Journal libéral démocratique d'Ypres et de l'Arrondissement
Doux chrétiens.
Samedi, 28 Octobre 1899.
5 centimes le numéro.
5e année. i\° 52.
L'abbé Daens
et Monseigneur de Gand.
JParaissani le Hamedi,
L UNION FAIT LA FORCE.
PRIX DE L'ABONNEMENT
pour la yille, Par an 2 francs,
pr LA province, Par an fr. 2-50.
Quand, en Septembre 1898, le colo
nel frangais Henry, convaincu d'avoir
commis un faux pour maintenir an
bagne le malheureux capitame Drey
fus, se suicida, la Libre Parolejournal
catholique et antisémite, ouvrit une
80u8cription pour lui ériger un monu
ment. Pierre Quillard a fait paraitre,
chez l'éditeur Stock, a Paris, ces fa-
meuses listes rouges publiées du 15 Dé-
cembre 1898 au 15 Janvier 1899. Ce
vocabulaire est un memorial de honle et
un répertoire d'ignominies
De tous ces noma rapprochós et de
ces passions confrontées, il se dégage
un enseignement histonque.
C'est fout un parti qui s'est dénom-
bré lui-même dans ces feuilles c'est
le parti de l'autorité religieuse qui ré
clame, avec des clameurs discordantes,
l'écrasement de toute pensée libre et
l'extermination de tous les dissidents
qui prétendent s'en fier a leur conscien
ce personnelle plutöt qu'au dogme im-
posé par un maitre.
La fantaisie sauvage de ces assoiffés
du sang des juifs et des hommes libres
est tout ce qu'il y a de plus chrétien.
lis voudraient
les bouter hors de France,
les envoyer au Sahara,
les envoyer a l'ile du Diable,
les fesser,
les jeter a l'égout,
les loger dans des tinettes,
les revêtir d'une robejaune,
leur administrer des lavements au vitriol,
leur casser la gueule,
leur couper les jambes,
leur crever les yeux,
■leur écrabouiller la tête,
leur éeraser le nez a coups de talons,
leur fumer les jambons,
leur faire cracher les dents,
leur assouplir la carcasse en rétablissant la
torture,
leur raboter le nez,
leur tanner la peau,
leur truffer la peau,
les bistourner,
les détruire avec de l'onguent gris,
les passer a l'huile bouillante,
les passer dans la chaudière,
les convertir en hachis,
les circoncire jusqu'au-dessus desépaules,
les couper en deux,
les pendre,
les écorcher vifs,
les massacrer en masse dans une nouvelle
Saint-Barthélémy,
les donner a dévorer aux chiens,
les donner a dévorer aux chats, qui mange-
raient la foie de Reinach s'il n'était pourri,
les incinérer dans le brasero de Carrara,
les rötir,
les farcir,
les faire cuire dans les fours de cristallerie,
les flamber avec de la paille,
les étriper,
les éeraser entre le marteau et 1'enclume,
les chaponrier,
les empoisonner avec de la strychnine,
les empoisonner avec de la mort-aux-rats,
les distiller,
les saigner,
les manger en salade,
les guillotiner,
les fusilier,
les embarquer sur des bateaux a soupape,
les piquer a coups d'épingles jusqu'ï ce qu'ils
crèvent,
les assommer a coups de matraque en gayac,
les mettre mariner dans la saumure, etc., etc.
étrangler le dernier des francs-magons avec les
boyaux du dernier des juifs,
accrocher leur tête a la devauture d'un char-
cutier,
faire du bouillon de chien avec les cartilages
de leur nez,
jouer aux qui 1 les avec leurs têtes,
faire des tambours avec leur peau,
faire des bottes ou du parchemin avec leur
peau,
faire des cordes a violon avec leurs boyaux,
etc etc.
Et comme le fait remarquerQuillard,
ce répertoire n'est pas complet. II y
manque au moins les expressions pit-
toresques de Dubuc, l'antisémite de la
On s'abonne au bureau du journal, rue de Dixmude, 51, Ypres. Pour
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Bourse.
