IE PEINTRE
LAERMANS
BRUGES-COU RTRAI
MOUSCRON - YPRES
BILLET
PARLEMENTAIRE
LE NŒUD DE LA
GUERRE DANS LA
MER DU NORD
93me ANNEE No 10
HEBDOMADAIRE
SAMEDI 9
ADMINISTRATION - REDACTION
163, CHAUSSEE DE GHISTELLES, 163,
SAINT-ANDRE - lez - BRUGES
PUBLICITE 10, RUE St GEORGES, BRUGES
ABONNEMENT 30,— FRANCS L'AN
LE NUMERO: 0,60 CENTIMES
COMPTE CHEQUE POSTAUX 367.225
TELEPHONE 315.24
MARDI
La Chambre a commencé mardi après-
midi l'examen du projet de loi relatif la
défense des institutions nationales.
Il ne fallait pas être grand clerc pour de
viner que ce projet de loi mettrait aux pri
ses les partisans des mesures de défense de la
aie de l'Etat et les apôtres de la liberté inté
grale. Au fonds une vieille querelle qui re
parut de temps en fmps dans le cows d'un
siècle et qui se prête aux belles phrases et
aux appels passionnés.
Ce que veut le gouvernement Punir
teux qui poursuivent la destruction de l'in-
iépendance de la Belgique, des libertés con
stitutionnelles ou d? nos institutions. Il ré
prime non la pensée, ni le groupement
mais les actes d'individus isolés ou grou
pés. C'est une loi de circonstance qui ne
s'apoliquera que durant la période de mo
bilisation. Le Conseil de Guerre est compé
tent, mais complété par deux magistrats ci
vils. La loi ne suscite pas beaucoup d'en
thousiasme, mais elle sera votée, parce que
la gravité des circonstances actuelles, ne per
met pas l'Etat de se livrer sans défense
eux manœuvres des révolutionnaires.
L'orateur mandaté de la droite est le
Comte Henri Canton de Winrt.
Il a connu dans sa longue vie parlemen
taire des heures brillantes. A l'origine de sa
vie politique il a suivi la bannière de la
démocratie chrétienne. Au temps où la gran
de ombre de Woeste condamnait l'obscu
rité ceux qui prenaient place autour de lui
sur les bancs de la droite il fallait pour fai
re sa trouée lancer un cri d'opposition. Ju
les Renkin et Carton de Wiart étaient ce
moment les gamins turbulents cassant des
vitres. Il a monté d'une allure régulière et
tranquille l'escalier des honneurs officiels.
Ministre, Président du Conseil il a marqué
son empreinte sur quelques années de notre
vie nationale. Puis lorsqu'il a connu le dé
clin de son influence l'intérieur, son étoi
le a trouvé un nouvel éclat la tribune et
i la présidence de l'union interparlementai
re. Il est président de la droite un peu par
le bénéfice de l'âge. Les anciens amis de la
démocratie chrétienne ne retrouvent plus
leur ancien leader. Sa silhouette reste jeu
ne. Taille élancée, une bonne figure ronde,
un regard éveillé qui rappelle celui d'un
courtisan rompu aux intrigues de Cour.
C'est un lettré, qui des publications in
téressantes ont valu le titre d'académicien.
Les titres d'ailleurs ne sont pas faits pour
lui déplaire Monsieur le Comte celà
sonne bien dans les salons Monsieur le
président dans les couloirs de l'inter-
parlementmre, celà vous donne une assu
rance l'abri de toute défaillance.
Il appartient cette génération qui ne
veut pas vieillir et qui trouve comme de
Broquevilte, qu'à 80 ans il vaut la peine de
planter. J'ajoute que cette génération a
beaucoup travaillé qu'elle avait du talent
et que les faiblesses qu'on peut lui reprocher
ne sont après tout que l'apanage de l'hu
maine nature.
de Laveleye, avocat libéral, ancien minis
tre de la Justice, me fait songer aux giron
dins de l'Assemblée Constituante. Il a le
type sportif. Une figure qui reflète les pas
sions qui l'animent. Il sourit pour mieux
tttaquer. Lorsqu'on l'entend parler de liber
té, on songe la Marseillaise de Rude. Son
verbe est incisif, il fonce sur l'adversaire, il
déteste les violes et préfère les sonneries de
clairon. Le parti libéral le charge d'affirm r
la tribune que malgré son attachement pas
sionné la liberté il donnera son adhésion
au projet.
Un orateur d'opposition, le nationaliste
flamand Romsée, avocat inscrit au barreau
de Bruxelles monte son tour la tribune.
