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Feuilleton du journal" La Lutte-De Strijd,,
JEAN CHALON.
Avec le concours servile du bourgmestre, le
curé avait établi dans Ie eimetière un trés sor-
dide trou (les chiens, encombré d'orties et de
pierrailles, juste sous la gouttière de la sacris
tie. Inutile épouvantail, car personne n'eüt osé
se passer des sacremenls catboliques a sa der-
nière heure, et encore moins en interdire l'ap-
proche h ses parents et amis.
La loi de '1842 (1) donnait au curé la haute
main sur l'école, en inscrivant obligatoire la
religion catholique. II est vrai que le législa-
teur, dans l'hvpothèse d'élèves appartenant a
d'autres cultes, avait daigné permettre que ces
élèves tussent dispensés des legons de caté-
chisme mais une telle exception était tenue
pour monstrueuse licence, dont personne évi-
demment n'userait jamais. Et partout, la loi
mettait ensemble, inséparables, la religion et
la morale, preuve que les gens sans religion,
ceux qui n'étaient pas avec le curé, ne pou-
vaient se targuer d'aucune espèce de moralité.
En l'absence de Tinspecteur ecclésiastique,
qui se montrait rarement d'ailleurs, le curé
gouvernait done, entrait a toute heure dans les
écoles, interrogeait, commandait, examinait
les livres, flairait partout si aucune odeur
hérétique ne transpirait.
Les classes des ftlles étaient tenues par deux
vieilles demoiselles, deux sceurs, ayant noms
Cunégonde el Dorothée. Comme Tenseigne-
ment primaire comprend au complet six an-
nées, elles avaient chacune trois divisions a
conduire simultanément, dans la même salie.
Un maitre rencontre déja quelque difficulté
pour en faire travailler bien une seule, en y
employant toute son attention. Par malheur,
le consei! communal, qui ne refusait jamais
de voter de belles indemnités de logement
pour le curé et le vicaire, des réparations a
l'église, un traitement pour le sacristain et
pour le sonneur de cloches, n'avait plus d'ar-
gent quand il était question de payer une troi-
sième institutrice, et d'agrandir les locaux de
l'école. L'enseignement allait done a la diable,
s'il est permis d'employer ce mot en parlant
d'aussi dévotes personnes. Mais le curé était
content, voila le principal.
Les deux maitresses avaient obtenu leur
diplome normal dans un convent de religieuses,
et elles conservaient haute vénération pour les
saintes mais passablement ignores fem-
mes qui avaient enriclii ce diplome de leurs
signatures.
Les salles d'écoles étaient ornées chacune
d'un énorme crucifix noir se détacbant dure-
ment sur le mur blanclii a la chaux puis
d'une vierge en porcelaine dorée, occupant
une sorte d'autel, avec des bougies et des bou
quets" fréquem ment renouvelés par des élèves.
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Aux murailles en outre, mesdemoiselles Cuné
gonde et Dorothée clouaient des images pieu-
ses, christs et vierges de pacotille, coloriés
par une main barbare, et exhibant au milieu
de leur poitrine ouverte de volumineux coeurs
saignants et flamboyants, de véritables étalages
de boucberie.
Matériellement, les classes étaient bien en-
tretenues, propres, claires, gaiesaucun relent
malsain ne flottait dans l'air, et Jacques, qui y
jeta un coup d'oeil en amenant sa lillette, s'en
montra satisfait.
Les études consistaient principalement h
apprendre, développer, répéter, commenter,
copier le catéchisme donné a l'église par le
curé. Les logons de choses, pale reflet des
sciences naturelles, la botanique, la zoologie,
l'idée de l'anatomic humaine et de l'hygiène,
ne figuraierit même pas au programme après
six années de banc, les élèves savaient lire et
écrire... fort mal trés peu d'arithmétique et
de géograpliie quelques notions d'histoire de
Belgique congues avec la bonne foi du père
Loriquet et dans le but de glorifier l'église
romainevoila tout. Mais en revanche, elles
pouvaient se dire de première force sur l'his-
toire des Hébreux, suffisamment expurgée et
édulcorée pour qu'on put l'appeler saintesur
l'histoire de l'Eglise, les schismes, les héré-
siessur le grand catéchisme du diocèse, les
indulgences, le culte des dulie, dhyperdulie et
de latriesur les subtiles differences qui sépa-
rent le péché mortel du péché véniel dans
toutes les circonstances de la vie, et sur les
fagons variées de pécher par désir, par inten
tion, par omission sur les trois degrés de la
tentation, savoir la suggestion, Ia délectalion,
et le consentementsur la difference entre
NoticesEtudesNotes et Documents
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nécessité de moyen et nécessité de précepte
sur les vertus cardinales et théologales, la
grace actuelle et la grace sanctifiante sur les
quatre actions de la pénitence, contrition,
confession, satisfaction et absolution sur les
sept dons et les douze fruits du Saint Esprit...
Mademoiselle Dorothée donnait souvent a
ses élèves ce devoir: expl iquer par écrit une
image pieuse. Mademoiselle Uunégonde affec-
tionnait les lectures dans la Vie des saints,
dans les Annates de la propagation de la foi.
Les pauvres petites intelligences des fillettes,
qui sont cires molles, recevaient ces emprein-
tes, et l'église les pétrissait sans opposition. II
faut que l'atmosphère de l'école soit religieuse,
a dit un jésuite protestant.
Après la première communion, la plupart
des enfants quittaient les demoisellesles
champs, le ménage, les fabriques hélas 1 aussi,
les réclamaient. Elles allaient a l'école en vue
de cette communion, le reste étant regardé
comme accessoire et de mince valeur.
Les inslitutrices faisaient volontiers chanter
en choeur des cantiques par leurs élèves, pour
cloturer saintement les travaux du jour, Abon
nees diverses petites publications catholiques,
le Propagateur de la Devotion a Saint-Joseph,
le Rosier de Marie, le Culte de Ia Sainte-.
Vierge, les Annales de la Salette, elles y trou-
vaient un riche choix de ces poésies, et elles ne
savaient rien de plus beau Quand venait mon
sieur le doyen, inspecteur du diocèse, on exé-
cutail en sa présence quelques morceaux du
répertoire.
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(i) La situation scolaire de B. sur S. a été exactement
établie d'après des documents extraits de l'enquête sco
laire /1880-82) et autres faits de mot connus.
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LA SUITE AU PROCIIAIN NUMÉRO.