L UNION FAIT LA FORCE.
Ou s'abonne au bureau du journal, rue de Dixmude, 51, Ypres. Pour
les annonces de Belgique (excepté les deux Flandres) s'adresser a 1'Agence
Havas, Bruxelles, rue de la Madeleine, 32 et a Paris, Agence de la
Bourse.
Journal libéral démocratique d'Ypres et de FArrondissement
Marguerite Coppin.
Cliroiii$iue locale.
L'oracle a parlé.
5e année. i\° 24.
PRIX DE L'ABONNEMENT
pour la yille, Par an S francs.
pr la province, Par an fr. 2-50.
Lettre de Ia Cité Dolemte.
Un témoignage sur la vie
cléricale en Belgique.
I*araissani ie Named*.
La Vérité a ceci de sublime qu'elle
est Une.
Dès qu'on la restreint, pour si peu
que ce soit dès qu'on touche a sa
pure clarté", serait-ce sous le prétexte
d'en augmenter le pouvoir, ce n'est
plus la Vérité.
II en est de même pour cette autre
prérogative sacrée de l'être humain
la Liberté. Nos pères, aux jours de ces
glorieuses luttes oü leur petit nombre
si souvent l'emportèrent en fait et tou-
jours en droit sur l'ennemi nombreux
de dix fois leur nombre, sentirent que
la liberté doit garer sa robe blanche de
toute atteinte mérétrice, et que le
peuple qui accepte des concessions,
qui se contente d'explications, et qui
n'exige pas péremptoirement le main-
tien entier et loyal de ses droits, est
un peuple perdu.
Nos pères ont ainsi d'un esprit droit
et d'une fermeté invincible créé l'héri-
tage dont nous jouissons aujourd'hui
un pays libre.
Get héritage, que devient-il
Oü est ce pays libre
Voici que les expulsions suivent les
expulsions nous voyons dans la même
semaine un homme chassé de la terre
oü sont venus jusqu'ici se réfugier tous
les bannis des empires injustes et des
royaumes iniques, être chassé de ce
territoirs oü ïl avait osé parler tont
haut des tristesses de l'existence, des
maux sociaux, des vilénies de la poli
tique et d'autres hommes amener
ces mêmes sujets sociaux et politiques
sous couleur de prédication et y être
encouragés par tout ce qui gouverne
et par tout ce qui dirige.
La même plume signe l'arrêté qui
défend un cortège rouge, et celui qui
permet un cortège bleu et blanc je
me trompe pour ce dernier, il n'est
pas besom de signer d'arrêté, la per
mission est accordée une fois pour
toutes.
Et c'est au nom des morales les plus
hautes, des principes les plus pures
que connaisse notre philosophie, que
ces attentats a la Liberté, que ces agres
sions a la Vérité sont commis.
Le sang des héros-martyrs féconde-
t-il en vain les champs de Groeuinghe,
la place de Bruxelles, les pierres de
Malines, de Mons, de Valenciennes
qui en furent noyées Leur esprit
indomptable n'anime-t-il plus leurs
descendants
Ne comprendra-t-on pas qu'un régi
me qui argutie et qui se dément ne
peut-être le régime de large et pure
liberté, de vérité loyale qui seul con-
vient a un peuple pour le maintenir
grand dans ses grandes traditions.
D'un intéressant article de La Liberté
nous découpons le fragment que voici
Nous venons de parcourir un ouvrage fort
curieux et dont certains fragments méritent
d'etre connus du public beige il est dü a un
prêtre anglais, qui a quitté la robe, M.
Joseph iMac Nabe, en religion Père Antoi-
ne, de l'Ordre des Franciscains. Ce livre est
intitule Twelve years in a monastery
Douze ans dans un couvent.
Le livre de M. Joseph Mac Nabe a ce mé
rite de ne réfléter aucune passion, aucun
parti pris sectaire. Ce n'est pas une oeuvre
de tendances, mais plutót une oeuvre docu
mentaire. C'est ce qui y fait avoir eonfianee
et rassure le lecteur sur la sincérité de ce
qui s'y trouve rapporté.
Au milieu de divers chapitres pleins de
Rotations curieuses sur le noviciat, les pre-
mières années de prêtrise, le confessionnal,
se détache un chapitre particulièrement
intéressant pour nous, qui porte le titre
Une année a Louvain.
