On 8'abonne au bureau du journal, rue de Dixmude, 51, Ypres. Pour les annonces de Belgique (excepté les deux Flandres) s'adresser a PAgence Havas, Bruxelles, rue de la Madeleine, 32 et a Paris, Agence de la Bourse. Journal libéral démocratique d'Ypres et de 1'Arrondissement L'höpital. Samedi, 2 Avril 1898. 5 centimes le numéro 4e année. A0 21. PRIX DE L'ABONNEMENT pour la ville, Par an 3 francs, pr la province, Par an fr. SÏ-50. Le chant des Laborieux Quelques moyens d'utilité publique a Ypres. La mainmorte. La guerre des classes. g*arai$sftnl ie ISamedi. L UNION FAIT LA FORCE. Compagnons de labeur qui revenez le soir Le pas long, Ie pied lourd, d'une allure en- [gourdie Suivant, troupeau serré d'hommes las, sans Le chemin que la nuit fait d'ombre atliédie Et qui dans ce beau soir, le regard étranger, Hatez vers le repos votre marche cassée, Sans rêves, sans espoirs, sans regrets sans [pensée N'ayant que eet instinct aveugle aller man ner Echangeant rarement quelque mot bref et fort Simple et lourd comme vous et comme vous [plein d'ombre Sans un cri de fureur, sans un blaspbème au [sort Qui vous fait la fois la faiblesse et le [nombre Sans un appel de lutte et de sombre vouloir, Qui vous redresse tous dans la révolte im- [mense, Compagnons de labeur qui revenez le soir Redoutablesetnuls,dans votre inconscience;... Cóte a cóte je vois votre troupeau muet S'avancer en faisant résonner dans la rue Les vilres des maisons dont le rouge éclair fait L'étoile du retour vos yeux bienvenue Je vous regarde et souffreet vous ne savez pas Vous mêmes, pauvres boeufs de travail, vos [misères Dans le calme du soir, tendant vers vous les [bras Compagnons de labeur, je vous tiens pour mes [Frères. Marguerite COPPIN. (Inédit, extrait des Chansons pour tout le monde (Suite). Oü ne conteste plus aujourd'hui. que notre höpital antédiluvien est une horreur, un juron au point de vue hy- giénique ce sont la les paroles d'un de nos médecins les plus méritants. Ses batiments, sa distribution, sa situation constituent un véritable anachronis me mais l'on ne s'en émeut point. Des salles de malades trop restreintes et trop peu nombreuses dont les fenê- tres donnent dans une cour oü l'on étouffe, entourée de batiments élevés qui sont un obstacle au renouvellement de l'air. Voila comment sont logés nos malades pauvres Que s'est-t-il passé, il y a quelques année8,lors de l'épidémie de la variole? Toutes les salles encombrées, y com mas les installations des bains publics. Voila le dernier mot de l'hygiène: sup- primer les bains publics en temps d'épidémie Vous étiez atteint de ia maladie et vous vouliez vous faire soi- gner a l'höpital, dans une place isolée II n'y avait pas a y songer Tout au plus pouvait-on vous caser dans la salie commune quand celle-ci n'était pas absolument compléte. Et voila ce qui se passe a Ypres oü les hospices sont réputées, proportion- nellement a l'importance de la ville, des plus riches du pays. Et l'on ne s'en émeut pointil y a de longues années que la situation perdure. La classe la- horieuse n'est-elle done pas plus digne d'intérêt Les maisons ouvrières sont si insalu- bres Les pauvres d'Ypres sont sans doute a se demander oü ils auraient les chances de succomber le plus promptement aux rhumatismes uni- verselsdans leurs taudis humides sans air et sans lumière ou a l'höpital Notre-Dame qui ne devrait plus être connu que dans les traités d'histoire. Oui, l'höpital a son histoire, mais c'est tout ce qu'il a de bon Une petite promenade autour de la ville et que voyons-nous Le long de la route de Vlamertinghe et a la porte de Thourout deux maisons de santé qui promettent d'être spa- cieuses, baties en pleine campagne, avec vastes jardins ri'en a redire, au contraire. Sur la Plaine d'Amour, une maison d'arrèt magnifiquement instaliée, d'a- près les derniers progrès nos brigands et nos braconniers sont logés dans tou tes les conditions voulues, et ce n'est qu'un bien Et bientöt, entre la porte de Menin et la porte de Lille, un établissement de bienfaisance, grand comme la moi- tié de la ville oü il y aura de quoi cultiver tous les vagabonds de la Belgique, qui y seront choyés dans toutes les régies de confort et d'hy- giène. Bref, quatre établissements luxueu- sement installés, destines a rendre la santé au physique ou au moral aux aliénés,aux voleurs ou aux vaga bonds. Ne reste-t-il done rien pour les ma lades indigents (A suivre). Le Sénat a voté le texte admis par la Ghambre pour la loi sur la personni- tication civile des syndicats. Dans la discussion, M. Paul Janson a prononcé un important discours, qui a été fort remarqué. 