Haute Cour, qui recommandait a un
de ses amis de décerveler le petit X...
aveoees bayados et de casser silen-
cieusement le plus de gueules possible
Silencieusemertt est un poème. Recöm-
mandation de jésuite et précaution
d'assassin.
M. l'abbé Daéns publie ce qui suit
dans le Messager de Bruxelles
Le 30 Septembre 1899, je regus la
lettre suivante, expresse et recomman-
dée
évêché DE GAND. Gand, 30 Sept. 1899.
Monsieur l'abbé,
Nous apprenons a l'instant que vous avez
laissé porter votre nom sur une liste elec
torale comprenant des libéraux, des socia-
listes et des daensistes.
Si, malgré la defense formelle que Nous
vous en avons faite, vous posez eet acte.
Nous serons oblige de recourir a des mesu-
res plus graves encore que celles que vous
Nous avez force de prendre déja.
Votre dévoué serviteur en J.-C.,
f Antoine, Evêque de Gand.
Je répondis dans les termes suivants:
Alost, 2 Octobre 1899.
Monseigneur,
Votre lettre m'est parvenue quand nos
candidatures avaient déja été déposées chez
le président du bureau principal.
Je regrette que Votre Grandeur soit si
mal renseignée sur la nature et le but du
Cartel conclu entre libéraux, socialistes et
démocrates chrétiens (non pas daensistes
comme Votre Grandeur persiste a nous
appeler par un terme au moins incorrect).
II ne s'agit d'aucune facon de livrer
i'Hötel-de-Ville d'Aiost a ceux que Votre
Grandeur considère comme les ennemis de
la religion et de la Société il s'agit seule
nient d'appliquer a notre Conseil la Repre
sentation proportionnelle.
A Alost, plus que partout. ailleurs, la
representation des rninorités est nécessaire.
Aux yeux de quiconque sait de quelle
facon notre ville est administrée, la R. P.
apparait comme une mesure de salut public,
et si nous cornmettons un rnéfait en vouiant
l'appliquer loyale -ent, il faut avouer, Mon
seigneur, que tous ceux qui sont partisans
de la nouvelle loi électorale se rendent cou-
pables du même crime.
Mais jecrois qu'il faut enfin parler nette-
ment et dissiper la dernière équivoque.
Si la lettre de Votre Grandeur contient Ja
defense pour rnoi de poser ma candidature
comme démocrate-chrétierije suis oblige de
répondre, aVec tout le respect que je dob a
inon Evêque. qu'il me serait impossible
d'obtempérer a cette injonction.
II y a deux ans, lors des elections législa-
tives. j'ai renonce spontanément a raon siège
parlementaire, a ma liberté politique et a
mon droit de citoyen. Une place honorable
m'avait été promise et donnée a Bruxelles
Votre Grandeur sait par quelles manoeuvres
el ie m'a été retirée.
II ne me restait des lors qu'a reprendre
mon droit de citoyen et la direction de notre
Parti démocratique-chrétien.
Depuis ce temps, j'ai déclaré publique-
ment a plusieurs reprises que je ne renonce-
rais plus a mon droit.
Votre Grandeur m'a frappé de suspense
paree que, après quatre annéés d'humilia-
tions, je ne voulais pas continuer a dire la
messe en secret, a huis-clos, comme un prê-
tre puni et dégradé.
Aujourd'hui, si Votre Grandeur se deter
mine a me frapper de peines plus sévères
encore, paree que je reveudique mon droit
de citoyen, je ne pourrai que déplorer cette
mesure, que j'estime funeste a l'intérêt de
notre peuple chrétien des Flandres.
Je subirai ces nouvelles rigueurs avec la
patience et la résignation avec laquelle j'ai
supoorté, depuis six années, tant d'avanies
et de persécutions avec laquelle j'ai'supporté
Ait ruine de toute ma familie, causée par
1'abus que certains prêtres ont fait de vos
notes épiscopales et par l'impitoyable boy
cottage auquel ils se sont livrés.