C'est pendant l'exercice académique 1893-
1894 que le Père Antoine demeura a Lou
vain. La Faculté de théologie fut, cette
année-Ia, dit-il, fréquentée par 60 élèves
seulement, sur plus de 1,600 étudiants.
C'étaient de jeunes séminaristes que, a rai-
son de brillantes études préparatoires, leurs
évêques avaient envoyés a la Faculté catho-
lique conquérir les grades de doctorat en
théologie, en droit canonique ou en philoso
phie. Beaucoupdecesprêtresnevontpointjus-
qu'au bout de la carrière universitaire, étant
rappelés, avant de l'avoir complètement
parcourue,pourse consacrer a quelque office
actif dans leur diocèse.
Quant aux étudiants Iaïcs, le Père An
toine fut frappé surtout de ce que catholiques
en politique ou pour mieux dire cléri-
caux ils l'étaient beaucoup moins et
même fort peu en religion. La discipline
morale n'était guère sérieuse.
Un prêtre louvaniste affirma au Père
Antoine qu'un tiers des étudiants ne fré-
quentaient pas la messe le Dimanche, bien
que l'assistance a la messe soit dans le culte
romain un devoir sacré. Mais il suffit que le
cri de A bas la calotte retentisse dans la
rue pour que tous redeviennent d'un coup
catholiques entiers et irréductibles, par une
sorte d'orgueil solidaire, par un sentiment
de résistance, de défi et de fidélité a l'insti-
tution qui les groupe.
Le Père Antoine est abondant en nota
tions sur la vie inonastique qu'il véeut en
Belgique et qu'il désirait étudier attentive-
men t l'existence conventuelle en Angie-
terre est, en effet, contrariée par les mceurs
et par la loi et il parait qu'eu Belgique el le
s'épanouit pleinement en un type exemplaire,
qui est ailleurs regardé comme un modèle.
II lui devint vite apparent que cette per
fection consiste dans une discipline machi
nale, exclusive de toute activité et de toute
énergie. L'esprit conventuel en Belgique est
un esprit de paresse, de matérialité et d'in-
trigue
Le voeu de pauvreté qui n'est pas respècté
en Grande-Bretagne est, ici réalisé dans sa
plus absolue rigueur. Les moines ne portent
pas de linge, et ils s'interdisent le tub comme
un luxe immoral, pour la raison que donnait
un jour une nonne a une jeune fille qui
s'était vu refuser la permission de prendre
un bain le Bon Dieu vous verrait, ma fille
Le gaz est proscrit. Les lavabos sont
sommaires. Les installations hygiéniques
d'une organisation primitive et rustique. II
n'y a d'autre savon que du savon noir.
Quant au régime alimentaire, le Père
Antoine constate en même temps la sévère
observance des jeunes réglementaires et la
célébration plantureuse des fêtes liturgiques.
Les jours de fête religieuse, soit une ou deux
fois par mois, il n'est pas exceptionnel que
les moines restent attablés trois heures ou
plus, buvant du vin, bavardant, disputant
et cancanant bien après que le repas est
terminé. Dans ces banquets de corps, Ie vin
est servi en abondance et est de qualité fine.
On fait de la musique et l'on chante.
Notre religieux anglais, sans prétendre
a l'ascétisme ni pratiquer les préceptes dra-
eoniens du teatotalisme intégral, semble
avoir quelque mépris pour l'extraordinaire
capacité de nos moines beiges et reste
déconcerté devant la quantité de bière et de
vin qu'ils sont aptes a s'ingurgiter en un
jour et dont ils sont, paraït-il, spécialement
friands. L'une des principales préoccupations
d'un supérieur, dit-ilest la cave de la com-
munauté, car de la manière dont il la garnit
depend sa réélection. Un jour, s'étant en-
quis des raisons de la popularité dans la mai-
son d'un moinillon, qu'on désignait d'avance
comme candidat a la direction du couvent,
on lui répondit qu'il était le frère d'un
marehand de vin d. A Louvain, on fut
obligé de changer l'emplacement de la porte
du couvent paree qu'en face hahitait un libé
ral qui tenait malicieusement note du nom
bre de füts et de tonneaux que l'on y intro-
duisait. C'est sans doute a ces habitudes
d'intempérance qu'il faut attribuer la mort
généralement précoce de nos moines. Bien
peu, dit le Père Antoine, conserverit leur
intégrité mentale au dela de soixante ans.