11 a fait ressortir le privilège consi- dérable accordé aux sociétés anony- mes, et le manque de garanties qu'el- les offrentleurs propriétés immobi- lières constituent en réalité des biens de mainmorte. La mainmorte monacale n'a plus au- cune existence légale mais elle sub- siste en fait, et dans des proportions énormes les couvents ont relative- ment peu d'immeubles, mais ils possè- dent les fortunes colossales en porte feuille. M. Janson a fait ressortir combien inégale sera la situation des syndicats ouvriers, mise en regard de celles des sociétés anonymes ou des couvents. II a réclamé l'égalité du capital et du travail, et le droit pour ceux qui tra- vaillent de s'associer en groupes munis de 1'existence civile. Un amendement qu'il avait présenté dans ce sens a été rejeté naturelle- ment. Naturellement aussi, la presse cléri- cale a essayé de renverser les faits éta- blis par M. Janson, et cela en invo- quant la liberté d'association, le droit commun: de grandes choses que l'Etat refuse le bénéfice aux syndicats ou vriers, mais que le cléricalisme utilise largement dans son exploitation du peuple. Un article de la Réforme rétorque nettement les pretentions outrées et les théories sophistiques des apötres de la mainmorte monacale et du communis me des couvents. Le voici Le discours prononcé au Sénat par M. Paul Janson sur les associations profession- nelles n'a pas été du goüt de tout le monde, il s'en faut. Un peu partout dans la presse cléricale on a poussé des cris de paon. Les plus académiques, les plus solennels se sont accordés quelques minutes de franche gueu- serie. Le Bien public lui-même, le plus olympien desjournaux, s'est livré a des sa- turnales de mauvais goüt. La raison de tout ce tapage M. Janson s'est avisé de dire que les cor porations religieuses encaissent invariable- ment les successions de leurs membres dé- funts, préalablement converties en valeurs mobilières, que la mainmorte redevient un péril et qu'il faut légiférer, düt-on en reve- nir a l'ancien droit et frapper d'une incapa city relative de succéder la personne qui entre dans la vie monastique. Ecoutez ce qu'en pense le Bien public a Que deviennent dans un pareil ordre d'idées la liberté des cultes, la liberté d'as sociation, l'égalité des citoyeris devant la loi et devant l'impot? En d'autres termes, que devient le Droit commun, tant célébré par M. Janson s> Le Droit commun, mais M. Janson, loin de le combattre, l'a invoqué II ne faut point sortir du code civil, par example, pour apprendre que ni le médecin ni le confesseur ne peuvent hériter des malades qu'ils soi- gnent ou confessent. Voila n'esi-il pas vrai une res triction flagrante a la liberté. Et pourquoi?... Voyez a quel point en ceci le législateur se montre prudent, parce qu'il est a crain- dre que Ie médecin et le confesseur n'abusent de leur influence pour capter les héritages. On ne veut que sauvegarder les intéréts privés des héritiers ab intestaton cherche a écarter non un mal actuel, mais un mal virtuel et cela suffit pour qu'on fasse une brèche au principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Et lorsqu'il s'agit do mainmorte, on ne pourrait en faire autant En vérité, il semble qu'on ne sache point de quoi il est question quand on parle aiusi. Les plus habiles feignent de croire que M. Janson a l'esprit hanté de terreurs chi- mériques on se garde a coup sur de rappe- lerle fameux proces des Alexiens l'incen- die qui fortuitement découvrit le pot aux roses, tout un trésor en valeurs de porte feuille enfoui dans la caisse de l'Ordre, prés de 4 millions de francs, et la caisse diocé- saine de Tournai, 5 millions de francs En lui-même, le fait est indéniable la mainmorte tend a se rétablir, non plus im- mobilière, mais mobilière. Or qu'est-elle,sinon la succion lente, mais acharnée, le drainage organisé, tenace, in- definiment ramifié de la fortune publique, des biens en masse frappés d'inertie, d'im- mobilité, inaliénables en fait, retires pour jamais de la circulation Et puis, a cöté du prejudice social, il y a le prejudice privé les héritiers privés des droits que la loi leur assure et un héritier anonyme et perpétuel se substituant a la fa milie qui se trouve dépouillée. Eh bien non Tout n'est que peccadille, sans conséquence. Tout est pour le mieux, pourvu que les ascètes du monachisme puis sent écouler leurs jours entre un grabat et un coffre-fort. Et ce sont les plus forcenés adversaires du collectivisme qui parient ainsi en vérité ils sont plus collectivistes que les collecti- vistes eux-mèmes. D. On ne peut que souscrire a ces con- statations. Du collectivisme a leur profit exclu- sif, les couvents