Jusqu'a présent, j'ai toujours été con-
damrié sans même avoir été entendu.
Je suis impuissant vis-a-vis de Votre
Grandeur je ne puis qu'appeler de votre
sentence a la justice de Dieu et au jugement
de mon pays.
Votre humble serviteur,
A. Daens.
NOUVEL ÉCHANGE DE LETTRES.
Sur ce, je regus le billet suivant, ré-
digé en latin
EVÊCHÉ DE GAND. Gand, 4 Octobre 1899.
Révérend Monsieur,
Veuillez venir auprès de Nous Vendredi
prochain 6 du mois, all heures, pour en
tendre la lecture d'une récente communica
tion du Saint-Siège.
Votre serviteur dévoué en J.-C.,
f Antoine, Evêque de Gand.
Je répondis
Alost, 6 Octobre 1899.
Monseigneur,
Vous savez les motifs (1), bien pénibles
pour moi, qui m'empêchent de me rendre
auprès de Vous.
Je prie respectueusement Votre Grandeur
dn me faire connaïtre par écrit la récente
communication du Saint-Siège, dont il est
question dans sa dernière lettre.
Votre frès humble serviteur,
A. Daens.
Le lendemain, je regus la lettre sui
vante, en latin
ÉVÊCHÉ DE GAND, Gand, 7 Octobre 1899.
Révérend Monsieur,
Attendu que, méprisant de plus en plus
notre defense et celle même du Saint-Siège,
vous portez atteinte a la dignité de la robe
sacerdotale, en la trainant insolemment
[insolenter) et au scandale des fidèles dans
des assemblées qui vous ont été interdites
Attendu que, en outre, vous abusez de
eet habit pour séduire les simples et les atti-
rer dans des voies réprouvées par l'autorité
ecclésiastique
Attendu que hier, enfin, appelé par Nous
pour entendre une récente communication
du Saint-Siège, vous refusez opiniatrement
de venir auprès de Nous, et que, par Ia, vous
méconnaissez l'autorité du Saint-Siège lui-
même
Par le présent avertissement, valable
pour trois (2). Nous vous informons que, si
(1) Ces motifs étaient au nombre de trois.
1" Presque cliaque fois que j'avais eu un
entretien avec S. G. l'Evêque de Gand, je me
voyais accusé d'altérer le sens de ses paroles,
au point qu'on afficha un jour sur les murs
d'Aiost les mots suivants L'Evêque de Gand
a affirmé devant des catholiques d'Aiost, que
les mensonges de l'abbé Daens ne sont plus a
compter.
Je priai l'Evêque, pour éviter cette accusa
tion diffamante pour moi, qu'il voulüt bien a
l'avenir me communiquer par écrit ses volon-
tés et ses ordres
2° Pendant les quatre années que j'ai été
député, j'ai été regu par l'Evêque de Gand
d'une fagon si humiliante que je n'avais plus
le courage d'aller auprès de Lui, et que je fus
réduit a dire un jour a S. E. le Nonce a Bru
xelles que l'Evêque de Gand me traitait comme
un horume bien élevé ne traiterait pas un
chien.
3° J'ai dit a l'Evêque qu'il m'était trop péni-
ble de venir auprès de Lui, paree qu'en le
voyant, je songeais a la ruine de ma familie
causée par i'abus scandaleux qu'il avait laissé
faire de ses Notes épiscopales, et aux larmes
de sang que j'ai vu verser.
Je suppliai l'Evêque pour ces motifs de
loyauté, de dignité et d'humanité de ne plus
m'appeler auprès de Lui.
(2) D'après le Droit Canon, il faut régulière-
ment trois sommations.
ANNONCES
Annonces 10 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces judiciaires 1
f'r. la ligne.
vous ne venez pas auprès de Nous, le 10 ou
le 11 de ce mois, a 11 h., en vertu de notre
charge pastorale et conformément aux in
structions romaines, Nous serons forcé de
vous interdire le port de l'habit ecclésiasti-
que.