Et ia plupart meurent d'apoplexie.
Sur l'emploi du temps dans les congréga-
tions monastiques. les détails que nous four-
nit l'écrivain anglais ne sont pas moins
caractéristiques.
Les moines confessent, prêchent, célè-
brent dans leurs églises des cérémonies reli-
gieuses. Mais ces occupations sont loin
d'absorber tout leur temps. On y rencontre
assurément des hommes actifs et zélés. Mais
la majorité mène l'existence la plus mo
notone et la plus oisive A Louvain, ils
étaient neuf, et il y avait a peine de quoi en
occuper quatre. La bibliothèque du couvent
était délaissée. Les pères étaient en général
d'une crasse ignorance l'été, ils arpentaient
le jardin du monastère on baillaient aux
fenêtres de leurs cellules. L'hiver, ils se
réunissaient autour du poêle et ratiocinaient
a perte de vue sur les nouvelles que leur
apportait le journal du matin ou sur quel
que point de casuistique ou de rituel. «Ils
étaient aussi avides de la moindre distrac
tion que des enfants. Cette vie molle et
indolente engendre les plus singulières ma
nies. Un brave et vénérable vieux moine
dont la spécialité était de bénir les enfants
et de réciter des prières pour le rétablisse-
ment du bétail malade, s'était fait agréer
comme aide-cuisinier et s'adonnait a de pieu-
ses recherches culinaires. Un autre recher-
chait la solution du problème du mouvement
perpétuel un autre encore avait imaginé un
nouveau système de bicyclette qui devait ré-
volutionner le monde du cyclisme. Tel rac-
commodait des pendules tel collectionnait
des médailles saintes, des images pieuses ou
des statuettes miraculeuses.
Ce qu'est, ce que doit être le niveau de
l'inteliectualité dans un semblable milieu, il
n'est pas malaisé de l'imaginer. On y pro-
fesse pour l'étude une aversion que l'on
fonde sur la lettre même et l'interprétation
des constitutions de l'Ordre. Les soiris de
l'intelligence sont aussi négligés que les
soins corporels, comma si la moraiité devait
gagner a la malpropreté physique et a 1 'in
digence mentale.
Le Père Antoine relate ici deux anecdotes
plaisantes et significatives. Mgr Mercier lui
avait prêté les Causes finales de Paul
Janet. L'un des moines jata un coup d'oeil
sur le titre. Haussant les épaules, il s'écria
Tiens la cause finale, c'est la mort
Et voila qui est du plus désolant matéria
lisme Un des plus jeunes frères se rap-
pela alors qu'on lui avait dit a l'école que
Janet était le chef de l'école spiritualiste
II n'en fallut pas davantage pour frapper de
suspicion l'audacieux lecteur des Causes
finales qui, par une amusante et édifiante
confusion, passa dès lors aux yeux du cou
vent pour s'adonner aux pratiques du spiri
tisme 1 Lorsque Mgr Mercier lui passa plus
tard les oeuvres de Schopenhauer, l'émotion
fut trés vive, Et il fut question de demander
le renvoi en Angleterre de ce frère conta-
miné par les mauvaises lectures...
Ce déplorable état d'esprit et de moeurs
oü végète l'ordre des Franciscains en Bel
gique a, parait-il, alarmé les plus distingués
d'entre eux. Et des efforts sont faits actuel-
lement pour le régénérer. Jusqu'a présent,
et c'est la qu'est le vice, l'Ordre a mis sou
point d'honneur dans l'augmentation du
nombre de ses mombres et dans le strict
maintien de la discipline monastique. On
cherche a corriger maintenant cette fausse
conception et un vaste college a été construit
pour l'éducation des aspirants. Le collége a
été aussitót encombré d'élèves. Mais il ne
semble pas que la qualité en vaille la quan
tité, si l'on en croit le Père Antoine, qui
rapporte qu'ayant demandé quelle était leur
origine, un frère lui répondit On y a ra-
massé Ia canaille des rues (la phrase est
en francais dans le texte anglais) un
autre lui expliqua que le système d'éducation
était vicié par l'espionnage et par un système
injuste de punitions et de récompenses.
