L'UMO.N FAIT LA FORCE.
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Journal libéral démocratique d'Ypres et de 1'Arrondissement
Ge que coüte un
chef d'Etat.
Le Gongrès
des instituteurs.
Samedi, 24Septembre 1898.
4e année. IV0 46.
A propos
du mouvement flamand.
A propos
du Congrès économique.
$*arais8(fiif ie téamcdi.
PRIX DE L'ABONNEMENT
pour la ville, Par an S2 francs.
pr la province, Par an fr. 2-50.
ANNONCES
Annonces 10 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces judiciaires 1 fr. la ligne
(suite et fin)
Des hautes régions oü nous avons
essay de suivre M. Pol de Mont, re ve
nons avec lui a des préoccupations plus
terre a terre.
Quelle utilité l'ouvrier et le petit
bourgeois peut-ii retirer de la connais-
sance d'une seconde langue se de-
mande-t-il.
Pour un poète a peine redescendu
des hauteurs oü planait votre imagina
tion, vous voila, Monsieur, devenu bien
pratique. Vous raisonnez pour ceux qui
ne devront jamais quitter leur cher
pays de Flandre. Maïs vous constatez
vous-même l'existence a Gilly, a Char
leroi, aiileurs, de groupes d'ouvriers
flamandscroyez-vous que ceux-la
n'aient, pas besoin du frangais Pen-
sez-vous que les moissonneurs de la
Flandre qui vont faire la moisson en
France trouvent superfine la connais-
sance qu'ils ont acquise dn frangais
Vous savez aussi bien que personne
que la Flandre est la partie du pays ou
les salaires agricoles sont le plus bas
a tel point que, pour les jeunes gens
de certains districts, les 30 fr. octroyés
par mois aux miliciens et volontaires
constituent une rémunération plus
forte et plus sure que celle qu'ils ga-
gneraient en travaülant aux champs
14 et 16 heures par jour.
Tous n'ont pas le goüt de se faire
soldats et je suis sur que vous vous
en félicitez autant que moi. Les bia-
meriez-vous de chercher du pain hors
de leur village natal, en France parti-
culièrement, oü l'attraction des gran-
des villes et la diminution de la natali-
té dépeupleut les campagnes
Confiner les Flamands dans la con-
naissance de leur seule langue mater-
nelle, ce serait sans doute le moyen de
les retenir chez eux, mais aussi celui
de'faire, de beaucoup d'entre eux, des
vagabonds et des meurt-de-faim.
II est vrai que ce que je viens de
dire perdrait beaucoup de son impor
tance si l'on apprenait au peuple fla
mand a prendre conscience de son
abaissement politique et économique.
La voila, la vraie question flamande:
afl'ranchir le paysan de la domination
du curé et du propriétaire, l'un soute
nant l'autre. Voila l'oeuvre a laquelle
les flamingants sincères doivent se dé-
vouer.
lis ont obtenu j usque maintenant
l'égalité dans les lois il leur reste a la
faire passer dans les mceurs, a convain-
cre le paysan flamand qu'il n'est pas
fait d'un autre limon que son pasteur
ou son seigneur. L'oeuvre sera sans
doute longue et laborieuse, mais elle
a sa grandeur bien faite poür séduire
ceux que le bayonnement du but em-
pêche de sentir les cailloux et les ron-
ces du chemin.
Cette oeuvre, en tous cas, sera autre-
ment utile et bien moins utopique
qu'une autre que rêve M. P. de Mont
faire du Congo une colonie flamande.
Les plus enthousiastes, les plus aveu-
gles partisans de Foeuvre congolaise
reconnaissent qu'on ne fera jamais du
Congo une colonie de peuplement. Y en-
voyer les Flamands que M. de Mont
prévoit devoir être, dans un avenir
rapproché, beaucoup trop nombreux
en Belgique pour le territoire qui de-
vrait leur fournir du travail et du pain,
ce serait certes un remède efiicace a la
surpopulation reste a savoir si le re
mède ne serait pas d'une ironie trop
macabre... (1)
(1) A propos de population, M. Pol de
Mont met en contradiction une de ses affir-
Avant d'en finir, je tiens encore a
relever un passage de la conférence de
M. de Mont.
II constate qu'il n'a jamais été ré-
pondu a la question suivante, posée
par plusieurs organes flamands [Fla
mingant, Schild en VriendDe Brugsche
Beiaard.)
A quoi servent les 200,000 francs
de fonds secrets inscrits annueiiement
au budget frangais pour le service de la
presse en Belgique
M. P. de Mont a-t-il vérifié l'exacti-
tude de cette prétendue inscription
budgétaire J'ai toujours cru que les
fonds secrets étaient votés sans dési-
gnation d'emploi, et que les miiiistres
frangais en font ce qui leur plait, sans
en rendre compte a quiconque, mênie
auxChambres. Je n'ai pas le budget
frangais sous la main, la vérification
m'est impossible pour le moment.
Au risque d'etre accusé, par quel-
ques têtes chaudes, d'émarger aux
200,000 tr. en question, je constaterai
que si le gouvernement frangais les dé-
pense pour le service de la presse en
Belgique, il est volé dans les grands
prix.
