Une excellente critique. LE SUD, dimanche 16 juillet 1939 Z Le peintre Armand Jamar. C'est une véritable féerie artistique que nous convie l'organisateur des trois expositions Armand Jamar. la Salle Memling Bruges. Cet organisateur, tous le connaissent c'est le Docteur De Winter, cet homme qui paraît cher cher les multiples manières de dépen ser une vitalité, un dynamisme, une vo lonté de création, qui sont les carac téristiques de cette sympathique person nalité brugeoise. Le peintre Armand Jamar, fin "lié geois, dont'l'esprit possède l'art de dis tinguer les moindres détails, sans s'y attarder, mais avec la nette conscience de ce que, seule, la perception exacte de la valeur du détail, donne le droit de ne pas s'y attacher dans un tableau, Ja mar a rencontré au sommet de sa car rière un Flamand profondément de son pays, possédant toute la puissance tu multueuse de l'âme flamande, son gez Verhaeren, Ensor, Permeke, Ser- vaes et le Liégeois et le Brugeois se sont compris, étant tous deux profon dément humains, et non pas médiocre- crement régionalisrtes. L'œuvre exposée la galerie Mem ling est le résultat de cette remarquable collaboration spirituelle. De Winter a été le puissant animateur, le cataly seur du talent de l'artiste. Et de cette collaboration est né cet ensemble aussi audacieux que sincère, aussi fougueux qu'équilibré, que le catalogue nous ren seigne sous le titre de Bruges cette in connue mais que nous appellerions bien plus volontiers l'épopée brugeoi se j Peu nous importe que le peintre Ar mand Jamar, soit un impressionniste attardé D'ailleurs les écoles de pein ture, comme toutes les écoles d'art, ne sont que des manières et ne donnent lieu qu'à des classifications souvent ar tificielles. Ce qui fait, notre sens, la richesse et donne des possibilités inouïes aux peintres contemporains, c'est précisément le fait, que, au cours des cent dernières années, de multiples ma nières ont été essayées, depuis le clas sicisme le plus rigide au fauvisme le plus extravagant. Il serait faux et vain de prétendre assigner une époque par tir de laquelle il serait interdit de les utiliser. Il y a eu un évident enchaîne ment, une filiation entre les différentes écoles, mais le peintre contemporain ne doit pas, ne peut s'interdire de traduire sa personnalité au moyen d'une manière déterminée, sous prétexte que les fai seurs de catalogue déclarent qu'à une date, arbitrairement choisie, cette école fait place une autre. Nous formons le vœu que, réoondant la question du critique Henri Cayman, qui a consacré une excellente plaquette l'œuvre de Jamar, l'impressionnisme est-il mort les artistes répondent en nous prouvant que, impressionnisme, expressionnisme, classicisme, et tous les autres ismes ne sont que les résul tats des propos fades et prétentieux de ceux qui prétendent analyser et discuter souverainement les productions des peintres. La peinture ne se discute, ni ne s'ex plique. Un artiste voit, conçoit et re produit comme il lui plait. L'essentiel est qu'il accomplisse son action créatri ce avec tout son être. Il enfante des œuvres d'art et souvent il les enfante dans la douleur. Celui qui doit juger ou critiquer cette œuvre d'art doit d'abord en apprécier la sincérité, la vérité, et ensuite seulement il lui est permis de constater si cette œuvre correspond ses impressions lui. Dans la négative il reconnaîtra que la vision du peintre, la conception de l'artiste ne correspon dent pas la sienne propre. Mais si elles y corespondent, quelle joie que cette rencontre, quelle exaltation dans cette compréhension de deux êtres qui s'ignoraient. Ainsi l'œuvre épique, l'épopée bru geoise de Jamar ne se discute pas. Que ce soient les œuvres exposées du 8 au 14 juillet: marines, paysages, moulins, arbres, plaines, ciels que ce soient cel les offertes l'admiration du public du 15 au 21 juillet toute la ville de Bru- cres, ses façades, ses églises, ses ponts, Bruges capitale du Grand-Duc d Oc cident ou que ce soient les tableaux de l'épopée industrielle exposés du 22 au 30 juillet: le port, Zeebrugge, les usines, les fours cokes pendant la nuit, les murs sombres et les jets de flammes, visions la Verhaeren, tout dans l'œuvre de Jamar a quelque chose de la grandeur volontaire, obstinée de' la Flandre. Et quelle joie éprouvons-nous voir ce délicat Liégeois, cet alerte septuagé naire, affirmer ainsi par sa personna- lilté puissante, qu'il n'existe pas de ré gionalisme étroit, ni de racisme détermi nant. Qu'il ne s!'agit pas de limiter, de dégrader la personne humaine des contingences raciques. Le racisme et le régionalisme sont vrais dans la mesure où triomphe l'erreur démocratique du nivellement au seul profit de la masse, ce qui conduit, fatalement, au triomphe du nombre et de la médiocrité. Mais le respect de la personne hu maine l'emporte sur la dictature de la masse. La personne humaine ignore les racismes et les nationalismes. Et. fort heureusement pour elle, la peinture n'étant pas entravée par le véhicule de Un des paysages de Jamar Lisseweghe. la langue pour s'exprimer, mais em ployant la couleur qui est universelle ment comprise, la peinture est capable de lutter victorieusement contre les er reurs de notre temps. Les trois expositions du peintre Jamar forment une fresque grandiose de la vie intense de notre région. Elles méri tent de longues visites et, au contact de ces œuvres, plus d'un esprit sentira naître en lui un amour plus grand de son pays, de la puissance créatrice de son pays, et rendra hommage au peintre Jamar de la joie intellectuelle intense qui lui aura été offerte en admirant des œuvres d'art d'une aussi large facture et d'un souffle aussi ardent. C. v. R. Dnas La Patrie a paru une ex cellente critique de l'oeuvre de Jamar dont nous donnons un extrait. Jamar a compris le pays qu'il peint et chante, travers l'âme de l'habitant qui en est pétrie. La mer du Nord est grise et mauvaise, combattive et cruelle le paysage flamand est rude et sérieux, profond et renfermé comme le carac tère de nos paysans dans ses visions de Bruges, c'est tout un glorieux passé qui se reflète Jamar voit Bruges comme la voyaient sans doute les marchands étrangers éblouis par sa splendeur au XVème siècle. Et quand parfois cette vision lui échappe, c'est encore pour nous retracer la cité mélancolique et plongée dans la contemplation de sa splendeur déchue et de sa grandiose et profonde beauté actuelle. Dans ses pay sages industriels, Jamar a vu tout ce que les masses sombres des usines, les lueurs fauves qui les nimbent, avaient de démoniaque, tout ce que la vie qu'on y mène avait d'infernal. La vision qui guide l'artiste est hu maine, parce qu'exacte. A chaque pas vous prend l'envie de crier l'artiste Votre point de vue est exact, Bru ges n'est pas la cité mièvre que l'on en fait, elle n'est pas un décor de théâtre base de ponts bossus, de façades cré nelées et (d'encastrements de motifs dé coratifs gothiques L'usine est satani- que, et la terre dure ceux qui la tra vaillent Intérieurs de l'Eglise Notre-Dame Bruges.

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Le Sud (1934-1939) | 1939 | | pagina 6