Remèdes aux temps présents
LES ROIS, L'INDEPENDANCE
POLITIQUE ET LA SECURITE
(suite de la Ire page)
2. LA PATRIE DU 23-3-40.
possible de le faire changer d'avis. J'ai écrit
un jour qu'il aurait précipité un pays et un
parti dans une catastrophe pour faire triom
pher son idée. Mais d'autre part au Gouver
nement cette qualité le caractère, dont
l'accès est dangereux, lui permettait d'im
primer la chose publique une direction sa
lutaire, et le sens des responsabilités atté
nuait ce que dans l'opposition son entête
ment avait de néfaste.
Il était incontestablement de taille do
miner la situation économique du pays. Ce
n'était ni un idéaliste, ni un rêveur. Il s'in
titulait lui-même un réaliste. Il est vrai que
dans l'âpre vie politique, il ne faut pas que
des moutons, il faut aussi des dogues. Ne
faut-il pas mordre pour écarter des adver
saires dangereux
Devant tant d'appétits déchaînés ne faut-
il pas d'un front d'airain pouvoir dire
non Tant dans la question flamande,
qu'au point de vue d'une structure écono
mique et financière saine il était un appoint
solide pour un premier ministre réalisateur.
Une vision complète de sa vie mouve
mentée permet de conclure que Gustave Sap
a été un bon serviteur du pays. Lorsque
l'homme est entré dans l'éternité, le chrétien
ne peut plus que prier pour lui et présenter
sa famille éplorée ses condoléances émues.
MERCREDI
Mercredi dernière séance de la session
parlementaire avant les vacances la
Chambre examine rapidement le projet de
loi sur les loyers.
En matière politique tout est affaires de
circonstances. En temps normal, si la
Chambre disposait des loisirs qu'exige l'exa
men d'une proposition de loi importante,
le projet subirait incontestablement des mo
difications considérables. Tant droite qu'à
gauche des amendements nombreux atten
dent dans les tiroirs une offensive toujours
possible soit en faveur des propriétaires,
soit des locataires. Mais que voulez-vous
Nous sommes la veille desvacancesDe
plus il faut une solution il faut une loi.
Les juges de paix, les propriétaires et les lo
cataires attendent. Actuellement c'est
l'anarchie.
Comment agir dès lors pour faire preuve
de sagesse 3 Accepter purement et simple
ment les projets tel que le Sénat l'a voté.
Les conservateurs ont peur que l'admission
d'amendements ait pour conséquence de sa
crifier complètement les droits du proprié
taire. Les socialistes craignent que des chan
gements auraient pourrésultat certain de
rendre la situation du locataire plus com
pliquée. Ces deux oppositions pour s'anni
hiler ne peuvent que rétablir leur harmonie
par le vote du projet de loi, qui est d'ail
leurs une transaction raisonnable entre deux
intérêts qui sont souvent aux prises.
Il y a d'ailleurs deux considérations qui
dominent toute la matière des loyers les
propriétaires et les locataires sont par la
nature des choses appelés se concilier. Le
bon sens indique que l'entente entre eux est
essentielle, et que dès lors ils doivent tâcher,
dans un esprit de loyauté et de réalisme, de
trouver une solution raisonnable. Deuxième
principe si cette première tentative ne
réussit pas il appartient au juge de paix,
conformément sa mission essentielle, de
tâcher de concilier les parties.
La Chambre aborde ensuite au pas de
course une série de projets, qui en fin de
session ont chance de passer sans discus
sion. Règlement des budgets de 1935 et
1936 Histoire ancienne, qui n'intéresse
plus que les amateurs d'antiquités législati
ves.
Convention entre l'Etat et la Ville d'An
vers Il faut habiter les bords de l'Escaut
ou tenir les cordons de la bourse de l'Etat,
pour parcourir les textes d'une convention
conclue après des pourparlers laborieux.
Examens académiques. Délais pour mobi
lisés. On leur jette en courant cette faveur
peu coûteuse. Autorisation du Gouverne
ment de garantir l'intérêt et l'amortissement
d'un emprunt contracter par la Ligue des
Familles nombreuses.
