tu veux la fortune que tu as acquise mais part a deux, camarade, part aux pauvres, et cela sous forme d'impöt progressif sur les successions. (Applau dissements prolong és Car si vous voulez étudier de prés le programme du parti ouvrier, vous verrez que les instruments principaux de la transformation de la société que nous poursuivons, sout i'impöt pro gressif sur les successions et l'impót progressif sur le revenu. Pas d'impöt sur le pauvre, sur celui qui a trop peu ou qui n'a que le nécessaire mais double impöt sur le riche qui a trop impöt sur son superfiu, impöt sur sa succession. Yous me dites cela ne ressemble guère a ce que nous lisons chaque jour, ce n'est pas le partage des biens que l'on assimile au collectivisme dans les journaux conservateurs. Croyez-vous que cette stupide idéé du partage des biens nous soit jamais venue nous voyez-vous, partageant une fabrique entre les ouvriers, donnant a chacun un clou ou une brique Ceux qui vous disent le collecti visme, c'est le partage des biens, sont, ou bien des imbéciles qui ne savent rien de la question, on bien des gens qui connaissent le collectivisme et vous prennent vous, pour des imbéciles. Applaudissements Messieurs et compagnons, la con férence étant contradictoire, je m'at- tends a ce qu'on vienne me dire C'est trés bien, vous vous êtes un opportuniste, vous parlez dans un milieu peu socialiste oü vous n'osez pas dire tout ce que vous désirez. Et on viendra me citer mon ami Smeets, un homme féroce, terrible, un parta- geux, dira-t-on au Conseil provincial de Liège, il s'est prononcé pour Im propriation immédiate de tous les bour geois sans indemnité vous êtes done en désaccord avec lui J'avoue que lorsque j'ai lu dans les journaux le fait que je viens de rappeler, je me suis dit mon ami Smeets m'a l'air d'être allé un peu loin. Mais j'ai eu 1a. curiosité de recou- rir au compte-rendu du conseil provin cial de Liége, et j'ai lu je suis d'avis qu'il faut exproprier le3 capitalistes sans indemnité (ga y était!) au moyen de Vimpót sur les successions. Mais alors nous sommes absolument d'accord, et nous sommes d'accord avec des non-so- cialistes. A M. Frère-Orban lorsqu'il a fait établir un modeste impöt de 1 0/° sur les successions en ligne directe, a M. Frère-Orban aussi on disait vous êtes un socialiste, un partageux. Nous ne voulons quètendre ce que M. Frère- Orban a commencé, mais avec un but bien déterminé. Ce but, je vous le rappelle, c'est l'entrée dans le domaine collectif d'un grand nombre d'industries oü la con centration s'est faite ou se fera rapide- ment. Nous avons contre nous ceux qui veulent laisser l'industrie a l'initia- tive privée, mais on viendra a nos doc trines. Lorsque M. Rogier a proposé l'exploitation des chemms de fer par l'Etat on lui disait aussi il faut lais ser les chemins de fer a l'industrie pri vée. Mamtenant, bien loin de lacher les chemins de fer, l'Etat les reprend. A tous les points de vue l'exploita tion par l'Etat est supérieure a l'ex ploitation par les compagnies. Ceux qui ont voyagé le même jour sur le réseau de l'Fltat et sur celui d'une com pagnie l'ont constaté. Les ouvriers des compagnies eux-mêmes demandent a entrer au service de l'Etat, et je regois chaque jour des lettres d'ouvriers des compagnies me disantM. le représen tant, laites votre possible pour que telle ligne soit reprise et que nous soyons traités comme nos camarades de l'Etat. Fin Belgique, l'Etat exploite déja les chemins de fer, les postes, les télé- graphes, les canaux en France, en Italië, en Espagne, en Autriche, les ta- bacsen Suisse, l'alcool en Prusse, des charbonnages en France et en Saxe, des fabriques de porcelaine en France, les allumettes, etc. II n'est pas difficile dés lors de prévoir le jour oü toutes les grandes branches d'industrie seront réunies a l'Etat, seront des ser vices publics. n Nul ne songe a transformer d'un coup les industries en services publics. Ce qu'on veut, c'est l'agrandissement constant du domaine collectif et la reconstitution des