La prosse cléricale beige combat le
régime républicam de France avec plus
d'acharnement que la presse cléricale
frangaise elie-même. Quant a la presse
libérale et socialiste, son attitude dans
l'aflaire Dreyfus la met au-dessus de
tout soupgon dans une affaire oü -----
je ne dirai pas l'honneur du pays, les
gouvernants en ont parfois si médiocre
souci mais oü l'amour-propre du
ministère était engagé, les journaux
libéraux et socialistes ont pris tous,
sauf un peut-être, parti contre le mi
nistère. Je me demande, dans ces con
ditions, oü peuvent bien passer les
200,000 f'r. pour la presse en Belgique.
Ph. de C.
Un économiste anglais publie, dans
une des meilleures revues de Londres,
une étude aussi sérieuse que bien docu-
mentée sur le prix que coüte, par habi
tant, chacun des souverains et des
chefs d'Etat en Europe.
Additionnées entre elles, les listes
civiles de tous ces personnages repré-
sentent un total de 150 millions de
francs par an. Or, cette som me repar-
tie sur tous les habitants de l'Europe
donne par têteO fr. 34 seulement.
C'est le Sultan qui est le plus coü-
teux des monarquesson entretien
grève de 3 francs annueiiement la
bourse de chacun de ses sujets.
Viennent ensuite le roi des Beiges et
le roi de Grèce, 0 fr. 50 par tête d'ha-
bitant; l'empereur d'Autriche, 0 fr.45
le roi d'Italie, 0 fr. 45 le roi de Suède
et Norvège, 0 fr. 40 le tzar de Russie,
mations et les chiffres qu'il cite. Suivant
lui, en 1830, la population flamande dépas-
sait presque d'un million la population wal-
lonne. Or, au 31 Décembre 1831, la popu
lation totale était de 3,785,814 habitants,
ce qui aurait fait 2,392,500 flamands et
1,392,500 wallons environ.
M. de Mont porte le nombre actuel de
Flamands a 4,000,000 et celui des Wallons
a 2,500,000. D'oü il résulte que la oü il y
avait, en 1831, 100 Flamands, il y en au
rait aujourd'hui 167, et oü il y avait 100
Wallons, il y en aurait 179.
Or(p. 244), M. de Mont affirme que la
population flamande croit d'une manière
étonnante, tandis qu'un phénomène oppose
se produit chez les Wallons. Comment con-
cilie-t-il ses propres chiffres avec son affir
mation
0 fr. 35 et l'empereur d'Allemagne,
0 fr. 31. Enfin la reine d'ADgleterre dé-
tient le record du bon marché, comme
squverain, car elle ne coüte guère que
0 fr. 026 a chacun de ses sujets.
S'occupant ensuite des présidents de
républiques, i'économiste que nous ci-
tons a trouvé que ia iiste civile de M.
Mac-Kinley représentait par tête d'ha-
bitant 0 fr. 22, celle de M. Félix Faure
0 fr. 09 et celle du président Lelvéti-
que 0 fr. 006 seulement.
Nous voulons attirer l'attention des
lecteurs de la Lutte sur deux opinions
opposées qui ont été émises au Gongrès
international de la législation douamè-
re et de la réglementation du travail,a
An vers.
Dans la séance du Jeudi 15, après-
midi, M. Vaes, d'Anvers, a examiné,
au point de vue juridique, la question
des rapporis entre empioyeurs et em
ployés.
Le travail, a-t-il dit, et avec raison,
n'est pas une marchandise comme une
autre, parce qu'il est inséparable de
i'homme qui le fournit. Ghaque fait
touchant le louage de services atteint
directement le travailieur et sa fa
milie.
Un père jésuite, M. Castelein, s'est
élevé contre cette opinion, qui tendrait
a introduire la considération de I'hom
me vivant et agissant dans les cadres
rigides et inhumains de l'économie po
litique classique.
Le travail, a dit le P. Castelein,
est une marchandise et rien d'autre.
De la a conclure que le travailieur
aussi n'est qu'une marchandise, il n'y
a qu'un pas, et les économistes ont
vite fait de le franchir.Leur conclusion
n'est peut-être pas formulés aussi net-
tement que nous venons de la formu-
ler rnais elle n'en ressort pas moins
des mots sous lesquels ils la dissimu-
lent.
Et c'est ainsi qu'on en arrive a justi-
fier la plus odieuse exploitation de
I'homme par I'homme, et a faire en
même temps de l'économie politique
un amas de sophismes oü la cruauté le
dispute a l'incohérence et dont les pè-
res jésuites se font les défenseurs.
X.X.
\jEtoile beige résumé comme suit les
travaux du dernier Gongrès des insti
tuteurs, tenu a Malines
Nous tenons a revenir sur le Congres des
instituteurs, parce qu'il a été de nature a
reconforter les amis de l'enseignement offi-
ciel.