Une petite figure pâle, laquelb un tic don
ne l'impression du sou-ire perpétuel. Un
intellectuel de haute classe qui avec Borgi-
non et Elias participe la direction du na
tionalisme flamand. Il parle parfois avec
préciosité, puis il renforce le ton et mortel
le les phrases. Un petit homme fluet qu^
ressemble un roseau ballotté par les vents;
mais qui s'impose l'attention par une dia
lectique serrée et sa langue châtiée.
Degrelle la tribune prend l'allure du
gavroche. Un ton gouailleur, la main en
poche, la figure tantôt haineuse, tantôt
railleuse les mots qui roulent en cascade,
qui défient et sentent l'org-uil et la morgue.
Son intervention Celle d'un pamphlétaire
qui a ramassé dans la presse socialiste des
bouts de phrases, et qui sert Spaak, De
Brouckère, Huymans et compagnie leurs dé
clarations d'il y a trois ans. Il n'y a rien
dans son discours qui rappelle le juriste ou
l'homme d'Etat qui s'applique 3_ l'étude
d'un projet de loi relatif la défense des
institutions nationales. Se croit-il peut-être
au Palais des Sports Les socialistes devien
nent nerveux. Ils s'agitent. Hubin coutu-
mi r du fait crie crapule hypocrite
il quitte son banc et les poings tendus se di
rige vers Degrelle. Celui-ci lui saisit les deux
mains tandis que les huissiers s'avancent
comme des escargots vers les lutteurs. A ce
moment Hubin fait le geste de lancer un
crachat vers Degrelle.
Les nationalistes flamands et les commu
nistes s'agitent comme des diables dans un
bénitier et crient règlement règle
ment
Van Cauwelaert décide de suspendre la
séance pour consulter le bureau.
Pendant une bonne heure les députés vont
la buvette, ou se répandent dans les sa
lons tandis que les sages de l'assemblée dé
libèrent impétueusement et se demandent
comment liquider élégamment l'incident
Hubin-Degrelle.
Les sonneries rappellent les députés en
séance. Avec une gravité qui convient un
président de Chambre, Van Cauwelaert pro
nonce l'arrêt.
La personne d'un parlementaire doit être
respectée. Dès lors une sanction doit être
appliquée Hubin. D'autre part il y a lieu
de tenir compte comme circonstances atté
nuantes, d-s souffrances que la guerre cau
sées Hubin. Conclusion il est exclu pour
la durée d'une séance.
Et alors nous avons assisté une scène as
surément unique dans les annales du Parle
ment. Hubin fait son mea culpa il s'incli
ne devant l'autorité présidentielle il recon
naît qu'il a eu tort de s'attaquer un mem
bre de la Chambre. Mais en même temps il
s'adresse ses collègues et il leur dit lors
que Degrelle nous a traité d'hypocrites et
de satellistes de l'Allemagne, je me suis sou
venu qu'en 1914, je m'étais engagé pour
défendre le pays que mon fils aime son
tour combattre et est revenu invalide cent
pour cent que mon deuxième fils a eu le
suite page 2)
De rembouchure de l'Elbe la côte oc
cidentale de l'Angleterre, il y a cinq cents
kilomètres vol d'oiseau, line heure de
vol d'avion. Quant la Grande-Bretagne,
plus communément appelée Angleterre,
mais qui comprend en fait l'Angleterre, le
Pays de Galles et l'Ecosse, c'est une île
d'environ 235.000 kilomètres carrés sépa
rée du continent européen par la Manche,
le Pas-de-Calais et la Mer du Nord. Sa
superficie est inférieure celle des princi
paux Etats européens: Allemagne, France,
Espagne, Pologne, Yougoslavie, péninsule
italique. Elle compte une population d'en
viron 49 millions d êîres dont la force et
la faiblesse la fois viennent de ce qu'ils
tirent leur subsistance et leur richesse du
dehors et particulièrement d'un empire ma
ritime dispersé dans les océans et conte
nant un monde de 400 millions d'individus
de toutes races dominer et conduire au
milieu des intrigues extérieures.
En août 1914, la nature des armements
imposa encore aux généraux de Guillaume
II la tactique de Napoléon l'attaque par
la route terrestre pour arriver au Pas-de-
Calais, étroit bras de mer dont j>n pouvait
i en ter le franchissement. La" Bataille des
Flandres de '1914 et la bataille d'Amiens
de 1918 devaient dans les plans de l'état-
major allemand, être suivies de l'établis
sement d'un nouveau camp de Boulogne.
!La stratégie de la guerre qui a commen
cé le 1er septembre 1939 est jusque main
tenant différente. Elle est inspirée d'armes
nouvelles qui permettent, tout au moins
provisoirement, de négliger la route et l'ar
me terrestres et de commencer par la route
maritime et la route aérienne de la mer du
Nord le blocus de l'île britannique.