biens communaux Voila le programme collectiviste'. Les uns veulent le réaliser lentement, les autres plus rapidement mais tous ont le même but. On nous objecte que, lorsque les industries appartiendront a l'Etat, ce sera pour les ouvriers, les employés, une tyrannie intolérable. Et l'on cite l'exemple du chemin de fer, oü les sa- lariés ne jouissent d'aucune liberté. II faut croire cependant que le ser vice de l'Etat a des avantages, car les ouvriers des compagnies demandent la reprise par l'Etat des lignes concédées et la considèrent comme un bieufait pour eux. Mais voyons ce qui se passe dans l'industrie privée. A Quenast par exemple, après la grande grève de 1888, les ouvriers car riers, tous socialistes, forment une so- ciété de résistance, un syndicat. Les patrons en veulent la suppression. Les ouvriers sont appelés isolément chez les patrons, qui leur font signer une demande de dissolution de leur société. Tous obéissent, mais sortant du bureau du patron, ils signent une déclaration qui constate que c'est contraints et for- cés qu'ils ont signé la demande de dis solution de la société. Les patrons font assigner les administrateurs de la so ciété ouvrière devant le tribunal, pour entendre prononcer la dissolution du syndicat. Mais les avocats des ouvriers produisent la seconde déclaration, et le procés est encore en suspensles ou vriers ne peuvent plus se réunir, et pour échapper a l'espionnagepatronal, sont forcés d'envoyer leurs votes par écrit losqu'il y a une décision a pren dre. Est-ce de la liberté Et vous autres, ouvriers qui m'é- coutez, oseriez-vous, un jour d'élection mettre a votre boutonnière une cocarde rouge et voter a, bulletin ouvert pour les candidats de votre choix Non on vous enferme dans l'isotoir, en vous disantvotez en loute libertévotre vote est secretni le curé ni le bourgmestre ne sauront comment vous avez voté. Ces précautions ne prouvent elles pas que vous n'êtes pas libres d'agir comme il vous convient Applaudissements prolon- gès). Pour être libre dans notre société, l'ouvrier doit avoir une situation maté- rielle qui ne le force pas a se courber devant le riche. Anseele, Léonard, Maroille dans les coopératives socialis tes sont libres, paree qu'ils possèdent une part de propriété collective comme chacun devrait en posséder une. Ap plaudissements n En régime collectiviste, il y aura une distinction nette entre le gouver nement des hommes et l'administra- tion des choses. II n'y aura pas de po litique dans les grandes industries administrées par l'Etat. M. Vanden- peereboom lui-même semble l'avoir compris, car une f'ois a la tête de l'ex ploitation des chemins de fer de l'Etat, il a cessé de s'occuper activement de la politique gouvernementale ayant l'intuition de la séparation qu'il doit y avoir entre le gouvernement des hom mes et l'administration des choses. L'Australie nous fournit up exem ple de ce que sera l'Etat industriel de l'avenir. Les chemins de fer y sont ad- ministrés par une commission élue par les Chambres, le président de cette commission n'est pas un homme poli tique. Le personnel est organisé et a ses représentants dans un conseil de conciliation, comprenant aussi des dé- légués du ministère, oü l'on régie de comraun accord la situation du person nel. En Australië, grace a cette orga nisation indépendaute de la politique, les ouvriers ont leur mot a dire. Aussi les salaires sont-ils élevés, et les jour- nées de travail courtes. [Applaud.) Quand on travaillera pour l'Etat, on n'aura pas la même ardeur au tra vail c'est une objection courante. Mais quel intérêt a l'ouvrier au- jourd'hui a bien travailler Aucun autre que celui de n'être pas renvoyé. II se conduit décemment sous l'oeil du contremaitre, mais travaille avec aussi peu d'énergie que possible. Allez au contraire au Vooruit ou a la Maison du peupledans nos grandes coopératives ouvrières. La, pas de surveillance, pas de contremaitres pour appliquer des amendes, pas de patron pour empocher le plus clair des profits. Aussi les ouvriers