/upplément
illustré du
6 Août 1939
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No 28.
L'exposition Memling.
C'est juste titre que dans la pré
face de l'excellent catalogue de l'expo
sition Memling, M. Paul Lambotte
écrit Pour la première fois l'œuvre de
Memling, isolée des productions d'au
tres grands Maîtres de l'Ecole flaman
de, aura pu être groupée. Cette révé
lation sera prestigieuse. Les véritables
amateurs d'art donnent entièrement rai
son M. Lambotte, et nous constatons.
avec quelle satis'action, que la
foule des profanes se presse égale
ment, nombreuse et fervente, pour ad
mirer l'œuvre extraordinaire du grand
peintre brugeois.
Est-ce le moment de redire les méri
tes des organisateurs, et le caractère
symbolique de cette exposition du pein
tre angélique, mise sur pied malgré les
campagnes de presse alarmistes et la
psychose de guerre Combien de fois
n'avons-nous pas entendu dire, et Bru
ges même. L'exposition Memling n'aura
pas lieu Les pessimistes ont été vain
cus, et lorsque nous cherchions les cli
chés pour le supplément du SUD consa
cré Bruges, ar moment de la proces
sion du Saint-Sang, on nous disait les
tableaux ne viendront pas Bruges et
on nous citait telle lettre d'un ambas
sadeur de notre pays déconseillant de
tenir cette exposition. Malgré cela nous
avons publié ce supplément, et nous
avons appris depuis que le sens de
la lettre était tout autre et que seule
la déformation pessimiste des esprits
avait trahi la pensée du diplomate.
Il fallait citer ces quelques faits pour
insister sur la ténacité et l audace des
organisateurs. Le succès leur apporte
la plus belle récompense. Les pronos
tics des plus optimistes sont dépassés.
Le chiffre de trente mille visiteurs est
prêt d'être atteint, et la première quin
zaine d'août ainsi que les représenta
tions du Jeu du Saint Sang, vont per
mettre, croyons-nous, de dépasser pour
l'exposition Memling le chiffre record,
que fit en Hollapde la splendide expo
sition Rembrandt.
Il est inutile que nous reparlions du
talent de Memling, de sa technique mer
veilleuse, de son inspiration chrétienne,
car. bien avant les autres journaux, LE
SUD a consacré son supplément de
Noël l'œuvre du Maître. Mais... sui
vez le guide, c'est-à-dire le catalogue de
l'exposition. Vous y trouverez une do
cumentation vraiment complète.
N'insistons pas au sujet des tableaux
qui proviennent des collections des mu
sées belges. Les amateurs d'art les con
naissent. L'intérêt de l'exposition con
siste dans la confrontation de notre pa
trimoine memlingien avec celui des pays
étrangers. Une œuvre maîtresse est le
"o'-'ptique de Lubeck, œuvre qui date
de la fin de la carrière de l'artiste 1491,
et même dernière œuvre connue de
Memling. Pièce énorme de neuf pan
neaux. D'abord deux grisailles sur les
faces extérieures des deux volets exté
rieurs l'Ange de l'Annonciation et la
Vierge ensuite quatre saints Saint-
Biaise, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Jérô
me et Saint-Gilles, splendidement trai
tés, qrandeur d'homme, ce qui étonne
le public qui a coutume de ne rapprocher
le nom de Memling que d'une de ses
œuvres la châsse de Sainte-LIrsule. Et
enfin, les volets étant ouverts, le pan
neau central du Calvaire, et sur les vo
lets droite le portement de la Croix
et gauche la Mise au tombeau. Ce
^nlyptinue, commandé oar le marchand
Henri Greverade. de Lubeck, est, com
me pièce venant de l'étranger, la plus
intéressante de cette exposition.
Nous comprenons l'admiration des
-itiques devant cette œuvre qui résume.
de l'Annonciation l'Ascension, toute
la vie du Christ. Paul Lambotte écrit
Admirable acte de foi, merveille de
rendu technique, symphonie inoubliable
de couleurs pures et brillantes, tel est
le rétable de Liibeck dans lequel Mem
ling a résumé par des compositions
agencées avec tant d'équilibre et de clar
té, toutes les possibilités de son art.