ANNONCES
Annonces 10 centimes la ligne.
Réclames25 n
Annonces judiciaires 1 fr. la ligne.
Pour résumer en un motie jugement du
Père Antoine, le mal réside dans une con
ception de vie essentiellement oisive et de
piété formaliste, sensuelle remplie de pra
tiques vaines et d'intrigues domestiques
Le Père Antoine passa les vacances de
Paques de 1894 au couvent d'Argenteuil. II
y assista des mourants. Sur trois paysans a
l'article de la mort, l'un consentit difficile-
ment a se confesser et refusa les sacrements,
et l'autre les recut inconscient et son entou
rage parut s'en désintéresser complètement
le troisième déclara qu'il se confesserait
pour faire plaisir au prêtre, ajoutant que
cela lui était indifférent.
A Ohain, le curé dit au moine anglais qui
s'enquérait du nombre de pénitents qu'il
comptait recevoir au confessionnal, qu'il
n'en savait rien, que le chiffre en variait an-
nuellementil en vint cette année cent de
plus que l'année précédente mais il apparut
au Père Antoine qu'il y en avait plusieurs
centaines dont on ne savait s'ils feraient
leurs Paques ou non. A la procession de la
Fête-Dieu a Louvain, il apprit que plusieurs
centaines de ceux qui le suivaient n'étaient
que des catholiques de nom ou de tradition.
Nous avons vu a Bruxelles le même phé-
nomène, lors de la procession eucharistique,
au mois d'Aoüt dernier. II y avait la aussi,
dans la foule qui escortait le dais, des cen
taines de bourgeois indifférents, qui ont fait
de la religion une mode distinguée, une ré
clame fructueuse, une parade intéressée,
faux dévots, a qui Ia piété tient lieu de foi.
Le Père Antoine, qui a senti sous la croüte
du bigotisme le vide du coeur et le mensonge
des consciences, prévoit pour un avenir pro-
chain le développement en Belgique des for
ces anticléricales. Nous attendons, de toute
Ia puissance de l'espoir, la réalisation de ces
prédictions.
L'oracle a parlé. Nous n'aurons ni
un bourgmestre démocrate libéral, ni
un bourgmestre démocrate chrétien.
Les Yprois conserveront l'administra-
tion catholique, le bourgmestre actuel
en tête, convamcus que leurs intéréts
no sauraient se trouver en de meilleurs
(sic) mains ainsi s'exprime le Journal
d'Ypres, en son numéro du 8 Avril der
nier.
Que ce soit la le rêve de notre cléri-
cal confrère, c'est possible nous ne
pouvons quant a nous le partager. II
nous est d'avis au contraire que la do
mination autocratique, qu'exerce M.
Surmont, ne saurait durer plus long-
temps elle est inconciliable avec l'es
prit politique yprois, qui, quoiqu'on
fasse, conservera des allures indépen-
dantes. II a suffi de huit années d'ex-
périence pour soulever de toutes parts
des protestations contre les tendances
par trop despotiques de notre maïeur.
Le mécontentement a gagné les rangs
cléricaux. Les protestataires s'y sont
trouvés nombreux, ils se sont groupés;
par haine des tendances aristocratiques
de leurs chefs ils ont fondé la démo
cratie chrétienne yproise et déclarent
hautement qu'ils entameront la lutte
aux élections prochaines. La déba-
cle se prépare done. La bourgeoisie
yproise re ressaisit Elle semble com-
prendre enfin qu'elle a un autre röle a
jouerque de servir de marche-pied a
quelques vaniteux, qui,se croyant d'un
autre sang, ne prennent contact avec
elle que pour arriver aux honneurs.
Aussi le Journal J Ypres n'est il pas
a l'aise et a mauvaise situation il tente
de faire bonne figure. Malheureusement
pour lui ses affirmations ne tromperont
personno. II aura beau crier, que la vic-
toire restera a ses amis les chiffres
électoraux de nos dermères élections
communales sont la, pour lui donner
un démenti indiscutable. L'écart entra