y travaillent énergi- quement, ils chantent, ils sont heu- reux. Pourquoi Tous sont proprió- taires collectifs de leurs instruments de travail, ils sont socialistes dans 1 ame, et voient dans leur cooperative 1 image de la grande' société collectiviste future dont l'espoir les enthousiasme. On dit aussi qu'il taut des patrons pour diriger. Mais aujourd'hui les di recteurs dos industries sont aussi des salariés. Au lieu d'être directeurs pour le compte de capitalistes anonymes, ils le seront pour l'Etat. Qu'y aura-t-il de changé Que vaut-il mieux, être chef d'une entreprise capitaliste dans l'intérêt de quelques-uns, ou être le délégué de ceux qui travaillent pour tous Voyez les prodiges d'énergie et d'intelligence déployés par les fonda- teurs des coopératives ouvrières, en particulier par mon ami, je dirai pres- que mon frère Edouard Anseele mou vementtravaillant pour tous les ou vriers gantois. Ceux-la, dira-t-on, sont les héros de la future société. Prenons un autre exemple. Je nè crois pas abaisser les officiers de notre armée en les mettant comme intelligence et comme instruction au niveau des directeurs d'industrie. Sans profit personnel autre que l'honneur, ils sont prêts a se faire massaerer pour l'idée de patne, une idéé sur laquelle nous ne sommes pas d'accord avec eux. Pour cette idéé, lis iront mourir de la fièvre au Congo, ou ils conduiront a la boucherie des milliers d'hommes con tre des milliers d'autreR. Croyez-vous que si ceux-la se sacrifient pour en- voyer du plomb, d'autres ne le feront pas pour un motif plus noble, donner du pain. Dans la société collectiviste, les directeurs auront a travailler le même intérêt matériel qu'aujourd'huimais ils auront de plus un intérêt moral qui fera du collectivisme le plus beau régi me de progrès et d'honneur. Appl M. Beernaert voudrait savoir aussi qui, dans la société collectiviste, se chargerait des sales besognes. II serait trop facile de lui répondre ceux qui s'en chargent aujourd'hui. Dans la so ciété collectiviste comme aujourd'hui, la perspective d'un travail moins long et d'une rémunération supérieure ne décidéra-t-elle pas certains individus a secharger dessalesbesognes. D'ailleurs, les progrès des sciences mécaniques et chimiques lie finiront-ils pas par enle- ver a ces besognes leur caractère par trop désagréable n Pour en finir, j'examinerai briève- ment quelqnes calomnies qu'on nous lance. Le collectivisme, disent les ca- tholiques, tend a la destruction de la propriété, de la familie et de la reli gion. La propriété nous avons montré suffisamment qu'elle se transforme. Nous voulons, je le répète, le maintien de 1a propriété basée sur le travail, l'abolition progressive de la propriété basée sur ie travail des autres. n La familie les socialistes seraient partisans de l'amour libre dans la so ciété qu'ils rèvent, les relations entre hommes et femmes seraient a peu prés celles entre chiens et chiennes par un beau jour de printemps. Ceux qui parient ain3i nous calom- nient nous avons du mariage et de la familie une conception plus haute. Nous disons que le mariage, tel qu'il existe aujourd'hui, est trop souvent une association d'intérêts et lorsque le devoir entre les époux est méconnu, ce n'est pas le gendarme qui peut les y ramener. Que voit-on aujourd'hui? Par exem ple, une femme, rnariée a un fonction- naire de l'Etat, le détestant et en étant détestée, et lui refusant de demander le divorce paree qu'elle ne veut pas perdre ses droits a une pension. Ce lien pécuniaire entre deux êtres qui se haïssent est odieux. d Autre exempleUne ouvrière vient vous dire Mon mari est un ivrogne il a bn mon argentje vou- drais divorcer. Vous trompe-t-il Non. Vous bat-il - Pas encore. Vous injure-t-il? Non. Alors, nen a faire. Est-ce juste Est-ce moral Est-ce contraire a la morale, ce que nous demandons que le divorce soit libre, a charge pour l'époux qui rompt le mariage de pourvoir aux be soms de l'autre conjoint et desenfants C'est nous aussi, les adversaires de la familie, qui