en font tant et plus. Mais qu'un socialiste parle d'en faire au profit de tous, abomination de la désolation La race de Tartufe n'est pas encore éteinte. Ph. de G. Les socialistes poussent a la guerre des classes, disent les conservateurs quand ils voient les socialistes consta- ter que dans la société moderne, il y a des classes dont les intéréts sont oppo- sés et que i'antagonisme des classes est un des grands moteurs des phénomènes sociaux. II est patent, cependant, que les cléricaux représentent au pouvoir les intéréts de la classe des grands proprié- taires fonciers, et qu'ils favorisent ces intéréts de toutes manières, même en frappant un lourd impöt, par les droits protecteurs, sur l'alimentation popu laire. Mais il s'agit d'éviter que le peu ple voie clair dans les mobiles du gou vernement clérical, et alors aucun mensonge ne rebute les feuilles bien pensantes. II leur est particulièrement ANNONGES Annonces 10 centimes la ligne. Réclames 25 Annonces judiciaires: 1 fr. la ligne. avantageux de représenter les socia listes comme les auteurs de la guerre des classes et les libéraux comme les auteurs du socialisme. Les malheureux qui ne lisent que lesjournaux tolérés par les curés avalent de confiance tou tes les bourdes qui y trouvent place, et les élections arrivées, contri'ouent a resserrer autour de leur cou la corde qui les étrangle. La tactique a réussi jusqu'a présent. Mais la fraction avancée du parti clérical, les démocrates-chrétiens, va peut-être contribuer a ouvrir les yeux aux malheureux aveuglés, et leur prouverque, contrairement aux affir mations réactionnaires, la lutte des classes n'est pas une invention socialiste. Qu'on en juge par l'extrait suivant du journal <r Klokke Roelandt A la Sainte Table, tous sont égaux devant le même Dieu. Mais dans les préparatifs, dans la solen- nité même, un mur s'élève entre les riches et les pauvres. Voyez, les enfants pauvres, ils;vont au catéchisme pour la première communion et les riches restent a la maison ou a l'école. Au grand jour, les pauvres se réunissent a un endroit convenu, pour se rendre en groupe a l'église, les riches se rendent di- rectement au temple, en carrosse. Croyez-vous que cette séparation n'est pas remarquée par Ie peuple Elle est con signee dans le livre des plaintes et des griefs des travailleurs et provoque chaque année d'amères recriminations, e'est-a-dire qu'elle jette de l'huile sur le feu de la lutte des classes, autour du cortege innocent des enfants. II y a un plus grand abus encore dans la célébration de la première communion dans les pensionnats et les colléges. Par la, les classes riches sont complète- ment isolées des classes pauvres. C'est coraoffi si on avait peur que le riche ne se salisse au contact du pauvre. Devons-nous nous étonner qu'avec un tel système d'éducation on procrée de petits muffles, qui aiment mieux leur chien qu'un mendiant et que nous tronvons des gens qui nous traitent comme si nous étions des Ca- fres ou des Javanais et croient que noüs sommes d'un sang moins 'noble qu'eux- mêmes D'autre partf l'enseignement religieux se fait entièrement en francais pour les classes supérieures. La solennité elle-même est francaise les images sont francaises, les livres de prières sont francais, les sermons sont francais, les prières sont francaises, oui les compliments mêmes sont francais. La séparation est done compléte. On or ganise la lutte des classes jusqu'au banc de la communion. Les démocrates-chrétiens vont bien plus loin que les socialistes, comme on en peut juger par l'extrait qui prece de. Les socialistes limitent la lutte des classes aux faits économiques, les démocrates-chrétiens la transportent dans le domaine religieux. N'empêche que les cléricaux conser vateurs se garderont bien de trop bla- mer leurs alliés, surtout a la veille d'élections importantes oü les démo- crates prétendent jouer un röle. II n'en restera pas moins entendu pour les feuilles réactionnaires, que les socialistes seuls attisent la guerre des classes, et que les démocrates-chré tiens sont a peine coupables d'un lan- gage un peu vif. Souhaitons que cette duplicité serve de leqon a tous ceux qui sont prêts a désarmer devant le cléricalisme, parce qu'il leur semble un rempart contre la guerre des classes et contre lesocialisme. Le cléricalisme reste l'ennemi de la démocratie sincère, et se lancera dans tous les excès qu'il reproche ou qu'il attribue a ses adversaires le jour oü il y trouvera la satisfaction de ses inté réts égoïstes. Ph. de G. [me voir,

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De Strijd – La Lutte (1894-1899) | 1898 | | pagina 1