LA VOIX DE L'EGLISE
L'ENCYCLIQUE
PONTIFICALE
NEUTRALITE
Administration Rédaction 163, Chaussée de Ghistelles, St ANDRE-lez-BRUGES
Publicité 10, Rue St Georges, Bruges.
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Le numéro
30,— Fr. l'an. C. C. P. 367.225
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SAMEDI 4 NOVEMBRE 1939
HEBDOMADAIRE
92me ANNEE No 43
Rappelant la doctrine immuable de l'Eglise,
qui règle les devoirs des individus comme ceux
la société, le Pape, avec une vigueur et
une charité toute apostoliques, stigmatise les
erreurs qui mènent le monde civilisé sa ruine
et enlèvent toutes possibilités d'union véri
table et de collaboration féconde entre les
peuples
Nous aurons l'occasion de revenir sur ce
document unique, que tout chrétien devrait
étudier fond mais nous voulons déjà
présenter nos lecteurs quelques petits ex
traits.
Voici d'abord un extrait de la première
Encyclique de Pie XII contre le nationalis
me intégral et son dernier aboutissement, le
racisme
t La première de ces pernicieuses erreurs,
aujourd'hui largement répandues, est l'oubli
de cette loi de solidarité humaine et de cha
rité. dictée et imposée aussi bien par la com
munauté d'origine et par l'égalité de la na
ture raisonnable chez tous les hommes,
quelques peuples qu'ils appartiennent, que
par le sacrifice de rédemption offert par Jé
sus-Christ sur l'autel de la croix son Père
céleste, en faveur de l'humanité pécheresse
Plus loin, iEncyclique se prononce contre
les conceptions totalitaires de l'Etat
t Vénérables Frères, si l'oubli de la loi de
charité universelle qui. seule, peut consolider
la paix en éteignant les haines et en atté
nuant les rancoeurs et les oppositions, est la
source de maux trop graves pour la pacifi
que vie en commun des peuples, il est une
autre erreur, non moins dangereuse pour le
bien-être des nations et la prospérité de la
grande société humaine qui rassemble et em
brasse dans ses limites toutes les nations
c est l'erreur contenue dans les conceptions
qui n'hésitent pas délier l'autorité civile de
toute espèce de dépendance l'égard de
I Etre suprême, cause première et maître ab
solu soit de l'homme, soit de la société, et
de tout lien avec la loi transcendante qui
dérive de Dieu comme de sa première source.
De telles conceptions accordent l'auto
rité civile une faculté illimitée d action,
abandonnée aux ondes changeantes du libre
arbitre et aux seuls postulats d'exigences his
toriques contingentes et d'intérêts s'y rappor
tant
Considérer l'Etat comme une fin la
quelle toutes choses doivent être subordon
nées et orientées ne pourrait que nuire la
vraie et durable prospérité des nations et
c est ce qui arrive, soit quand un tel empire
''limité est attribué l'Etat considéré comme
ntandataire de la nation, du peuple, de la
famille ethnique ou encore d'une classe so-
Cla'e, soit quand l'Etat y prétend en maître
absolu idépendamment de toute espèce de
mandat.
En effet, si l'Etat s'attribue et ordonne
u guise les initiatives privées, celles-ci, ré-
S'us comme elles le sont, par des règles inter
nés. délicates et complexes, garantissant et
assurant 1 obtention du but qui leur est
Propre. peuvent être lésées au détriment *du
lcn public lui-même, du fait qu'elles se
Souvent exclues de leur milieu naturel, au-
'rément dit de leur propre responsabilité et
leur activité privée.
Mais la première et essentielle cellule de
1 société la famille, avec son bien-être et
*>n accroissement, courrait alors le risque
être considérée exclusivement sous 1 angle
e a puissance nationale. Et l'on oublierait
1Ue 1 homme et la famille sont, par nature,
antérieurs l'Etat et que le créateur a donné
a un et l'autre des forces et des droits, et
,tUr a assigné une mission correspondant
es Agences naturelles certaines
La Belgique catholique a rendu diman-
I che un émouvant et unanime hommage au
Christ-Roi. Cet hommage a pris un carac
tère solennel par une messe célébrée
Saii le-Gudule en présence de la Famille
Royale, et au cours de laquelle S. Em. le
Cardinal an Roey a prononcé une allocu
tion que tous les catholiques belges doi
vent lire et relire. Après le Roi, c'est le
chef de 1 Eglise de Belgique qui nous dicte
notre devoir au milieu des difficultés de
1 heure. Conduits par des chefs aussi sages
et prévoyants, la Belgique ne pourra sor
tir que grandie de 1 épreuve l'esprit na
tional s'en trouvera fortifié. Nous devons
nous tenir opiniâtrement l'abri des pas
sions qui agitent les peuples et accomplir
avec fierté la tâche magnifique qui incom
be aux petits pays neutres d'Europe de
meurer les refuges de la civilisation oc
cidentale.