C'est avec douleur que nous écrivons et
signons cela.
Votre serviteur dévoué en J.-C.,
f Antoine, Evêque de Gand.
Je répondis comme suit
Alost, 8 Octobre.
Monseigneur,
Ce matin, en me rendant a la messe, j'ai
été injuria grossièrement par la servante du
doyen, cousine de Votre Grandeur, a la
porte de l'église elle m'acrié Smerige
Des femmes du peuple l'ont entendue, et
je crois que cette servante fera bien de se
tenir sur ses gardes. Comme toujours, M. le
vicaire Ponnet a prêché comme un enragé
il a prophétisé la victoire éclatante des
woestistes et l'écrasement définitif de tous
les autres. Cet homme a fait a la religion a
Alost un mal incalculable.
Quant a votre lettre épiscopale, par défé-
rence et malgré la profonde repugnance que
je sens, je comparaitrai devant Votre Gran
deur Mercredi, vers 11 heures.
D'ici la, j'examinerai encore quel est mon
devoir et aussi quel est mon droit.
Par déférence aussi, je suis pret a faire
les concessions qui ne touchent pas a l'es-
sence de ce droit.
Votre humble serviteur en J.-C.,
A. Daens.
Monseigneur me recoit d'abord paternel-
lement, en me disantMonsieur l'abbé,
pourquoi done persister dans votre manière
d'agir. Ne voyez-vous qu'il n'y a pas un soul
prêtre de uion diocèse qui soit avec vous
Je répondis Monseigneur, il n'y a rien
d'étonnant a cela a la moindre velléité que
montre un prêtre de partager mes idéés, il
est frappé sans miséricorde, disgracié et
boycotte, t Je citai a Sa Grandeur l'exemple
des deux vicaires d'Alost qui, pour avoir
voulu seuleraent garder Ia neutralité, ont
été destitués, disgraciés et envoyés dans
une sorte d'exil, tandis que les prêtres les
plus violents contre moi sont récompensés
par de belles places.
Vovant qu'il ne parveriait pas a me per
suader, l'Evêque sonna. Un domestique
arriva.
Apportez-moi, lui dit l'Evêque, les lettres
de Rome. Ces lettres arrivèrent avec deux
vicaires généraux Ils s'assirent aux cótés
de l'Evêque.
Je demandai d'abord si je me trouvais de
vant un tribunal ecclésiastique. Je ne recus
pas de réponse.
Je fis remarquer cependant combien ce
tribunal serait étrange et inouï j'étais la
tout seul cornme accusé, sans témoins et sans
avocat.
L'Evêque commence a me lire Ia première
des deux lettres c'était celle que j'avais
rapportée de Rome, il y a quatre ans.
Vint enfin la récente communication du
Saint-Siège. j>
Je demandai, pour en avoir pleiue con-
naissance, de pouvoir la transcrire ou la lire
moi-même. Cela me fut refuse, Je vous en
donnerai lecture me répondit l'Evêque.
Sur mon observation que je désirais en
prendre une connaissance plus exacte, l'E
vêque me répondit que cela suffisait.
Je n'ai pas retenu les termes précis de
cette lettre je crois cependant que, d'après
cette communication d'une Congrégation
romaine, je dois renoncer d toute action
politique ou bien déposer Vhabit ecclésiasti
que. C'est ce que l'Evêque me dit a plu
sieurs reprises.
Je demande du temps pour réfléchir.
Vous n'avez pas besoin de réfléchir, me
dit l'Evêque, il faut vous soumettre. v
A la fin, cependant, j'obtins un sursis jus-
qu'au lendemain soir, le Jeudi mais l'Evê
que me dit que s'il n'avait pas de réponse la
LUTTE
LEUR CORRESPONDANCE.
MA COMPARUTION DEVANT l'ÉVÊQUE.