I
Journal liberal démoeratique d'Ypres et de 1'Arrondissement
L'affaire Dreyfus.
L'interdiction
de l'abbé Daens.
A la Chambre.
En suite des scènes violentes qui ont
eu lieu au Palais de la Nation le 25
Janvier, le bureau de la Chambre a
chargé les questeurs de faire une en
quête pour établir les responsabilités.
Oui, vous avez bien lu.les questeurs!
On s'abonne au bureau du journal, rue de Dixmude, 51, Ypres. Pour
les annonces de Belgique (excepté les deux Flandres) s'adresser a 1'Agence
Havas, Bruxelles, rue de la Madeleine, 32 et a Paris, Agenoe de la
Bourse.
Saniedi, 5 Février 1898.
5 centimes le numéro.
4e année. N° 15.
Retour au Xlle siècle.
mm
SBaraissani ie Hamedi.
L UNION FAIT LA FORCE.
PRIX DE L'ABONNEMENT
pour la yille, Par an 3 francs.
pr la province, Par an fr. 3-50.
Depuis trois mois que cette affaire
sen8ationnelle occupe toute la presse
européenne, nous nous sommes abste-
nus, au milieu des flots de renseigne-
ments contradictoires publiés par les
journaux detoutes nuances, de pren
dre position de quelque manière que
ce fut.
L'affaire parait «ntrée dans la pério
de claire l'intervention officielle de
l'Allemagne et de l'Italie, affirmant
qu'elles n'ont jamais eu de relations
avec Dreyfus, et l'intervention offi-
cieuse de la Russie, laissant entendre
que c'est a el 1 e que des documents au-
raient été livrés, portent a croire que la
lumière va enfin se faire. Le procés
intenté a Zola, qui s'ouvrira Lundi de-
vant la Cour d'assises de la Seine, con-
tribuera sans doute aussi a dissiper les
nuages malgré les efforts du gouver
nement Méline, les débats ne pourront
être étouffés complètement.
Nous attendrons done encore huit
jours avant d'essayer de résumer pour
les lecteurs de la Lutte les phases essen
tielies de l'affaire qu'on a appelée la
plus importante du siècle.
Mats nous affirmons être de coeur
avec ceux qui,a Paris ou ailleurs, cher-
chent a faire la lumière et a sauvegar-
der la liberté individuelle pour tous,
la liberté de ladéfense pour les accu-
sés quels qu'ils soient.
A Emile Zola en particulier, nous
adressons l'hommage de notre admira
tion, et nos voeux de réussite dans
l'ceuvre qu'il a entreprise. Emile Zola
a prouvé qu'il était non seulement un
grand écrivain, mais aussi un homme
de coeur et de caractère. Toutes nos
sympathies l'accompagnent dans sa
lutte contre les puissances néfastes qui
essaienc de mettre la main sur la Fran
ce et d'y réveiller les passions religieu-
ses et chauvines dont la violence et ie
meurtre sont l'expression.
La Lutte,-De Strijd.
Plusieurs journaux publient la note
suivante
Les conservateurs gantois, aidés
en cela, faut-il le dire par de nom-
breux Alostois de même qualité, vien-
nent de faire prendre a 1 evêque de
Gand une décision qui va faire quel
que bruit dans le pays.
Nous apprenons en effet, de la
meilleure source, que Mgr Stillemans
a pris la décision dlnterdire a l'abbé
Daens de s'immiscer encore dans la
lutte des partis et de se porter candi
dat aux élections législatives prochai-
nes
On va done priver l'abbé Daens de
ses droits de citoyen, sans autre forme
de procés
C'est tout a fait inouï, mais c'est
ainsi.
On n'a pu domestiquer l'abbé Daens,
on va le museier pour la plus grande
gloire de M. Woeste, qui tremble pour
son siége de député.
II sera prouvé une fois de plus que
catholique et démocrate sont deux
mots qui s'excluentM. Stillemans
ouvre les yeux aux naïfs.
Ce sont cependant les questeurs qui
sont accusés d'avoir provoqué les inci
dents par leurs mesures stratégiques
outrées, ridicules et inefficacesce
sont eux qui sont accusés, d'avoir fait
mettre baïonnette au canon contre le
groupe des députés socialistes non ex-
clus. Ils sont chargés de diriger eux-
mêmes l'instruction dans l'affaire oü ils
sont accusés. On peut s'attendre a un
résultat concluant
M. Woeste a déclaré que l'enquête
devait conclure en faveur des autori
tés. M. Beernaert a su s'arranger pour
satisfaire son bon ami.
La Chambre a adopté Mardi 1'en
semble d'un projet de loi sur les mu-
tualités dont ïl importe de dire un mot.
Ce projet est caracténstique de ce que
le gouvernement clérical fait pour la
classe ouvnère.
