La Vierge- Mére dans la Nativité de Memlinc LE MYSTERE DE NOËL Administration Rédaction 163, Chaussée de Ghistelles, St ANDRE-lez-BRUGES publicité 10, Rue St Georges, Bruges. Abonnement 30,Fr. l'an. C. C. P. 367.225 Le numéro 60 centimes. Téléph. 3 1 5.24 SAMEDI 23 DECEMBRE 1939 HEBDOMADAIRE 92me ANNEE No 5» par Dom Romuald VAN WESEL La liturgie de Noël est imprégnée de joie. L'optimisme qui se manifeste tout au long fo cycle liturgique semble atteindre son apo- pe en ce jour. Réjouissons-nous donc, sui- rant la parole de St Léon, sans prendre gar ée aux tristesses de not-e temps car il n'y a point de place pour l'affliction l'apnari- rion d'une vie qui, détruisant la crainte de la mort, nous réjouit par la promesse de la vie éternelle (1) Toutes les générations chré tiennes, au cours des siècles l'ont si bien sen ti que Noël est devenu synonyme de réjouis sance mais hélas pour beaucoup d'in croyants cette fête n'est plus qu'une nuit de réveillon et de dissipation où l'on s'amu se l'affolement du plaisir ayant remplacé la joie sereine que procure la participation u mystère de ce jour. Si l'on veut bien comprendre ce que re présente pour un chrétien, pour un baptisé cette fête de la naissance du Sauveur, il faut nécessairement recourir la liturgie, ces textes anciens, vénérables et charmants où la sainte Eglise apprend ses enfants combien Dieu les aime puisqu'il leur donne son Fils Unique. Ce sont eux qui nous introduiront dans ce mystère qui réjouit l'Eglise depuis dix-neuf cents ans. A parcourir rapidement les textes de la liturgie de Noël, on pourrait croire que l'Eglise veut seulement commémorer la nais sance de Jésus Bethléem. Elle y revient en effet avec une insistance qui ne s'interrompt pas. Le titre officiel de la fête est lui-même déjà une affirmation catégorique In Na- tivitate Domini, en la naissance du Sei gneur Puis tout au long de l'office nous rencontrons de nombreuses allusions Ma tines, le refrain de l'Invitatoire Le Christ est né pour nous, venez adorons-Le I hymne Jesu Redemptor omnium tout entière consacrée chanter cette naissance, la proclamer digne de toute louange cause du jour de votre naissance les répons de Matines Voici qu'aujourd'hui le Roi des «eux est né de la Vierge et surtout cette messe de minuit, l'heure même de la nais sance du Christ, avec son Evangile si tou chant, ce récit de la naissance dans la pau Tteté et l'abandon. Il semble pourtant qu'au delà de l'événe ment accompli Bethléem la Sainte Eglise vm atteindre autre chose. Un mot sur l'ori- g'ne de la solennité va nous éclaircir le pro blème. Tout d'abord le 25 décembre est-il vrai ment 1 anniversaire de la naissance du Sau- 'jUr Question bien difficile résoudre. V a-t-il donc pas eu au cours des temps j^e tradition fixe ce sujet Hélas non, premiers chrétiens n'avaient pas nos eu- par LOUIS BEYAERT nous, des sources d'amour. «usités et ce n'est que vers le IVme siècle ?Ue 'on a songé cette date. Il n'a jamais (te question du 25 décembre avant cette épo- ce sont d'autres motifs que l'histoire lui ont donné son importance, n sait en effet que le IVme siècle vit un 'angement complet dans les conditions existence de l'Eglise. C'est le siècle de la 2lx constantinienne. de la fin des persécu- °ns' entrée de l'Eglise dans une ère de tospérité inconnue jusqu'alors. Pour autant on Peut saisir cette évolution, le culte JV'Ut a ce moment un éclat tel qu'on n'en 7'* Jamais connu auparavant. Des histo- consciencieux fixent cette époque 1 2e nocturne de la të*e (Voir suite en page Z) Noël premier jalon du Cycle Liturgi que Tandis que la lit érature de l'Eglise en commente et en chante le Souvenir, l'Art Chrétien, en illustre les fastes, et fixe, en le matérialisant, le carac ère des personna ges qui s'y meuvent. Sans doute le Christ en demeure le centre et l'objet cependant que nous nous arrêtons moins longuement de vant les traits, trop peu définis encore, du Nouveau-Né pour nous attarder devant ceux de la Mère, source et prototype spirituali- sés de toute perfection humaine. Sans doute, sera-ce toujours l'Art de la Grèce que nous demanderons de nous ins truire des hautes disciplines ouvrant l'esprit et les yeux au sens et aux formes de la Beauté, encore que ses déesses de Paros ne trouvent pas le chemin de notre cœur. Ces' que, perfection géométrique, équi libre suprême et beauté formelle sans éga le, elles ne sont pas de notre sang, ni bap tisées- Seul l'Art Chrétien, en dépit des naïvetés et des tâ onnements de ses premiers essais, nous fait cependant retrouver, devant ses images de Marie, la divine enfance du cœur que Renan s'obstinait en vain cueillir sur l'Acropole et qui nous lie d'a mour avec Elle dès une première rencon tre- Pas plus que Praxitèle et Phidias n'a vaient vu leur modèles, les maîtres chré iens ne s'étaient trouvés face face, dans