Ces armes nouvelles utilisant les unes
1 eau (ce sont les mines et les torpilles
magnétiques, les premières posées, les se
condes lancées par le sous-marin), les au
tres 1 air (ce sont les bombes d'avion), ont
supprimé le rempart maritime derrtène
lequel 1 île s'abritait. C'est sur le rempart
que maintenant on se bat chaque joui. Pour
un adversaire suffisamment proche comme
1 Allemagne, les armes existent pour atta
quer 1 île dans son corps même comme dans
ses communications avec le monde exté-
r'euL k; sous-marin lance-torpilles bat
particulièrement les routes océaniques, tan
dis que les mines et les avions infestent
les mers étroites, les estuaires et les entrées
des ports. L avion peut aussi bombarder,
asphyxier et contaminer les populations.
Ainsi la Belgique et la Hollande sont-
elles par la géographie et la stratégie coin-
oées entre le marteau et l'enclume. Le dan
ger immédiat, cause des armes, est da
vantage dans les airs et sur mer que sur
terre. Mais 1 affaire de l'AItmark sur les
côtes de Norvège vient de montrer que la
marge de sécurité se rétrécit.
LES NEUTRES ET LES ANTAGONIS
TES.
L'Angleterre contraint les neutres con
duire leurs bateaux marchands dans les
eaux territoriales britanniques pour les sou
mettre la censure commerciale, mê
me quand ces navires vont d'un port neu
tre vers un autre port neutre. Elle prétend
maintenant interdire non seulement aux na
vires de guerre, mais aux navires mar
chands de 1 Allemagne, d'employer, con
formément aux accords internationaux, les
eaux territoriales des neutres comme route
de navigation. Elle interviendra par le6
armes dans les eaux des neutres si c'est
nécessaire pour faire prévaloir cette volon
té. Avec ou sans l'autorisation du gouver
nement norvégien, a dit en s'avançant le
contre-torpilleur britannique au torpilleur
norvégien qui gardait les eaux territoriales.
L'Angleterre exerce d'autre part une pres
sion pour amener les navires neutres se
ranger dans les convois escortés par ses
vaisseaux de guerre. Et son rigorisme na
val ira se resserrant la mesure du déve
loppement de la collaboration économique
des Germano-Russes par voie de terre.
L'Allemagne de son côté s'efforce d'in
terdire aux neutres, par la mine, la torpil
le et la bombe, l'accès des eaux anglaises.
Elle bombarde par avion et elle torpille
les navires neutres qui prennent place dans
les convois de la marine britannique. Elle
déclare suspect tout navire neutre qui tou
che un port anglais. Elle s'efforce de rendre
particulièrement dangereux les passages
que la marine anglaise trace aux neutres
pour se rendre la formalité de la visite.
Elle tient sous la menace de ses forces ter
restres ceux de ses voisins qui ne feraient
pas respecter son gré leur frontière ma
ritime. Elle coule en haute mer des navires
neutres isolés transportant d'un port neu
tre dans leur pays des marchandises dont le
consignataire est leur propre gouverne
ment.
Bref, les belligérants foulent au pied le
droit des gens et s'acharnent violemment et
savamment, chacun sa façon, terroriser
les petits neutres des mers du Nord et les
asservir leur cause et leur stratégie
de guerre. Cest la loi de la jungle, la loi
du plus fort.
Les manières sont tout autres l'égard
des grands neutres. Italie, Amérique, Ja-
f>on, dans les mers excentriques paTticu-
ièrement. Pourquoi
Parce que dans les mers du Nord, le blo
cus maritime de 1 Allemagne et le contre-
blocus de l'île britannique sont ouverts et
que ce duel farouche mettra un des anta
gonistes mal, sinon mort, et tous deux
cherchent dans leurs alentours des posi
tions pour se couvrir et pour mieux frap
per. La Belgique et la Hollande sont bien
au centre des cercles infernaux et il leur
faudra toute leur prudence, toute leur for
ce, tout leur courage, toute leur solidarité
de neutres pour émerger et tenir.
Louis HABRAJV.
(1864-1940).
Le peintre Laermans, qui vient de mou
rir, comptait parmi les artistes les plus
représentatifs de chez nous. Les organisa
teurs des grandes expositions l'ont, de
puis plus de 30 ans, considéré comme tel.
On ne visitait pas de salon d'art belge
1 étranger sans y rencontrer quelques
tableaux du maître. Les musées des prin
cipales villes de Belgique et d'Europe lui
ont réservé une place de choix. Sa renom
mée est largement établie. A celui qui a
fait connaîire et estimer davantage notre
pays, qui l'a honoré par son œuvre, il
est juste d adresser un salut reconnais
sant.
s*