Journal libéral démocratique cTYpres et de l'Arrondissement
A Emile Zola.
Marguerite Coppin.
Marguerite Coppin.
L'alliance.
Le procés Zola.
Samedi, 26 Février 1898.
4e année. i\0 16.
Lettres de la Cité Dolente.
Une page d'histoire.
S9ai'aisstmS Se MametSi.
L UNION FAIT LA FORCE.
PRIX DE L'ABONNEMENT
pour la yiLLE, Par an 2 francs.
pr la province, Par an fr. 2-50.
Maitre
Je n'ai jamais regretté jusqu'a ce
jour de n'être qu'une humble passion-
née de littérature, qui ose écrire. Je
voudrais être célèbr6 pour que mon
nom pesat au bas de cette lettre de re-
merciements a vous.
Cependant, comme professeur, com-
me littérateur et comme être jeune et
vivace, je vous remercie, Maitre, d'a-
voir donné l'exemple que i ous donnez
alajeunesse, aux écrivains a I'hu-
manité entière. Vous avez sacrifié votre
repos, peut-être votre liberté et votre
santé, a la tache la plus auguste vous
avez; vécu vos principesvous avez
mis en pratique, tout simplement, la
théorie magnifique et large de vos li-
vres.
Aussi toute I'Europe a-t-elle accla-
mé votre nom, qui était hier celui d'un
grand talent, et qui est aujourd'hui
celui d'une grande ame.
Et voila pourquoi je vous remercie,
Maitre car les grandes ames rayon-
nent une lumière pure et chaude, qui
virilise et qui soutient.On nous a beau-
coup dit que tout est banal et corrom-
pu autour de nous on nous a écrit,
joué, prêché que Phonneur, l'héroïsme
sont morts sous le ridicule et le scepti
cisme on ne nous a offert la vertu
que sous les traits de médaille antique
des Gaton et des CincinnatuR et ces
médailles nous sembiaient usées au
frottis des ages. Voici, Maitre,avec tout
l'enthousiasme de l'apótre, avec toute
la sérénité du vieux Romain, que vous
êtes entré en lutce avec 1'injustice et
nous croirons désormais que la Vérité
et le Désintéressement ne sont pas
seulement des mots sonores.
J'ai entendu répéter par d'aucuns
Gela ne le regardait pas
Et je vous remercie, Maitre, d'avoir
prouvé que ce qui ne regarde n ni
l'intérêt de notre bourse, ni l'éclat de
notre populanté, est ce qui nous re-
garde le plus intimement, si cela tou
che notre sens du vrai, du juste et du
généreux.
Pour nous avoir montré que l'écri-
vain n'est pas toujours le poëte égoïste
en larmes devant sa propre souörance,
ou le charmeur d'oreille, tout au souci
de la forme extérieure, vous, que ceux
qui chantèrent les Humbles, les Gueux,
la Justice, devraient entourer vous,
que votre précurseur dans la pitié des
Misérables eüt soutenu de tout son gé
nie, il y a vingt ans, pour votre dé-
vouement sans espoir et votre abnéga-
tion du Self, je vous remercie, Maitre.
Vive Emile Zola
23 Février 1898.
{Suite).
J'ai établi que l'Inquisition fut im-
posée aux Pays-Bas avant que Philippe
II eut remplacé Charles-Quint sur le
tróne de Castille et mis Marguerite de
Parme a la place de Marguerite d'Au-
triche.
II nous reste ajeter un coup d'oeil
sur ce que fut cette Inquisition des
dix-sept provinces. Dès 1448, sous le
bon due Philippe, qui s'appela de
son propre chef Grand Due d'Occident,
on brüle a Lille deux hérétiques onze
ans plus tard, plusieurs citoyens d'Ar-
tois, accusés du même crime, sont con-
damnés a la même peine a Arras.
Mais l'ouvrage est indifléremrnent
conduitle jeune Charles d'Autriche,
roi d'Espagne, roi trés catholique,
nomme done en 1521 Van der Hulst
comme Inquisiteur général des Neer-
landes. Et il est curieux de lire sur eet
On s'abonne au bureau du journal, rue de Dixmude, 51, Ypres. Pour
les annonces de Belgique (excepté les deux Flandres) s'adresser a 1'Agence
Havas, Bruxelles, rue de la Madeleine, 32 et a Paris, Agence de la
Bourse.
ANNONCES
Annonces 10 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces j udiciaires1 fr. la ligne
homme ce qu'en dit Erasme, cependant
si tiède etsi prudent Lui et Laurens,
président du grand Conseil de Maliues,
rivalisent d'ardeur, produisent des
coupables hétérodoxes par boisseau.
Maiheureurement, Charles V dut cou-
per en deux cette belle oeuvre a cause
d'un léger oubli de Messire Van der
Hulst, qui commit un faux, et fut
renvoyé. Mais voici 1525 Houseau
et Coppin qui lui succèdent, confirmés
en leur saint emploi par Clément VII.