Après que De Tollenaere a prononcé le
panégyrique de Kinderzegen, le projet pas
se sans observations. Enfin l'assistance fi
nancière de l'Etat la Sabena. Le voyage
en avion intéresse surtout les députés mos-
coutaires. Les autres députés y prendront
peut-être l'avenir goût. C'est tellement
vrai que quelques-uns se lèvent, ce qui a
pour résultat la remise de l'examen après
vacances.
A cinq heures et quart le Président de la
Chambre rappelle l'œuvre accomplie par
l'assemblée depuis la rentrée. Et au cri tra
ditionnel Leve de Voorzitter Vive
le Président la séance est levée.
Les députés se précipitent dans les cou
loirs, heureux de quitter pendant trois se
maines l'hémicycle, qui sera livré aux coups
de balais des femmes la journée.
Bonne fête de Pâques Le chroni
queur parlementaire finit par ce souhait sort
billet et quitte ses lecteurs en exprimant le
vœu que pendant quelques jours ils puissent
oublier dans la joie pascale les soucis poli
tiques.
En s acquittant de cette mission, la Bel-
gique concourt d'une façon éminente
la paix de l'Europe occidentale et elle
se crée ipso facto un droit au respect
et l'aide éventuelle de tous les Etats
qui ont intérêt cette paix
Donc des armements personnels 6apa-
bles de couvrir notre territoire et notre
secteur d'Occident. Et en réserve, l'assis
tance des garants restés loyaux, si l'un
se montrait félon. Telle est notre respon
sabilité. Tel est notre devoir. Pas moins.
Mais pas plus
Mais nos engagements ne doivent pas
aller au-delà. Toute politique unilaté-
raie affaiblit notre position l'extérieur,
suscite tort ou raison la divi-
sion l'intérieur
C'est de nous-mêmes donc que nous de
vons tirer l'arme de notre sécurité
A moins de disposer elle-même du
système de défense capable de résister,
la Belgique se verrait, dès le début, pro-
fondément envahie et tout de suite sac-
cagée. Passé ce stade, les interventions
amies pourraient certes assurer la vic-
toire finale mais la lutte couvrirait le
pays de ravages dont ceux de la guerre
de 1914-1918 n'offrent qu'une faible
image
Donc ayons 1 armée de notre politique.
Et il est certain qu'une alliance multi
plierait les risques d'une agression fou
droyante et de ravages irrémédiables. La
Belgique serait le terrain où les adversai
res viendraient vider leur querelle. Nous
leur aurions nous-mêmes offert le champ
de bataille, en nous découvrant par l'al
liance contractée.
Et ce qui frappe ici, c'est que le jeune
Roi redoute cette conséquence d'un com
pagnonnage diplomatique et militaire
concerté, comme le Roi Albert calculait
déjà avec inquiétude, en 1916, qu'une of
fensive outrance de nos grand Alliés
ruinerait nos provinces.
Reprenons ici ces nobles paroles de no
tre troisième Roi qui, des rives boulever
sées de l'Yser portant son regard affec
tueux et sa pensée inquiète sur la patrie
envahie, disait en père du peuple
Notre pays est presque entièrement
envahi plus de sept millions de Bel-
ges subissent la dure loi de l'occupant.
D'autre part, l'expérience des récentes
offensives nous montre que la conquête
de la Belgique par les armées alliées
l'expose une totale destruction. Quel
jugement prononcerait l'histoire sur une
politique qui n'aurait pas envisagé d'au-
tre moyen de délivrer le pays que la
continuation outrance d'une lutte dont
une des conséquences serait la ruine
et le dépeuplement de nos plus bélles
provinces. Il est possible que les gran-
des puissances n'aient pas de ménage-
ment garder dans la conduite de la
guerre. Nous, par contre, nous avons
garder ces ménagements. C'est ainsi que
nos intérêts peuvent ne pas être les mê-
mes que les leurs et il est nécessaire
que nos grands protecteurs le compren-
nent...