En Juin 1894, M. Beernaert a fait
voter par les Chambres une loi inter-
disant, entre au tres. aux sociétés de
secours mutuels reconnues d'avoir des
actions ou parts da ns les sociétés de phar
macies cooperatives. Cependant, les
pharmacies coopératives ont été ponr
beaucoup dans ie développement des
mutualités vendant les médicaments
a meilleur compte, elles ont permis
aux mutualités d'étendre leurs bien-
faits et de faire participer aux soins
médicaux et pharmaceutiques les fem-
mes et les enfants des mutualistes.
La loi de 18P4 ne suffisait pas encore
aux pharmaciens ou plutót aux
braillards de la profession, dont l'inef-
fable M. Gillianx est a la Chambre
l'harmouieux portevoix ils ont
continué leur campagne et ont obtenu
du gouvernement un projet de loi con
tre les pharmacies coopératives et les
sociétés de secours mutuels non recon
nues.
Désormais, les mutualités qui se-
raient intéressées dans des pharmacies
coopératives devront renoncer a la re
connaissance légale. En outre, l'Etat,
les provinces et les communes ne pour
ront plus accorder de subsides aux
mutalités non reconnues par l'Etat.
En revanche, la manne budgétaire est
réservée pour les sociéfés de tir a l'arc,
de vogelpik et de tir aux pigeons.
On prêche aux ouvriers garez-vous
des utopies socialistes pratiquez la
mutualité et la coopération
Et lorsque les ouvriers ont suivi le
conseil, lorsque les mutualités ont fait
quelques progrès et cherché a assurer
a leurs membres les médicaments a bon
compte, crac On les force a les payer
cher.
Et ce n'est qu'un débutM. De
Bruyn jaloux des lauriers tressés a
M. Nyssens par les pharmaciens que
représente M. Gilliaux - prépare un
projet sur l'exercice de la profession
de pharmacien, par lequel li interdira
le système des gérances. Ce sera la
mort des pharmacies coopératives, les
médicaments chers obligatoires pour
tout le monde.
Voila comment le gouvernement en
courage la mutualité et la coopération,
qu'il prêche aux ouvriers Loyola doit
être fier de ces disciples.
La Chambre a commencé l'examen
en seconde lecture de la loi sur les
unions professionnelles autre monu
ment d'esprit réactionnaire etjésuiti-
que. Ph. de C.
Malgré ses concessions au malheur
des temps l'Eglise rève toujours de
ramener le monde au temps des Gré-
goire VII et des Innocent III, au temps
oü le pouvoir du pape dominait l'Eu-
repe et faisait plier, sous la menace
d une excommunication, les peuples
et les rois.
Qu'on lise a ce sujet tous les docu
ments émanés des papes, pendant notre
siècleau milieu de lamentations sur
le malheur des temps qui force les
papes a abandonner momentanément
leurs prétentions a la toute-puissance,
on y verra le maintien, en principe, de
ces prétentions les papes n'admettent
pas la prescription contre leurs exigen
ces ils se réservent de les remettre
en avant et de combattre pour leur ré-
tablissement aussitót que l'état des es
prits le permettra.
Ou sait les efforts faits par Léon
XIII pour faire admettre au clergé
franqais la forme, si superficiellement
républicaine, du gouvernement, qua la
France s'est donnée en 1870. L'obéis-
sance des ralliés n'a pas été saus
resistance, et bien des fils soumis de
l'Eglise se sont révoltés contre les con-
seils du Pape.
Mais le clergé, en apparence, a géné-
ralement accepté le gouvernement ré-
pubheain. Nul doute les faits sont
la pour le prouver que c'est avec
l'espoir de pouvoir lancer un jour, aux
républicains sincères, le cri de triom-
phe de Tartufe
La maison est a rnoi; c'est a vous d'en sortir.
Le ministère Méline aidant, le triom-
phe momentané ne peut guère tarder
la cléricalisation de l'armée franqaise
en hatera l'instant.
Le raliiement a la République, c'est
la poudre aux yeux pour les naïfs.
Entre eux, les prêtres franqais ne dis-
simulent pas leurs prétentions, qui
sont d'ailleurs celles qu'affichent ou
que cachent, suivant les circonstances,
leurs confrères des autres pays.
Lisez a ce propos un extrait de la
Revue du Clergé francaiscité par plu
sieurs journaux et oü revit tout entier
l'esprit des papes du 12" siècle
L'Eglise a le droit de régner, non
seulement sur les individus et les fa
milies, mais encore sur les peuples. En
d'autres termes, dans l'ordre spirituel,
VEtat li1 est pas indépendant de l'église
V Rtat a le devoir d'embrasserde professen
et de protéger la religion catholique
L'Etat a pour fin le bien temporel des
hommes l'Eglise, leur félicité surna-
turelle. La fin de l'Eglise l'emporte
done en excellence sur la fin de l'Etat
qui lui est subordonnée. Mais la su
bordination des fins entrainant la su
bordination des moyens,il s'en suit que
VEtat est subordonné d VEglise. Rien ne
peut prévaloir contre eet argument.