Coppin mourant en 1537, Michel Drui-
tus le remplace, avec approbation de
Paul III.
lis avaient ie droit d'enquête, de
procédure libre de tout controle et de
pumtion contre tout suspect d'hérésie,
et tous leurs protecteurs, patrons ou
amis.Ils avaient Je droit, en compagnie
d'un notaire, de colliger toutes les in
formations écrites d'intercepter ou
susprendre toutes les correspondances;
de faire comparaitre, de forcer a don-
ner évidence, ou a communiquer leurs
soupgons toutes les personnes qu'ils
croyaient pouvoir soupgonner de ten
dances vers l'hérésie. Tous les juges et
magistrats leur devaient aide et obéis-
sance, sous peine d'être punis comme
protecteurs des hérétiques c'est-a-
dire punis de mort, par le feu ou le
glaive.
ün a vu qu'en 1550, un Edit spécial,
et perpétuei, parut pour fixer les pei-
nes des condamnés, et les iimites de la
juridiction des Inquisiteurs.
Ces Iimites étaieut simples il n'y
en avait pas. L'lnquisiteur était tout-
puissant, placé au-dessus des lois civi-
ies, au sommet des lois religieuses.
Dès que Philippe eut agrippé le pou
voir que les mains goutteuses de i'il-
lustre empereur, dévoré de maux cau-
sés par sa propre gloutonnene, avaient
dü laisser échapper, il n'eut plus qu'u
ne idéé extirper l'hérésie et il corn-
menga par signer la confirmation de
l'Edit de 1550 (28 Novembre 1555).
Cette fois-ci Peter Titelman était
prééminent entre les Inquisiteurs les
Flandres, Douai et Tournay s'en aper-
gurent bientöt. Sans i'ombre d'une in
formation, ou d'un jugement, il cou-
raitle pays, de nuit et de jour,arrêtant
les passants, confessant les foules, ti-
rant hors du lit les paysans morts de
peur, arrêtant, torturant, étranglant
et brulant, avec une ardeur a la fois
épouvantable et grotesque, et selon
son propre aveu, «jugeant pour la
pensee ou le mot sans attendre Fac
tion n.
Et quel martyrologe Ici, le maitre
d'école d'Audenarde ayant lu la Bible,
est étranglé pour ce délit et puis jeté
aux hammes un tisserand de Tournay
est brülé vif pour avoir copié les hym
nes calvinistesun Anabaptiste est
haché en pièces a coups d'une hache
ébréchée etrouiliée et sa femme, té-
moin de cette horreur, en meurt sur la
place
ün en citerait ainsi jusqu'a demain.
Le singulier est, que ce genre de be
sogne, journellement continuée,n'aug-
mentait pas du tout l'amour du peuple
par la trés Sainte Inquisition
Ce bon Antoine Perrenot, que nous
connaissons mieux comme Cardinal
Granvelle, ne revient pas de la per-
versité et de 1' obstination de ce
peuple aveugle qui coüte tant de pei-
nes at de soins, et qu'on brüle, étran
glé et enterre vif sans en obtenir la
moindre gratitude
Je ne voudrais pas continuer une
énumération d'horreurs mais on ne
peut discuter certains passages de la
vie des peuples et des rois par des mots
d'une phraséologieabstraite, sans aucun
document. Je donnerai encore celui-ci,
plus accablant dans sa prosaïque bana-
lité. C'est l'entrée toute sèche de cer-
taines dépenses dans le registre de
l'hötel de ville de Tournay
A Jacques Barra, bourreau, pour
avoir torturé deux fois JeandeLannoy,
dix sous.
Au même, pour avoir brülé le dit
Lannoy, soixante sous.
Pour avoir jeté ses cendres dans la
rivière, huit sous.
II est consolant de voir avec quel or-
dre on tenait l'état de ces dépenses
utiles, et relativement modérées.
Peut-être ces notes rapides feront-
elles mieux comprendre la surexcita-
tion des esprits, lors du compromis des
nobles, premier acte de la révolution.
Et le courage invincible des gueux et
de leur chef immortel Guillaume n'est-
il pas la résultante de cette longue per-
sécution, qui réduisit enfin les Hollan
dais a préférer une mort libre a une
vie d'esclave, et ia lutte opiniatre plu-
tót que la soumission a un régime a la
fois si cruel et si humiliant
Nous qui jouissons, en partie, du
droit de penser comme nous voulons et
qui ne risquons, a démontrer nos opi
nions, que nos situations quelquefois
et notre paix généralement, nous ne
pouvons apprécier a leur valeur les
tourments qu'ont subis nos pères, pour
leur foi et leur conscience.
Autorités consultées Pontus Payen
Vander Haer. De Initiis etc. Corres-
pondance de G. leTaciturne Corresp.
de Phill. II. Backhuyzen.
Le Comité central de u VAlliance
libérale soumet a l'examen des mem
bres du Conseil général de la société
un projet de déclaration au sujet de ia
propriété et du régime industriel. Le pro
jet a pour but de faire évanouir les
malentendus qui prolongent les divi
sions du libéralisme et de la démocra
tie au sujet des points qui ont motivé
la déclaration proposée.
Une réunion du Conseil général de
VAlliance aura lieu le Dimanche 27 Fé
vrier, pour la discussion du projet,
dont voici d'ailleurs le texte
Projet de déclaration présenté par le
comité central
au conseil général de 1'Alliance.