Ce rétable a d'ailleurs occupé une
place importante dans la vie de Mem
ling, en juger par les répliques ou
copies libres, que nous trouvons dans
cette exposition. Celle du Musée de Bu
dapest est splendide. Elle est malheu
reusement d'une date indéterminée, car
il serait très intéressant de savoir si
Greverade a commandé le grand polyp-
tique après avoir vu le triptyque de Bu
dapest, ou si Memling, satisfait de son
œuvre, a voulu en faire une réplique.
La Déposition du Christ, qui nous
vient de Rotterdam n'est que le pan
neau central d'un triptyque dont les vo
lets ont péri dans un incendie. Ce ta
bleau nous paraît réaliser le mieux l'idée
que l'on se fait en général d'un pri
mitif flamand. C'est vraiment le type
du genre.
Et, en suivant l'ordre du catalogue,
nous nous arrêtons devant une pièce
remarquable, dont tous connaissent les
volets extérieurs, les deux nus, Adam
et Eve le Triptyque de la Vierge et
l'Enfant du Musée de Vienne. L'in
térieur des volets est occupé par Saint-
Jean l'Evangéliste et Saint-Jean-Bap
tiste, et le panneau central représente
la Vierge assise sur un trône, l'En-
fant-Jésus sur ses genoux. Elle est en
tourée de deux personnages, droite
un ange tenant un violon et tendant
une pomme l'Enfant et gauche le
donateur genoux, vêtu d'un grand
manteau.
Le Louvre nous a envoyé son mag
nifique triptyque la Résurrection du
Christ, composition encadrée de deux
volets gauche le martyre de Saint-
Sébastien et droite l'Ascension de
Notre-Seigneur.
Du Louvre également le fameux dip
tyque le Mariage Mystique de Sainte
Catherine, un chef-d'œuvre de finesse.
Mais l'attention des amateurs est atti
rée, surtout, par le portrait d'une femme
âgée, qui appartient au Louvre depuis
1908, après avoir figuré dans de nom
breuses collections particulières.
Berlin nous a envoyé une ravissante
Vierge avec l'Enfant, assise sur un lar
ge siège, ayant sa droite un ange of
frant un œillet.
Parmi les autres envois des musées
allemands signalons encore la Nais
sance du Christ du musée de Cologne,
et de la collection particulière de M.
Hess Trêves, une Vierge attribuée
Memling.
La participation française comprend,
outre les tableaux du Louvre que nous
avons cité, les six panneaux du Musée
de Strasbourg une Sainte-Véronique
appartenant M. Heugel de Paris, at-
tribuée Memling, et un petit panneau
la Chasteté qui appartient au Musée
Jacquemart de Paris.
L'Angleterre n'a pas apporté une par
ticipation aussi brillante que l'Allema
gne cette exposition. Notons un Christ
en Croix d'une collection privée les
Saintes Femmes au tombeau, composi
tion curieuse et peu homogène une An
nonciation qui paraît être un des tous
premiers tableaux de Memling, et dont
la facture est fort naïve. Et un tableau
ravissant, appartenant Lady Ludlow.
qui représente une Vierge couronnée de
pierres précieuses embrassant un En
fant-Jésus. et dont la lumière crépus
culaire crée une atmosphère intime et
recueillie. Ensuite, de la collection de
M. Schiff Londres, une Vierge clas
sique un portrait d'homme apparte
nant au Vicomte Bearsted, et un frag
ment de tableau Juifs et soldats ro
mains.
De Hollande siqnalons surtout l'ad
mirable portrait d'homme provenant du
Mauritshuis de La Haye, qui figure par
mi les plus beaux portraits de Memling.
Comme documents intéressants Amster
dam a envoyé des Anges musiciens, et
Rotterdam un curieux volet Chevaux
l'abreuvoir.
La Suisse fiqure également au catalo
gue avec un Saint-Térôme du Musée de
Bâle, et les Etats-Unis ont envoyé quel
ques tableaux de collections privées un
portrait de femme, un portrait d'hom
me, une très émouvante Déposition de
la Croix qui provenait d'une collection
russe, et une Déploration du Christ for
mée par un groupe qui comprend la
Vierge, Saint-Jean et trois saintes fem
mes.
Pour terminer cette énumération des
tableaux qui figurent l'exposition
Memling et qui ne proviennent pas des
Musées belges, citons une réplique de
la Vierge du Diptyque Nieuwenhove
qui appartient Madame R. Lippens.
et le beau portrait de Franceso de
Royas, qui appartient nne collection
privée.