réclamons le plus éner- giquement Ia recherche de la pater- nitó l'obligation pour celui qui iVs6j une jeune hlle d en supporter ]es p séquences Et sommes-nous done 1 destructeurs de la familie, nous 8 voulons étendre la protection jusque sur la familie naturelle auioi d'hui extra-légale J ur- les propriétaires mangent du lap l'époque de la chasse, mais le 3 que '"b a conser- autre certains libéraux vent soigneusement en tout temps, de même mangeut du curé a l'époque des elec tions, mais ne veulent pas qu'on v touche en autre tempsparee qU(f pour défendre les privilèges bourgeois' suivant le mot de Joseph Lebeau, ur! bon curé vaut mieux que dix gendar mes. Quant a nous, nous avons la con viction qu'entre le socialisme et le catholicisme il y a un abime. Nous voulons la suppression de la misère sur laquelle l'église catholique est basée, Sous peu, on verra dans chaque ville d'un cöté l'église, de l'autre la Maison du Peuple, les deux forteresses enne- mies. n Mais nous ne sommes pas intolé rants. Lorsqu'un ouvrier vient noua dire Je crois en Dieu, a la Vierge, aux Saints, quime recevront un jour en leur paradis, nous nous inclinons en disantCamarade, je ne partage pas tes naïves croyances mais raisonnons. Autrefois, a la Chambre, la droite mangeait du franc-magon, la gauche du curéon aurait pu croire parfois que M. Malou et M. Bara allaient descendre dans l'hémicycle pour s'y livrer a une lutte a main plate. Ce qui n'empêchait pas, a Tissue de la séance, ces hommes qui s'invectivaient avec tant d'énergie, aller bras dessus bras dessous s'asseoir autour du tapis vert d'une société financière partager fra- ternellement de gros dividendes. Eh bien puisque les capitalistes s'enten- dent si bien pour nous exploiter, unis- sons-nous, croyants et non croyants, pour leur résister mettons en commun ce qui nous unit, laissons de cöté ce qui nous divise. Et a l'heure de ia mort, s'il y a un Dieu, il nous récora- pensera tous suivant nos mérites s'il n'y en a pas, eh bien nous serons tous égaux. [Applaudissements). 3 Les pauvres diables doivent s'unir pour défendre leurs intéréts matériels quant a nous, nous opposerons notre idéal a celui prêché dans la chaire de vérité, et l'église catholique sera vain- cue, car elle a pour base la misère, et nous supprimerons la misère. Pour défendre leur coffre-fort, les catholiques mettent un crucifix dessus. Si le Christ revenait, il trouverait que les vrais chrétiens sont les socialistes qui vont au devant des balles pour défendre leurs idéés, et non les conser vateurs qui ont le nom du Christ a la bouche, mais qui n'ont pas ses maximes dans le coeur. Un de mes collègues cléricaux de la Chambre me disait un jour Vous faites des progrèsvous socialistesparce que vous croyez encore a quelque cho se. Nous, ne croyons plus a rien.»Nous avons en effet une confiance illimitée dans notre doctrine le socialisme est une religion nouvelle qui finira par ré- chauffer tous les cosurs et éclairer tous les cerveaux. II efiraie encore. II est comme cette nuée d'orage qui apparait a l'horizon comme un point noxr, récèlant la tem- pète. Le nuage monte, perd son aspect menagant, et fond en une eau rafrai- chissante qui ï'elève les récoltes. Au lieu de la foudre et de la grèle, on a l'ondóe bienfaisante bénie du cam* pagnard. Puis après la pluie vient 10 beau temps, et le soleil luit sur lu terre dans sa splende'ur luroineuse. Le socialisme aussi monte bier i était encore a l'horizon comnxe u nuage menagant; bientöt, il rafrarju111^ le monde et une humanité meille111, que la nötre s'épanouira au gt'an soleil de la liberté. Applaudissements prolong és). II nous est impossible de rer! 1 Taccent convaincu et la forme fE. dide de la conference de M- dervelde. La conférence a dure hemes sans qu'un seul auditeur trouvée longue. Tous ont été prof ment remués le talent de M- velde, sinon ses idéés, a fait sui une immense impression. euS ■BBfiSMOBfiBSSI dfc -sfc- A AlU

HISTORISCHE KRANTEN

De Strijd – La Lutte (1894-1899) | 1895 | | pagina 2