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Feuilleton du journal "LaLutte-De Strijd,,
10
JEAN CHALON.
Quand le curé fut admis dans le cabinet de
monseigneur, celui-ci ötait lentement ses gants
violets, comme s'il rentrait petite comédie
pour humilier sou rustique confrère- Devant le
prélat domestique, le curé qui, a B., tenait le
haut du pavé et faisait trembler tout le monde,
devenait humble et tremblait a sou tour. Inu-
tiles les gros biceps et la rudesse des poignes!
II regardait les gants violets, comme un petit
chien regarde le bon os que tient un dogue.
Tout de suite, il expliqua sou affaire.
Oui, oui, je comprends, susurra le grand
vicaire. En effet, voila un facheux contre
temps, dans une commune oü, jusqu'a ce jour,
aucun dissident, pas un... et ce monsieur est
directeur de la plus importante usine, et tient
dans sa mam je ne sais combien d'ouvriers...?
Pius de quatre cents, monseigneur.
Quel mauvais exemple Peut-être d'au-
tres voudront l'imiter II n'y a pas moyen de j
remplacer ce Delmas par un de nos amis Le
conseil d'adminis!ration
Tous sont bons catholiques, monseigneur,
et nous pouvons compter sur eux en temps
d election. Mais Monsieur Delmas est un direc-
Moyen infaillible de faire poudre les
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teur hors ligne il a relevé la fabrique grace
a lui, d'énormes dividendes sont répartis cha-
que année, toujours croissants. Quand de si
grands intéréts sont en jeu, les principes de
messieurs les administrateurs...
Alors, nous ne pouvons pas empêcher ce
scandale la loi est nette. Un jour ou l'autre,
nous raraéliorerons, mais en attendant...
maledictus ille per quern scandalum venit. Je
suppose, monsieur ie curé, que dans voire vil
lage si religieux, cette petite fille exemptée du
catéchisme et ne se présentant pas a la com
munion, ne sera pas bien accueillie par ses
compagnes les autres élèves la considéré-
ront un peu comme brebis gaieuse... et ue
voudront pas jouer avec eile... li faut fuir les
hérétiques, dont la parole se répand comme Ie
cliancre et la peste... oh comprenez-moi
bien je regrettcrais iniimment qu'ón lui lil
des avanies, ou qu'on Ia méprisat, maïs enfin,
si ces choses arrivent, je m'en lave les mains.
Pauvre petite Malheureuse a cause de l'im-
piété paternelle c'est la lot divine tons les
hommes n'ont-ils pas supporté le poids du
pêché origine!paree que jadis, Adam a man-
gé une pomme défendue Ah vou-; êtes le
confesseur de la mère, sans doute.
Oui, monseigneur.
Je n'ai pas besom de vous apprendre que
son devoir en pared cas l'oblige a enseigner ie
catéchisme eile-mème, malgré toutes les op
positions. Allez, monsieur le curé retournez
parmi vos excellents paroissiens vous êtes un
homme intelligent, et a la première occasion,
je parlerai de vous a Sa Grandeur le révéren-
dissime évêque.
Monseigneur, dit le curé hum'nlement,
oserais-je vous demander de ne pas m'oublier
k B. sur S. Et si un jour quelque paroisse
devenait vacante h la ville...
Oh bien, interrompit le grand vicaire
en souriantjc comprends. Moins de besogne
et plus de revenu.Plus de messes surtout.
Si vous saviez les demandes qui nous arrivent,
appuyées par nos personnalités politiques les
plus considerables... dix pour une cure qui a
son titulaire encore bien portant. Sa Grandeur
est assaillie.
Mais si vous, monseigneur, ajouta fine-
nieni lecuré, si vous vouiiez me protéger, j'ar-
riverais.
Ah vous croyez cela II se pourrait en
effet, répliqua le grand vicaire, évidemment
finite. Mais il faudrait vous signaler par une
action d'éclat, une élection difficile, un libre
penseur influent au trou des chiens oh
personne ne nous écoute une vocation riche,
un beau testament.- Nous verrons, monsieur
Ie curé, nous verrons.
Le soir même, le cure eut avec mesdemoi-
selles Doroihée et Cunégonde une longue en
trevue qui resta absolument secrète. Pour plus
grande sureté et craignant quelle n'écoutat a
la porte, le curé avait envoyé en commission
a l'autre bout du village sa vieille servante
Babette, une curieuse
Jacques conduisait maintenant sa fillette a
l'école, la ramenaita midi, redescendait a une
iieure et demie, remonlait a quatre heures.
I/ingénieur avait un peu modifié son travail a
"sine, pour que l'enfant n'eut pas d'autre
guide que lui. II s'amusait de ses petites con
versations et il suivait l'éclosion de ses jeunes
idéés se faisant enfant Iui-même pour être
compris, et s'intéressant, lui le fier pétrisseur
du métal, a quelque poupée, k une bestiole
rencontrée en chemin. Et Georgette l'adorait.
Le soir encore, il s'occupait d'elle, surveillait
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tes de carton, collait en album les images
d'Epinal, les chromos et les timbres-poste.
Un jour, le père vit que Georgette avait
pleuré et il s'informa la maitresse la mettait
sur un banc a part, loin des autres, paree
qu'elle n'apprenait pas Ie catéchisme. Jacques
eut une lueur, mais il ne put admettre d'abord
tant de méchanceté, et il attendit. Georgette
lui conta de nouveaux chagrins les petites
filles ne voulaient pas jouer avec eile, ni mêrne
lui adresser la parole on lui donnait de vilains
noms. Par d'habiles interrogations, Delmas
connut Ia vérité on maillait aulour de sa fille
un réseau complet d'avanies.
Ainsi, par des allusions indirectes, mais
sans relache, les demoiselles méprisaienl les
petites païenneset les élèves imitaient et dé-
passaient leurs mattresses fiel de devote par
ici, inconsciente cruauté de i'enfance par-Ik
L'heure du catéchisme changée, venait main-
tenant au beau milieu des autres lemons, de
sorte que Georgette se voya.it obligee d'arri-
ver k huit heures de neufa dix, eile sortait,
quasiment on la mettait k la porte, et toute
seule eile attendait debout, immobile dans le
corridor sans feu. Les institutrices ne perdaient
aucune occasion d'écraser 1 'hérétique sous ieur
pitié dédaigneusemille coups d'épingle-
Quand viendrait la distribution des prix, Geor
gette Delmas n'en aurait aucun, c'était sur,
car les points du catéchisme formaient une
fraction importante de i'ensemble, et la com
mune était trop pauvre pour donner autant de
prix que de branches d'étude. Une vieille fille
en puissance du curé, un rancissement dans
i'ombre des soutanes, quelle peste
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