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NIEUWJAAR 1895.
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5 AU
VAN
Feuilleton du journal "LaLutte-De Strijd,,
JEAN CHALON,
En Mars, un matin, la sage-femme, qui
depuis plusieurs nuits logeait dans la maison,
offrit a Jacques Delmas une belle petite fille...
Adieu l'espoir d'un gar^on Hélène se montra
plus chagrine que son mari, mais après quel-
ques minutes, il fut décidé qu'ils aimeraient
bien la petiote tout de mème, et qu'elle aurait
nom Georgette.
Lorsqu'on dit en pareil cas une belle petite
fille, ou un bon gros gargon, c'est fagon de
parleren réalité, la poupée humaine agée de
quelques heures, rouge comme un homard
cuit, toute plissée, sans regard et poussant un
cri toujours le même, énervant, sans repos,
ne peut guère paraitre jolie qu'aux yeux inté
ressés et prévenus des parents. La sage-femme
■déclara que c'était un superbe bébépapa et
maman ne demandaient qu'a la croire sur
parole. Et forte Elle en avait rarement vu
d'aussi fortes, d'aussi bien constituéesc'était
vraiment phénoménal... ét ses petits, petits
ongles roses étaient si merveilleusement for
mes, et sa tête molle encore portait un si fin
duvet soyeux Sinon qu'il fallait la laisser
tranquille, on ne se fut pas lassé de la regarder
et de la manier, avec une foule de délicates
précautions.
Le lendemain, Jacques la présenta a l'ins-
cription de 1'état-civil. 11 essayait de donner a
cette formalité un certain caractère solennel
correctement vêtu, accompagné de son anti
Berlin, d'un de ses chefs de fabrication, élus
par lui comme témoins, et de la sage-femme
tenant dans ses bras la gamine, il se présenta
a l'école communale, faisant fonctious d'hötel-
de-ville. Le secrétaire-instituteur, après la
classe finie, avait cbaussé de gros sabots, et il
s'occupait a noyer ses cboux sous des (lots de
purin. Apprenant qu'on l'attendait, et que
monsieur le directeur en chef de l'usine était
la, il accourut, mais sans changer de toilette,
et portant sur toute sa personne un parfum qm
ne ressemblait ni a la rose ni au jasmin. Le
hureau oü il fallut entrer était horriblement
sale et détérioré de la potissière sur tous les
meubles, une tapisserie déchirée et tachée
d'encre, un planclier non balayé depuis les
élections dernières.
Quelques jours après eut lieu le baptême.
On avait atteudu que la jeune maman put des
cend re et assister au repas. Monsieur et Mada
me Goflin arrivèrentHélène avait, de guerre
lasse, choisi celle-ci pour marraine. Lui conlia-
t-elle la scène qui s'était passée avec Jacques,
ou une partie settlement, ou rien... l'ingénieur
ne put former sur cc point que des conjectures.
Comme il avait d'avance déelaré ne pas
mettre les pieds a l'église, oü d'ailleurs le curé
pouvait se passer de lui, Hélène se crut obligé
d'expliquer cette abstention a ses parents, ct a
la sage-femme, et a Antoinette, la servante, en
disant que la présence de son mari était indis
pensable pour surveiller la mise a feu d'un
haut fourneau, et que de graves intéréts en
dépendaient. Jacques ne la contredit point, et
la laissa raconter sa petite histoire.
Bertin et sa femme, invités a diner ce jour-
la, s'excusèrent poliment. Et comme Delmas,
prenant a part son ami, insistait et le pressait
Non, dit le médecin un autre jour tant
que tu voudras.
Puritain lui dit Jacques en riant.
-- Calotin répliqua Claude, sur le même
ton.
Une voiture vint l'heure convenue mon
sieur et madame Goffin y montèrent, parés de
leurs plus beaux atours, et la sage-femme por
tant Georgette. Le curé mit sa griffe sur l'en-
fant, qui dorénavant lui appartenait, disait-il
en latin. Sur sa grosse figure rougeaude s'épa-
nouissait une expression peu dissimulée d'e-
xaltation il prit comme due la pièce d'or que
lui tendait le parrain, inscrivit la chose sur un
registre a lui, que signèrent le parrain et sa
commère, et ce fut terminé en moins d'un
petit quart d'heure. Sous l'eau et le sel, la
petite fille poussa des cris affreux, malgré les
efforts que la sage-femme et le sacristain
déployèrent pour la calmer. Devant l'église
attendaient une foule de pauvres, auxquels
monsieur Gofiin jeta quelques poignées de
nickel. Et la voiture au pas remonta lecoteau.
Froide avait été la cérémonie, glacial fut le
diner. Ces gens semblaient gêués de se trou-
ver ensemble'; un sous-entendu facheux planait
dans Fair. Mais quand la grand'mamah resta
seule avec sa fille, la sage-femme et la petite,
alors elle se raltrapa ce furent longues et
intimes causeries, conseiis, recommandations
a perte de vue. Elle déshabilla et rhabilia elle-
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par an
même Georgette, je ne sais combien de fois,
et la proclama la plus jolie du monde il fallut
qu'en sa présence on Ia lavat... Quelles exta
ses I La bonne femme se voyait jeune et recom-
menqait pour une bonne heure sa vie
passée depuis vingt ans.
Les Godin deux jours après retournèrent
chez eux, promettant de revenir aux cérises.
Les années qui suivirent f'urent charmantes
pour les deux jeunes ménages de B.-sur-Sam-
bre le nuage sombre s'était dissipé 'la ques
tion religieuse semhlait a jamais oubliée.
Georgette grandissait, s'arrondissait, pros-
pérait, soignée comme une petite princesse"
sous l'oeil ami de Berlin qui donnait les con
seiis hygiéniques. Elle était Fame de la maison,
et l'on ne vivait plus que pour elle, oubliant
le.reste. Cbacun de ses progrès dans la vie oü
elle débutait fut accompagné de commentaires
et de menues joies.
Le premier regard son ceil trouble et indé-
cis s'éclaircit, se fixa, suivit les mouvements
d'une bougie allumée, puis le balancement du
doigt. Ensuite le premier sourire elle recon-
nut- sa mère et agita ses petits bras, devenus,
comme lout son corps, d'un blanc trés délica-
temenl teinté de rose. L'affreux ton de ho
mard cuit avait depuis longtemps disparu. Elle
souriait a sa mère, mais point a Jacques ni a
Claude, ni madame Annie, ni la servante.
Ce ne fut que beaucoup plus tard qu'elle sourit
a son père. Celui-ei ne s'en facbait pas, recon-
naissant volonliers qu'IIélène avait pour le
bébé des attractions qu'il était absolument
incapable de lui offrir.
Ypres, imp. Lambin-Mathée, rue au Beurre, 20
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PAR,
SUITE.
LA SUITE AU PROCtlAIN NUMÉltO.