Que nos lecteurs découpent et conservent
cet important extrait du discours de S. Em.
le Cardinal van Roey.
Sur une grande étendue de l'Europe et
sur tous les océans, la guerre est déchaînée,
et elle sévit nos portes. En quelques se
maines, que de destructions elle a causées,
que de richesses économiques anéanties,
que de vies humaines fauchées, que de foy
ers ravagés, que de trésors de civilisation
jamais saccagés Et qui pourrait prévoir
et calculer les ruines matérielles, morales
et spirituelles quelle sèmera encore sur sa
route
Nous plaignons les peuples soumis l'é
pouvantable fléau nous espérons que la
paix ne tardera pas longtemps revenir et
surtout nous formons des vœux pour qu'elle
soit fondée sur la justice et la loyauté, de
manière être durable et définitive.
Au milieu d'un monde en ébullition, la
Belgique, jouit encore du bienfait de la
paix. Elle le doit la clairvoyance et la
fermeté de son Souverain et la sagesse
des gouvernements qui ont pris cœur
d'exécuter la volonté royale ;elle le doit
aussi aux circonstances providentielles,
toutes différentes de celles de 1914, alors
que l'invasion ne lui laissait aucun moyen
d'échapper la guerre.
Cette fois-ci, le pays n'a pas été acculé
cette nécessité extrême, et, en conformité
avec ses traditions constantes et avec ses
intentions pacifiques itératàvement procla
mées la face du monde, il a décidéen
toute indépendance et souveraineté, de res
ter en dehors du conflit.
Cette attitude de neutralité se justifie
amplement.
D'abord, elle répond au désir, en som
me, unanime de la population, et pareil
désir doit être un facteur appréciable pour
tous ceux qui ont régler les destinées du
pays.
Ensuite, aucun devoir moral ne peut dé
terminer la Belgique déclarer la guerre.
Elle n'y est tenue par aucun pacte ni ac
cord international. Elle a toujours prati-
tiqué la loyauté l'égard de toutes les
puissances. Elle n'est pour rien dans les
origines de la guerre et n'est point respon
sable des causes lointaines ou immédiates
qui ont amené la sanglante mêlée.
Par ailleurs, il est manifeste que le bien
suprême du pays demande la paix, aussi
longtemps qu'il est possible de la conser
ver Or, le devoir de PEtat consiste a pro
curer et promouvoir le bien de la com
munauté nationale c'est son devoir uni
que son devoir suprême il en est pas
qui aille au-delà et au-dessus du bien com
mun des citoyens. Telle est la règle de la
morale chrétienne, pleinement conforme
aux principes du droit naturel. Le bien
commun commis la garde de l'Etat, ce
ne sont pas seulement les biens matériels,
ce sont les vies de citoyens, c'est la pos
sibilité de vivre dans les temps venir,
ce sont nos foyers, nos villes et nos villa
ges, nos trésors d'art, d'histoire, de cul
ture millénaire. Or, l'entrée en guerre de
la Belgique n'aurait d'autre résultat tangi
ble que d'étendre la dévastation et le car
nage, et de faire de son sol une nouvelle
fois le champ de bataille de l'Europe.
Au surplus, cette attitude (Tindépen
dance est un bien, même pour les belli
gérants. Si elle reste en dehors du conflit,
et cette condition s'ulement, la
Belgique peut devenir l'instrument de la
Providence, d'abord pour soulager les mi
sères qu'une guerre prolongée entraînera
inévitablement, et ensuite pour rendre ac
cessibles éventuellement les voies de la
paix.
Tous ces motifs dictent clairement no
tre pays son devoir maintenir tout prix
sa position de paix et faire son devoir
est toujours honorable. Ce serait un cri
me contre la patrie, de l'engager dans le
gigantesque conflit, en dehors du cas de
nécessité absolue, extrême, inéluctable,
c est-à-dire en dehors du cas ou l'existence
du pays serait directement menacée.
Heureusement, nous avons tout lieu
d'espérer que cette éventualité ne se pré
sentera pas, et qu'au contraire la Provi
dence continuera nous protéger.
Notre position de paix est solide.
Elle a pour garantie la promesse for
melle des puissances belligérantes.
Elle a surtout pour garantie notre ar
mée bien équipée, fortement établie sur
ses lignes de défense, prête tout itistant
protéger notre indépendance.
Elle a pour garantie permettez-moi,
Sire, de le dire en votre présence, le
sens réaliste et la ferme volonté du Roi,
en qui le peuple belge tout entier place en
ces moments difficiles une confiance sans
réserve.
