leurs douilles de cuivre ont
été passés en revue, que le visiteur re
garde attentivement les photos enfer
mées dans les boîtes, et c'est avec un
sentiment d'horreur qu'il se rendra
compte de l'œuvre de mort accomplie
par ces engins. N'insistons pas.