Concluons l'Etat doit se mettre
au service de l'Eglise, autant du moins
que le lui permet la condition des es
prits (1)le régime de la séparation,
comrae celui des concordats n'est pas
l'Idéal l'Etat doit user de la loi et du
glaive pour le règne social de Jésus-Christ.
En le faisant autrefois, il n'a qu'ac-
compli son devoir.
Pourquoi essayer de l'en excuser
maladroitement L'Eglise, société di
vine et humaine tout a la fois, possè-
de, avec le pouvoir doctrinal et légis-
latif, le pouvoir coercitif qui en est Vaccom
pagnement nécessaireelle a le droit de
punirpar elle-même, et depeines matèriel-
lesle fidéle et l'hérétique coupables. Mais
aussi elle a le droit d'exiger que VEtat
mette la force dont il dispose au service des
intéréts spirituels qu'elle a mission de sau-
v eg ar der.
De droit divin, le pape, chef de
l'Eglise, a premièrement le pouvoir de
donner aux princes, comme docteur
suprème de la morale, des directions
obligatoires dans le gouvernement de
leurs Etats.
(1) Concession au malheur des temps.
ANNONCES:
Annonces 10 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces judiciaires: 1 fr. la ligne.
La théorie est assez nette, comme on
voitelle comprend la justification de
l'Inquisition sanglante, que M. Woeste
et ses amis, moins courageux que la
Revue du Clergé francais, ont plusieurs
fois reniée malgré l'évidence des faits.
Et qu'on ne vienne pas dire que ce
que nous avons cité est la théorie d'un
énergumène exalté. C'est la doctrine
constante de l'Eglise et des encycli-
ques qu'on relise le Syllabus.
Le régime que la RevueduClergéfran
cais rêve pour le monde entier, notre
clérical gouvernement l'a presque réa-
lisé: aux büchers de l'Inquisition prés.
En Belgique, l'Etat est subordonné
a l'Eglise, qu'il entretient sans avoir a
s'occuper de ses actes nos ministres
sont les serviteurs dévoués desévêques,
et ils s'en vantent. Et si l'on n'en est
pas encore revenu a brüler les mé-
créants, on les réduit a la misère, on
les affame et on les difiame le parti
clérical est passé maitre dans ces tris-
tes sciences, qu'il concilie si bien avec
la charité chrétienne.
Quoi qu'on en ait dit inconsidéré-
ment, la question cléricale n'est pas
résolue combattre le cléricalisme
resfe, en Belgique comme en France
et ailleurs, le premier souci de ceux
qu'inquiète l'avenir de la liberté et de
la dignité humaines, aussi bien que de
ceux qu'attire le développement de la
condition matérielle et intellectuelle
du peuple. Aussi longtemps que le
cléricalisme lèvera la tête, aucun pro
grès ne sera définitivement acquis
l'ceuvre de l'humanité sera tout en-
tière a consolider ou a refaire.
Nous en faisons la dotiloureuse ex-
périence. Nous souhaitons a la France
de n'être pas bientót réduite a notre
sort. Ph. de C.
P. S. Le Journal de Bruxelles pu-
blie le compte-rendu d'une assemblée
générale du Cercle des Indépendants,
a Bruxelles. M. le comte Van der
Straeten-Ponthoz y a prononcé un dis
cours dont plusieurs passages corrobo-
rent ce que nous venons de dire.
II y a condamné le cléricalisme dans
les termes suivants
Ge que nous réprouvons, ce que
tout catholique devrait réprouver avec
nous, c'est tout ce qui caractérise le
cléricalisme c'est notamment la pres-
sionVemploi de la religioti comme moyen
d'action gouvernementale c'est Vinterven
tion du clergé agissant sur les consciences
dans des cas, dans des circonstances oü la
religion n'a rien d voir.
Notre principe est qu'il faut que
les sentiments religieux des popula
tions, sentiments nécessaires, indispen-
sables pour l'existence de la société,
puissent se développer librement sous
l'influence libre et bienfaisante des mi
nistres des cultes, se confinant dans
leur mission sacrée, sans dénaturer le
caractère de celle-ci en y mêlant la
politique.
Voila M. Van der Straeten-Ponthoz
en parfait désaccord avec le clergé
francais et la doctrine constante des
papes.
MM. de Borchgrave et Théodor, re-
présentants de Bruxelles, n'ont fait
aucune réserve sur le programme de
leur président— lequel avait d'ailleurs
en vue le raliiement des doctrinaires
aux indépendants et, par eux, aux clé-
ricaux.
Mais a la Chambre, lorsque l'abbé
Daens signale, a propos de l'élection
de Termonde, l'intervention du cler
gé agissant sur les consciences dans
des circonstances oü la religion n'a
rien a voir MM. de Borchgrave et
Théodor ne soufflent mot, et par leur
vote approuvent cette intervention.
Le discours de M. Van der Straeten
est-il plus sincère que le silence de
MM. de Borchgrave et Théodor, qui