Et vous tous, mes Frères, vous pouvez
et devez collaborer efficacement au main
tien de la paix. Ce que la Patrie demande
tous les citoyens, en ces moments graves,
c'est la maîtrise de soi, la calme décision
de faire chacun son devoir ordinaire le
mieux possible, l'acceptation généreuse
des restrictions et des sacrifices imposés
par la situation, le dévouement aux œu
vres d'entr'alde et de charité que les be
soins actuels ont suscitées.
Il faudrait aussi que tous observent
loyalement, dans la manifestation publi
que de leurs sentiments, les devoirs qu'im
pose la neutralité.
Il (importerait grandement enfin que les
causes des divisions intérieures disparais
sent, et que l'union des esprits et la con
corde fassent converger tous les efforts
vers le bien suprême de la Patrie.
Bref, le devoir de l'heure présente exi
ge de toute conscience honnête un patrio
tisme actif, généreux et solidaire.
Mais je voudrais élever vos pensées
un niveau infiniment plus haut et fixer
votre attention sur des devoirs encore plus
importants et plus efficaces.
Les formidables événements auxquels
nous assistons invitent, en effet, tous les
observateurs attentifs reconnaître les
réalités invisibles. Ils posent de troublants
problèmes, tels que le pourquoi de la
Voire suite en 2me page)
(SUITE)
Le Belge malheureusement porte congé-
nitalement la fronde l'égard du pouvoir
qui. par fonction et par éducation d'Etat,
veille sur lui. Il suit les petits chefs irres
ponsables du parlementarisme et du jour
nalisme. Il a tout du politicien, rien du po
litique. Il est rebelle l'Exécutif respon
sable, au Chef constitutionnel et dynasti
que. Dans les deux cas d'interprétation et
d'application de nos statuts de neutrali
té celui de 1839 comme celui de 1936
le peuple s'est trouvé, des heures graves,
en désaccord avec la dynastie. Léopold II
en fit la cruelle expérience, pour le mal
heur du pays en 1914.
Le Grand Roi un des plus extraordi
naires de l'histoire européenne et africaine
voulut la grandeur et le salut de la
Belgique. A cette tâche de dynaste, il con-
summa sa vie, sa popularité, son bonheur
de chef de famille et de roi.
Il agrandit la Belgique en fondant de
toutes pièces, et lui seul en quelque sor
te, le Congo Belge. Pour entreprendre et
réaliser l'Oeuvre créatrice, le Souverain de
l'Etat Indépendant du Congo se détacha des
influences du corps interne du petit Etat
dont il était le prisonnier, et quand il s'en
rapprocha pour ne pas fléchir sous les
charges financières de l'entreprise démesu
rée, et pour commencer aussi l'œuvre de
donation la Belgique, sa patrie, les in
compatibilités se révélèrent. Lne partie no
table et influente de l'opinion se fit même
1 alliée de l'Angleterre contre le bâtisseur
d'empire.
Léopold II voulut ensuite assurer la sé
curité extérieure de la Belgique agran
die.
Aux yeux des politiciens de l'époque, le
statut de neutralité imposée et agrantie suf
fisait pour donner cette sécurité. Aux yeux
de Léopold II, il en allait tout'autrement.
Le Roi ne croyait pas plus la constance
de nos voisins qu'à la sincérité des parle
mentaires belges, principalement préoccu
pés de garder la faveur des grands élec
teurs brugeois, qui répugnaient le servi
ce militaire personnel et les impôts. Le Roi
voulait donner au pays des armements dé-
fensifs sérieux. Ces armements requéraient
des effectifs et un budget honorable de la
Défense Nationale, des hommes, de l'ar
gent, du matériel. Le réquisitoire enflammé
que fut le discours de Bruges restera un
document de l'histoire de Belgique. La lut
te dramatique entre l'intérêt du pays et
l'intérêt sordide des clans ne prit fin que
sur le lit de mort de Léopold II, par une
victoire incomplète encore et tardive du
Monarque, dictateur authentique et bien
faisant dans l'illustre lignée des Saxe-Co-
bourg-et-Gotha de Belgique.
Avec les forces que le règne précédent
puis le sien avaient pu préparer, Albert
1er soutint l'honneur de la parole et des
armes du pays dans des circonstances d'é
popée. Mais cette gloire ne l'enivrait pas.
Nous avons été acculés l'héroisme
déclara-t-il un jour avec le sain réalisme
d'un Prince qui savait que la guerre est un
péril mortel pour un petit Etat, et que la
Belgique ne l'avait pas cherchée, si ce
n'est en se tenant désarmée entre de
puissants voisins. Plus attaché aux réalités
qu'aux souvenirs sentimentaux et aux ap
parences, le Roi de l'Yser perçut, la
fin de son règne, que les alliés, sous
les coups répétés de leurs fautes, avaient
perdu la paix. D'une part l'Allemagne
réarmait rapidement, de l'autre l'Italie ni
l'Angleterre ni même la France n'admet
taient plus le recours aux moyens de coerci.