Tout d'abord, nous avon3 constaté avec
grand plaisir la grande prospérité de la Fé
dération des instituteurs beiges elle compte
aujourd'hui cinq mille membres, répartis
eux-mêmes entre différents cercles pédago-
giques provineiaux et cantonaux, dont plu
sieurs, ceux de Liége et de Charleroi no-
tamment, sont particulièrement nombreux
et actifs.
Cette situation brillante déplait fort a
certains cléricaux. Us sont restés les enne-
mis de l'instituteur officiel puis la fédéra-
tion prend parfois la liberté grande de décla-
rer hautement, preuves, en mains, que
malgré les lois réactionnaires de 1884 et de
1895, la guerre a l'école officielle n'a cessé
de sévir, sournoise, déployale et coupable
que la situation de l'enseignement pourrait
être meilleure que les écoles normales du
clergé, de jour en jour plus nombreuses,
sont de simples fabriques de diplómes, et
que la politique du gouvernement a diminué
le prestige de l'instituteur. En un mot, elle
defend la cause de l'enseignement, et ce n'est
vraiment pas sa faute si, parmi les adversai-
res de Tinstruction du peuple, elle rencontre
souvent le ministère.
Est-ce a dire que la Fédération fasse de
la politique Elle s'en défend trés vivement
et tres sincèrement. Ce n'est pas nous qui
nous en plaindrons. Nous savons que parmi
les instituteurs fédérés, il en est qui ne par
tagent pas nos idéés il nous suffit que,
hommes d'écoles, ils proclament nettement
le principe de la neutralité scolaire. Parti
de fibre discussion, de libre examen, le libé
ralisme est adversaire de quiconque veut
faire servir l'enseignement a une propagande
politique ou confessionnelle.
L'école, comme l'ont dit en substance plu
sieurs des hommes les plus autorisés du
Congrès, MM. Ley, Blondeau, Winnens,
doit être en dehors et au-dessus des partis
elle ne peut pas être une pépinière électorale
pour telle ou telle opinion, catholique, libé
rale ou socialiste 'elle doit s'attacher a for
mer des hommes honnêtes et de bons
citoyens elle doit être nationale. Malgré
les misères des temps actuels, nous sommes
convaincus que cette conception finira par
triompher.
Ce qui nous a plu dans le Congrès, ce
n'est pas seulement ce grand respect de la
personnalité de l'enfant, c'est aussi le souffle
d'arden te sympathie qui s'y est manifesté
pour la jeunesse scolaire. Instituteurs et
institutrices ont été unanimes a condamner
l'usage des pensums. Que nous voila loin du
temps oü l'on discu.tait encore sur l'efficacité
des punitions corporelles Nos instituteurs
entendent inspirer par la douceur, par la
persuasion, par leur prestige, par l'attrait
de leur enseignement, les idéés d'ordre et le
goüt du travail plutót que de vouloir les
imposer par la sévérité.
Us ne pensent pas que leur róle vis-a-vis
de la jeunesse doive être celui de magistrats
distribuant récompenses et chatiments ils
se croient plutót des médecins chargés de
guérir et d'élever, nous prenons ce dernier
mot dans ce qu'il a de plus large et de plus
noble. Us estiment que si l'enfant a des dé-
fauts, il n'en est pas toujours responsable
et que, par suite, on doit éviter de l'en faire
patir. Ces défauts sont souvent imputables
au milieu social, a l'ignorance et a la misère
des parents. II n'est presque pas, d'après
eux, d'enfants paresseux au sens propre du
mot tous sont essentiellement curieux et
actifs s'il en est qui manifestent peu de
goüt pour l'étude, bien souvent c'est parce
que le système actuel d'éducation, a partir
de l'école gardienne, est trop compressif,
trop destructif de la liberté des élèves. Cer
tes, nous préférons ces considérations hu-
maines et généreuses, même si elles parais-
sent un peu optimistes, a des recriminations
sur la paresse ou la méchanceté des écoliers.
Nous avons heureux aussi de voir le
congrès s'élever contre le surmenage sco
laire, qui compromet la santé des enfants et
tue en eux le goüt de l'étudê sous prétexte
de l'exciter. Les instituteurs ont été unani
mes a reconnaitre qu'il fallait non pas épui-
ser le programme, qui est d'ailleurs beau
coup trop touffu, mais savoir faire un choix
parmi les matières qu'il indique. Quant aux
longs devoirs a domicile, ils ont été condam-
nés. Pour des enfants qui ont moins de dix
ans, le travail a l'école suffit amplementa
quatre heures, il faut les laisser jouer en
toute liberté. Comme on le voit par ce trés
court apercu, les questions d'intérêt profes-
sionnel ont été laissées au second plan la
Fédération a réservé le meilleur de son temps
a l'étude des questions pédagogiques, a la
recherche des moyens d'améliorer l'en
seignement. La discussion a été sérieuse et
élevée pas un instant elle n'a cessé d'être
claire et courtoise.
Bref, s'il est regrettable que la question
de l'éducation et de l'instruction du people
ne soit pas considérée par tous les partis
comme la plus urgente et la plus importante,
les congrès des instituteurs n'en méritent
pas moins d'attirer l'attention de la presse
et de l'opinion.