«|Le Gouveirnement doit parler loya
lement mais fermement, dire aux Alliés:
Notre pays souffre il souffre le plus
de tous ses souffrances ne cesseront
qu'avec la guerre; une guerre de destruc-
tion nous détruira aussi nous jugeons
que notre intérêt est de connaître les
conditions que l'ennemi offrirait, que
ces conditions doivent être examinées
la lumière des principes pour lesquels
nous avons pris les armes et des possi-
bilités de reconstitution de notre pays
sur la base de notre indépendance, de
Louis MARLIO membre de l'Institut a
publié ces derniers mois plusieurs arti
cles dans la Revue des Deux Mondes
où il analyse d'une façon magistrale la
situation Européenne. Son article du 1
mars Un nouvel ordre social est par
ticulièrement intéressant.
Le Libéralisme social, qui d après 1 au
teur est une philosophie définissant un
ordre nouveau de vie collective, a soule
vé parmi les économistes un intérêt con
sidérable. Sa doctrine se différencie du Li
béralisme orthodoxe en ce qu'elle tient
compte côté des valeurs économiques
des valeurs nationales ël des valeurs so
ciales l'économie pure, abstraite et
par là même partiellement irréelle elle
joint une économie politique plus syn
thétique et plus concrète. En définitive
ce que nous cherchons c'est trouver un
ordre social tdlérable nous croyons com
me nous le dit Pierre Gaxotte que le
capitalisme représente la forme la plus
efficace d'organisation économique, mais
qu'il ne peut se défendre que sur le plan
subordonné, qui est le sien, dominé par
les valeurs religieuses, morales, intellec
tuelles et politiques qu'il est incapable de
fournir et incapable de renforcer
Marlio nous dit que le Libéralisme so
cial qui d'après lui devrait être la théorie
de l'Europe de demain est basé sur deux
principes
1" sauvegarder le libre jeu des transac
tions, sauf les exceptions du droit d'in
tervention de l'Etat dans les domaines li
mités qui lui sont réservés (défense du
territoire, sûreté intérieure, services pu
blics, monnaie).
2" pratique d'une politique sociale assez
progressive pour que, sans verser dans
la démagogie, le système de production
libéral soit avantageux pour le grand nom
bre. Tout celà sont des théories; impossible
de les détailler ici. Certainement la doctri
ne semble intéressante et tient compte de
la sévère apostrophe que Lacordaire lan
çait aux libéraux. Sachent donc ceux qui
I ignorent, sachent les ennemis de Dieu et
du genre humain quelque nom qu'ils pren
nent qu'entre le fort et le faible, entre le
riche et le pauvre, entre le maître et le
serviteur c est la liberté qui opprime et
c'est la loi qui affranchit.
L'auteur avec raison me semble-t-il n'est
pas partisan du partage des bénéfices en
tre patron et ouvriers idée généreuse sans
doute mais impraticable il se rallie
l'impôt progressif pourvu qu'il reste rai
sonnable et soit plus élevé pour la richesse
acquise que pour la richesse en formation.
II admet lia corporation, groupant les syn
dicats patronnaux et ouvriers de la même
industrie non pas pour lui confier la so
lution des problèmes économiques mais sur
le plan social capable beaucoup mieux que
l'Etat de régler les conditions du travail-
t hômage- allocations familiales-pensions
etc.
Sans doute la première question résou
dre, le problème préalable, c'est obtenir la
paix. Peut être Nous sentons tous cepen
dant que la cause de la guerre est économi
que. Il faut que celà change. Comment se
fera pratiquement le passage de l'Etat pré
sent, du nationalisme économique, de Tau
tarcie égoïste au système des libres échan
ges internationaux qui semble être le but
de la guerre des Anglais et des français et
qui est indispensable. Evidemment rien
n'est impossible. L'exemple de la Suisse où
allemands, français et italiens vivent en
semble nous prouve que la Fédération Eu
ropéenne pourrait exister.
Certes la guerre actuelle et la mentalité
des Etats totalitaires surtout, semble l'op
posé de ces idées. Mais c'est parfois le
moment le plus critique qui est l'heure des
grandes décisions. Souhaitons le Mais
commençons par réhabiliter l'esprit, par re
mettre l'honneur la raison, par exiger de
l'individu qu'il recommence penser. Lut
tons contre les slogans dont nous avons tant
souffert depuis vingt ans. Les allemands
payeront... le Diktat de Versailles l'es
pace vital l'accès lia mer... le pou
voir d'achat... le mur d'argent... les
deux cents familles... chacune de ces idées
contient une idée fausse et parfois plu
sieurs. Qu'on prêche, qu'on ne tolère même
que quelques idées simples... Que le travail
est seule source de richesse... Que la con
tinuité de l'effort est la condition du suc
cès.