sa réalité objective et vivante, avec le leur. Seule, une con emplation in érieure, soute nue par l'élan de la prière et un sens chré tiennement humain, permit ceux-ci de rejoindre une expression et une forme ap propriées. Aussi bien, pour qu'elle nous atteigne avec plus de sûreté, sont-ils par tis sa découverte, dans les milieux fami liers de la vie. Douce chose des âges passés et venir, Negotium Seculorum leurs représen tations de Marie portent, dès le moyen âge, et la piremière renaissance occiden taie, le sceau du siècle, l'empreinte de la race et du pays qui la vénèrent. Ils lui prêtent de plus un sourire, une tendresse, une sérénité parfois et, souvent une douceur, capables de desceller en C'est dans le Cycle des Nativités du XVème siècle surtout, que l'expression de Marie 3 apparen e le mieux celle de la Marnai penchée sur notre berceau. Aux d'-sses lointaines et abstraites ainsi qu'a l'Eve an ique il oppose, non seulement, la nouvelle Eve, mais la Mère, la Sœur, la Fiancée et l'Epouse Dès lors, nous voici devant la femme transfigurée demeurant, encore aujour d'hui pour nous, la Dame comme elle le fût, jadis, pour le manant lui offrant sa prière travers les fleurs de son lopin de terre, autant que pour le haut baron ou chevalier, emportant ses reliques sous le bro srne e le haubert ou gravant son nom sur la gaine d'une épée, qui n'en frappai! pas moins sûrement d'estoc et de taille En marge de 1 Evangile traduit dans une langue que nous comprenons bien puisqu'elle est nôtre, la ligne de la Tige- Vierge, qui a produit la Fleur, s'es adap tée notre vision personnelle, s'est pliée notre esprit national, et demeure bercée aux souffles de nos climats. Aussi, nous pouvons suivre, grâce elle, dans la suite de ses variations provinciales et locales, travers les goûts, mêmes et les modes du jour auxquels tout jusqu au type humain, se conforme ici, les multi ples aspects et les expressions de la beauté féminine. Il n'est pas jusqu'au caractère régio nal et folklorique des soins entourant de leur sollicitude l'accouchée et le berceau de l'enfant que, dans maints panneaux, nous ne trouveront traduits. Réalisme pieux, rapprochait l'humani té de Marie de la nôtre et qui nous per met, la connaissan' mieux, de l'aimer da vantage et de l'admirer avec une plus consciente ferveur. L'Allemagne vous prêtait, 0 Vierge, le front bombé, les yeux de myosotis, les cheveux blonds e. le teint de lait des fil les du Rhin Ave Maria A vous Madone de la Loire toutes les séductions de cette molle terre, la dou ceur de son climat, la grâce de vos sœurs tourangelles Ave Maria Madame la Berrichone, combien la ron deur de votre visage et votre pose sont enclines aux courtoisies des dames roya les Ave Maria Reine du Bourbonnais, au profil allon gé et dominateur, aux lèvres minces, l'ovale ascétique et émacié Ave Maria Et Vous enfin, encore qu'il faudrait en chanter tant d'autres moins proches- Marie des Flandres Bourguignones élar gies, portant vélure la mode de Bru ges et de Dijon Altière comme ces bour geoises, en qui Jeanne de Navarre saluait des rivales, vous avancez tête haute vos mains fines et vos poignets ciselés révè lent le sang bleu et l'arc de vos lèvres s'es! détendu aux douceurs des verbes fla mands Ave Maria 1 Et ouisqu'aussi bien l'écho des hymnes qui lui sont dédiées, passe, mon insu, dans ma voix, pourquoi, en cette veille de Noël, ne point chanter vêpres et de main Matines, en mesurant le Mystère de la Nativi.é et en confrontant Marie l'in- snira ion de Memlinc, dans le panneau de gauche du triptyque dont l'Hôpital St- Jean a la garde. La Miséricordieuse de meure eî sa Maternité proche, où som meillent tant de nouveaux-nés, s'en trou veront, pour quelques brièves heures, transfigurés en un Bethléem de chez nous. C'est l'heure où la division s'est opé rée entre elle et Lui, première et non dou loureuse, que Memlinc nous la fait voir intégralemen vierge et réellement mère. L'artiste s'est-il souvenu des vers du vieux poète que cite le théologien Jean Caramuel Pourquoi me peindre sans mon Fils Peins-moi, par impossible sans moi-même, plutôt que sans Lui Aussi bien, si rien n'approche plus, dans notre art du Nord, de l'esprit du temps iiaduit dans cette strophe et de la suavité méridionale de Fra Angelico et de Filippo Lippi, que l'expression et la ligne de ce te composition, c'est que Mem linc, comme ses frères d'Italie emprunte la note dominante de son inspiration l'office de No're Dame Virgo quem ge- nuit adoravit Et voyez comme le Maître donne Ma rie, par delà les accessoires du costume e'. du décor, une pose commandée par un cérémonial de règle l'époque, cepen dant qu'une simplicité émue et confiante illumine et relève la conscience de sa dig- nilé. De plus il nous fait combien reconnaî-

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