I.
Le parti libéral reconnait comme étant
d'évidente nécessité la co-existence de la
propriété pubiique et de la propriété privée,
celle-ci pouvant, d'ailleurs, demeurer pure-
ment individuelle ou revêtir la forme col
lective par voie d'association volontaire et
libre.
La propriété pubiique et la propriété pri
vée doivent être protégées l'une et l'autre,
au même titre, contre toute usurpation ou
spoliation.
II.
II est conforme a la justice et a l'intérêt
social que la propriété pubiique soit consii-
tuéde facon suffisamment puissante pour
faire face aux devoirs de solidarité qui s'im-
posent a la conscience des sociétés moder-
nes.
II est également conforme a la justice et a
l'intérêt social de poursuivre, dans la mesure
la plus large, la diffusion de la propriété
privée et de la rendre accessible au plus
grand nombre possible de citoyens.
En vue de concilier les nécessités actuel-
les de l'industrie avec la diffusion de la pro
priété privée, il importe d'encourager la
constitution dissociations comraerciales,
industrielles et agricoles, mettant en oeuvre,
autant que possible, a la.fois le travail et les
ressources de leurs adhérents.
III.
Dans le domaine du travail, le principe
fondamental est le respect de l'initiative
privée.
La liberté du travail et la prospérité géné
rale sont inconciliables avec les systèmes
qui placent sous la direction de l'Etat ou de
toute autre création de la puissance pubii
que, toute l'activité commerciale, indus-
trielle et agricole du pays.
IV.
Mais, en dehors même des attributions
essentielles.de l'Etat. au sujet desquelles
nulle abdication n'est permise, ii existe des
industries que ia nature, la loi ou l'accapa-
rament peuver.t soustraire a Faction de la
libre concurrence. Lorsque l'abandon de ces
industries a Ia spéculation privée met en pe
ril la liberté et les intéréts de la masse des
citoyens, il sera légitime que l'Etat inter-
vienne dans ces industries, soit pour les
faire rentrer sous la loi de la concurrence,
soit même pour s'en attribuer le monopole
en vue de mieux garantir l'intérêt général.
V.
L'intervention de l'Etat dans le domaine
de l'industrie privée est légitime, lorsqu'elle
s'exerce en vue d'assurer
La liberté des parties dans la conclusion
du contrat de travail et la loyauté dans
l'exécution de leurs engagements
L'hygiène et la sécurité des travailleurs
La liberté du travail garantie aux inaus-
triels et aux ouvriers ainsi que le droit des
uns et des autres de s'associer pour la repre
sentation et la defense de leurs intéréts
La protection du taux normal des salaires
conire la dépréciation pouvant résulter des
adjudications de travaux publics.
Emile Zola était poursuivi, a la re-
quête du ministre de la guerre, pour
avoir écrit, dans sa lettre a M. Félix
Faure
n j'accuse le second conseil de
guerre d'avoir couvert cette illégalité
(la condamnation de Dreyfus sur une
pièce restée secrète), par ordre, en
commettant le crime juridique d'ac-
quitter sciemment un coupable.
Les incidents du procés qui vient de
fiuir sont, plus qu'aucune démonstra-
tion, la preuve que l'accusation de
Zola était vraisemblable.
On a vu, a la Cour d'Assises de Paris,
le général de Pellieux venir déclarer
au jury que si Zola était acquitté,
c'était la guerre a brève échéance, et
qu'alors l'état-major aurait a conduire
les fils des jurés a la boucherie.
On a entendu le général de Boisdef-
fre, chef de l'état-major général, dé
clarer au jury que l'acquittement de
Zola serait le signal de la démission de
l'état-major.
Et le président de la Cour a permis
ces mesures d'intimidation envers le
jury.
M. Méline avait déja dit en pleine
Chambre que le gouvernement n'avait
pas voulu soumettre aux appreciations
du jury l'honneur des officiers accusés
par Zola. C'était mettre l'armée au-
dessus de la loi. Les débats du procés
Zola ont prouvé le mépris du chef de
l'armée frangaise pour la légalité, i'ar-
rogance d'un état-major irresponsable
venant dieter, sous menaces, des ordres
au jury.
Par ce que l'état-major s'est permis
vis-a-vis du jury, qu'on juge de ce
qu'il a pu se permettre, a huis-clos,
devant un tribunal militaire dont les
juges sont dans sa main L'état-major
s'est chargé de prouver lui même le
bien-fondé de l'accusation de Zola.
Qu'on s'étonne après cela de la con
damnation de Zola C'eüt été attendre
du jury un acte de courage dont peu
d'homme8 réunis sont capables que de
croire a, un acquittement. Douze hom
mes choisis dans la masse préféreront
condamuer par ordre que de prendre
sur eux la responsabilité d'une bou
cherie ou d'une démission de l'état-
major.
II n'en reste pas moins acquis par les
débats que Dreyfus a été condamnó
illégalement, et que par conséquent la
liberté individuelle n'est plus en süreté
en France, que la République n'y est
■ilo o o<r--