La génération dont nous sommes a dé
truit la plus grande partie des réserves de
richesses accumulées par les renoncements
du passé. Il est plus que temps d'évoluer.
Ce sera difficile, mais c'est dès maintenant
qu'il faut le faire. Sachons avant tout que
ce n'est pas l'Etat qu'il faut demander
le bonheur. Il est incapable de le créer il
ne peut lui, que constituer des privilèges.
Le bonheur, si nous entendons par là la sa
tisfaction matérielle, il n'y a que le tra
vail et l'économie qui peuvent le créer.
Tirons en les conclusions qui s'impo
sent et mettons lia tête de notre pays, s ils
n'y sont pas encore, des hommes honnêtes
et réalistes qui aient comme devise Rai
son-Travail-Patience et qui osent réagir
contre les bobards qui depuis la Révolu
tion de 1789 empoisonnent le monde. Alors
nous mériterons la Paix alors nous pour
rons songer une Fédération Européen-
son intégrité en Europe et en Afrique,
de justes compensations
Le Roi Albert en 1916 comme le Roi
Léopold III en 1936 considéraient donc
tous deux la politique d'indépendance et
de neutralité armée et vigilante de la Bel
gique comme le bouclier de la sécurité du
pays et de la paix.
Avec les documents que nous venons
d'analyser ici et avec d'autres encore, nous
avons montré cette magistrale unité mo
rale et politique de la dynastie nos amis
les Croix du Feu de Namur, dans une
conférence que leur président, le docteur
Falmagne, avait bien voulu nous inviter
faire ces frères d'armes de 19114-1918.
Dressés spontanément la fin de la cause
rie, les vieux soldats chevronnés firent
la dynastie l'émouvant serment de disci
pline nationale que méritent son habileté
consommée, la noblesse de sa conscience
et de son courage et la rectitude de son
jugement au service de la Patrie parmi
les périls du dedans et du dehors.
Louis HABRAN.
à- Entre autres raisons qui ont
déterminé la Finlande ne pas demander
1 aide militaire des Anglo-Français con-
tre les Russes, il y en a une qui a été
donnée par M. Ryti, premier ministre, au
parlement d Hellsinki et que les petits peu
ples de l'Europe occidentale doivent mé
diter. La voici, d'après le Vingtième Siè
cle du 17 Mars
n^' R,ytl dit ensuite que l'aide des
allies n avait pas été demandée parce
que cela aurait certainement signifié
que la Finlande aurait été impliquée
dans la grande guerre, dont le théâtre
aurait été transporté du front occiden-
tal en Scandinavie
La Finlande entendait donc tenir sa
guerre de défense l'écart de la guerre
des grandes puissances, ouverte dans
l'ouest de l'Europe. Ce fut aussi la préoc
cupation des Scandinaves de ne pas être
entraînés dans la guerre contre l'Allema
gne. Voici comment s'explique le Premier
finlandais
Lorsque les hostilités sont en cours.
elles suivent leur propre loi. Il peut
arriver qu'une partie désire la paix et
que l'autre ne la désire pas. Mais il
peut arriver aussi, un certain moment.
que les deux parties désirent la paix.
Lorsqu'un moment pareil est arrivé, il
faut saisir l'occasion courageusement
En d'autres termes, quand lia guerre
russo-finlandaise éclata, la Finlande vou
lait la paix dans l'honneur et dans la li
berté. L'U. R. S. S., elle, voulait la guerre
pour abattre la Finlande, pour renverser
le régime intérieur et lui substituer le
gouvernement bolchevik de Kusinen.
Après trois mois de lutte épuisante, 1 F.
R. S. S., conseillée sans doute par l'Alle
magne, modéra ses prétentions. Les trou
vant acceptables, la Finlande se dégagea
de la guerre. Et sa chance, ce fut de pou
voir négocier suivant son libre arbitre,
sans devoir passer par les calculs et les
volontés de grands alliés engagés dans
une guerre aux origines et aux buts de la
quelle 'la Finlande est étrangère.
L. H.